Deux jeunes génisses papotent parasites
Comme elles regardaient avec insistance de notre côté tout en humant l’herbe fauchée, j’ai compris qu’elles se racontaient des histoires de mise à l’herbe. À cet âge-là, ça papote dur sur les réseaux sociaux de la stabulation en quête d’infos sur leur avenir. J’ai été servi !
Comme elles regardaient avec insistance de notre côté tout en humant l’herbe fauchée, j’ai compris qu’elles se racontaient des histoires de mise à l’herbe. À cet âge-là, ça papote dur sur les réseaux sociaux de la stabulation en quête d’infos sur leur avenir. J’ai été servi !
" Ah ! Je crois que cette fois-ci ça va être notre tour. T’as d’abord vu nos mères dans les pâtures et puis nos grandes sœurs qui sont parties dans la bétaillère et qu’on ne reverra qu’à l’automne. Tu sais quoi ? D’après ce que je sais, les gars vont d’abord nous lâcher deux semaines dans le petit verger, celui où tout le monde passe à tour de rôle, les petites comme nous pour nous dresser à la clôture électrique, les boiteuses qui ne peuvent pas aller bien loin, les malades, les ados en transit entre deux parcelles. Bien chargé le verger ! Tu vois pas ce qu’on va devoir consommer comme larves… Si ça se trouve il va y en avoir de toutes les sortes, des vers de poumon, des vers d’intestin, des vers de caillette et j’en passe. Et ensuite, hop, ce sera notre tour de monter dans la bétaillère pour partir en vacances dans une très grande parcelle où il y aura de l’herbe à gogo jusqu’en juillet sans doute et pas grand-chose ensuite en attendant la pluie et la repousse. C’est comme ça que nos mères, quand elles étaient petites, avaient ramassé la bronchite vermineuse dans le verger au mois de mai et en étaient tombées malades début septembre.
- ça ne te tracasses pas, toi, de partir brouter des larves ? Il parait qu’il y en a qui nous attendent tranquillement depuis l’automne dernier à l’aisselle des feuilles pour qu’on les avale, histoire qu’elles deviennent adultes en trois semaines et qu’elles se mettent à pondre comme des folles plusieurs milliers d’œufs par jour. Imagine, c’est pas des vers, c’est des usines ! Tu vois ce qu’on va manger comme larves quand on va devoir s’approcher un peu trop près des bouses.
Oui, les gars feraient bien mieux de diviser la grande parcelle en paddocks et de nous faire tourner dessus. Des vétos disent que ça divise au bas mot l’impact du parasitisme par cinq parce que pendant qu’on y est pas des larves grillent et parce que quand on revient on attaque le feuillu bien au-dessus du niveau des larves. Ils disent qu’on a donc moins de chances d’en rencontrer.
Oui mais ce que tu dis là, ça marche à condition qu’on ne soit pas obligé de gratter la terre avant d’attaquer une nouvelle parcelle ! Faudra leur dire. Et puis au mois d’août quand ils vont devoir installer un râtelier à foin tu sais ce qui va se passer ?
- Non…
- Eh bien les larves, plutôt que de filer dans l’herbe voisine pour nous contaminer au risque de se faire griller par le soleil, elles vont rester emprisonnées dans les bouses sous la croûte sèche. Eh bien, on sera tranquilles ! Seulement jusqu’au retour de la pluie et à ce moment-là la croûte va se défaire, elles vont s’en échapper et ça va être notre fête ! Oui mais en même temps, on devrait commencer à être plus résistantes, non ? Un peu, oui, mais on aura pas encore fait les huit mois de contact qui nous permettraient de nous débrouiller à peu près.
- Tu aurais une solution, toi ?
- Peut-être… Puisqu’on est là, toutes auprès du râtelier, si au lieu de bouser sur une grande parcelle, ils nous ramassaient dans un petit carré, les larves présentes dans les bouses seraient bien faciles à éviter en laissant tomber ce carré à la repousse de l’herbe. Tu ne voudrais pas plutôt qu’on rentre à la stabul ?
- Pourquoi pas, autant être à l’ombre pendant la canicule…
- Mais je comprends maintenant pourquoi il y a deux ans des petites, trop jeunes pour sortir au printemps et qu’ils avaient mis dehors au mois de septembre avec des plus âgées de trois à cinq mois ont trinqué dur. Elles se sont trouvées nez à nez avec une quantité impressionnante de larves alors qu’elles n’avaient encore acquis aucune résistance. Alors, l’an dernier, ils ne les ont pas mises avec de plus grandes mais à part.
- Et... ?
- Et ça a fait à peu près pareil parce qu’ils les ont mises sur leurs repousses ! Pffff !
- C’est pas très réjouissant tout ça. Tu crois pas qu’ils devraient nous donner tout de suite un vermifuge qui fait effet très longtemps, histoire qu’on mange les larves sans qu’elles puissent s’implanter ? À ce qu’il parait, c’est pas toujours très malin parce que pendant ce temps, on ne fait pas vraiment de contact avec les parasites et ce qu’on aura pas fait cette année il faudra bien le faire l’an prochain. Oui mais tel que c’est parti, ils vont attendre la rentrée d’automne pour rectifier le tir si ça ne se passe pas très bien. Nous verrons bien si nous parvenons à décider les gars à modifier un peu leurs pratiques pour nous éviter de souffrir des parasites digestifs. Il parait qu’en s’y prenant bien, le vermifuge n’est pas toujours nécessaire, au moins de façon systématique et pour tout le monde.
- Oui mais comment savoir ?
- En faisant des prises de sang à la rentrée, il y a juste une analyse à faire !
- Comment sais-tu tout ça ?
- Je lis un magazine, moi !