Crise du lait : la FNPL joue la carte du marché intérieur
La charte de valeurs annoncée mi-décembre est désormais proposée à la signature des distributeurs et transformateurs. Objectif : que chacun des opérateurs l’intègre dans ses conditions générales d’achat et de vente.
La charte de valeurs annoncée mi-décembre est désormais proposée à la signature des distributeurs et transformateurs. Objectif : que chacun des opérateurs l’intègre dans ses conditions générales d’achat et de vente.
Face à la crise du lait qui dure, la FNPL ne veut pas rester les bras croisés. Pour organiser la résistance, elle propose aux transformateurs et distributeurs de signer une « charte de valeurs ». Elle concerne le marché intérieur français soit 55% de la collecte nationale. Cette charte annoncée mis décembre, le syndicat de producteurs l’a construite seul et l’a mise publiquement sur la table le 20 janvier dernier lors d’une conférence de presse. L’enquête de la Commission suite aux tables rondes l’été (voir ci-contre) l’a conduit à prendre beaucoup de précautions juridiques pour proposer un document compatible avec le droit européen. « La charte sera proposée individuellement à chacun des opérateurs, qui la signeront volontairement ou pas, insiste André Bonnard, secrétaire général de la FNPL. La meilleure utilisation qui pourrait en être faite serait que chacun l’intègre à ses conditions générales d’achat et de vente. »
Les informations de la négociation transmises à un tiers extérieur de confiance
Au travers de cette charte, les signataires s’engagent tout d’abord sur un partage équitable du risque « volatilité ». « Il n’ y a aucune raison que le prix du lait entrant dans la composition d’un yaourt à marque soit indexé sur le cours de la poudre à l’autre bout de la planète. Ni de raison pour que la volatilité des marchés mondiaux soit impactée uniquement sur le producteur. Cet engagement revient à reconnaître la 'valeur lait' des produits de grande consommation grâce notamment à l’affichage de l’origine », plaide André Bonnard.
Les signataires s’engagent aussi à créer de la valeur pour tous les acteurs de la chaîne alimentaire. Et, c’est le point ayant le plus d’impact pour les producteurs : à mettre en place, en cas de crise, un dispositif permettant de pérenniser les exploitations et la dynamique laitière. Cela se matérialise par l’application par les transformateurs d’une « clause de sauvegarde » , et par le retour à la table de négociation des signataires pour définir ensemble une « valeur d’équilibre ». Pour « s’assurer que la clause de sauvegarde fonctionne réellement dans les deux sens », les relations commerciales doivent être transparentes . La charte prévoit donc l’intervention d’un «Tiers extérieur de confiance » (le médiateur des relations commerciales agricoles). « Il recueillera auprès des transformateurs et distributeurs les informations qui ont fait l’objet de négociations commerciales. Et s’assurera du transfert aux producteurs des efforts que les distributeurs auront consentis aux transformateurs. Cela évitera les débats que l’on a connus suite aux tables rondes de l’été 2015. Ainsi, une OP pourra ainsi savoir, en s’adressant au médiateur, si l’entreprise a transféré l’intégralité de la somme obtenue par le transformateur lors de la négociation afin qu’il puisse payer le lait à 340 euros au producteur. Mais elle n’aura pas accès aux données qui resteront confidentielles ».
Ne pas signer signifierait ne pas vouloir maintenir les exploitations
Il reste maintenant à prendre son bâton de pèlerin pour la faire signer. La FNPL est confiante, mais « pas naïve . « Les distributeurs signeront à condition que tous la signent, reconnaît André Bonnard. Mais ne pas signer cette charte signifierait dire aux consommateurs ne pas être d’accord pour pérenniser les exploitations, ne pas vouloir plus de transparence, etc. Le premier qui signera ramassera la mise en termes d’image». Quant aux transformateurs, « on imagine mal une coopérative ne pas la signer. Et les PME ont tout intérêt à le faire ». Restent les grands grands groupes privés, plutôt frileux côté transparence. « L’avantage pour les industriels est de pouvoir maintenir leurs tarifs et ne pas s’aligner sur le prix mondial, argumente-t-il. Ne pas signer reviendrait à signer la branche sur laquelle ils sont assis. »
Un premier décompte du nombre de signataires est prévu mi-février. Un deuxième décompte sera effectué lors du Salon de l’agriculture, quelques jours avant la fin des négociations commerciales entre industriels et distributeurs sur les marques distributeurs.
La FNPL tire la sonnette d’alarme
«Le prix du lait ne permet plus de vivre. Cela va très mal dans les campagnes : beaucoup d’éleveurs n’arrivent plus à faire face. Le taux de restructuration pourrait atteindre 10% voire plus cette année », alerte Thierry Roquefeuil, président de la FNPL. « Il faut que les acteurs économiques et politiques, y compris les députés européens, aient la volonté d’apporter une réponse rapide et forte. On ne sent pas cette volonté. Le plan d’urgence ne résoud rien. Son financement n’est même pas assuré, certains départements n’ont reçu que 50% de leur enveloppe !»
Aucun signe d’amélioration des marchés n’est en vue. « Même Bruxelles dit que les neuf mois qui arrivent vont être difficiles, ce qui signifie en France, avec nos trois mois de décalage, pas d’amélioration en 2016». Pourtant, « le Commissaire européen tient toujours le même discours : le marché va régler le problème ! »