Allemagne : prix du lait à 280 à 300 €/1 000 l dès mai ?
Avril n’est que le début de la crise. En Allemagne, les perspectives de prix du lait à six mois ne sont guère enthousiasmantes.
Avril n’est que le début de la crise. En Allemagne, les perspectives de prix du lait à six mois ne sont guère enthousiasmantes.
L’impact de la crise du Covid-19 est variable pour chaque laiterie, chaque exploitation. À l’échelle du pays, la production n’a pas faibli en mars. La Fédération de l’industrie laitière allemande (MIV) indique qu’elle est supérieure de 0,9 % en 2020 comparé à 2019. « Des transformateurs et des organisations de producteurs ont incité à réduire les livraisons. Sans grand succès », précise Eckard Heuser, son directeur. En Hesse, la laiterie Schwälbchen, très dépendante du marché de la restauration hors domicile (RHD) pour écouler une partie de ses 350 millions de litres, a par exemple sollicité ses livreurs pour une baisse de 20 % de leurs apports. La demande même soutenue des ménages ne compense pas la disparition du débouché de la RHD et le recul de l’export, notamment vers l’Europe du Sud. De plus, les modes de consommation changent en privilégiant les produits les moins chers. D’importants volumes de lait ont donc été orientés vers les tours de séchage et les beurreries. « Des entreprises se préparent à aller à l’intervention. Elles ont déjà commandé les emballages adéquats », note le département économie de la chambre d’agriculture de Basse-Saxe. « Le stockage privé sera utilisé. Mais comment faire autrement ? C’est la seule possibilité d’influencer rapidement et positivement les cours », analyse Hans-Jürgen Seufferlein, directeur de la Fédération des producteurs de lait bavarois. Plusieurs laiteries du Nord du pays auraient quant à elles décalé de quatre semaines la paye du lait d’avril.
L’inconnu pour juin et ensuite
Le prix payé en mai est annoncé en baisse d’environ 20 €/1 000 l au niveau fédéral. Il pourrait passer sous les 300 € dans beaucoup de cas. « La fourchette des prix pratiqués va s’élargir », pronostique Eckard Heuser. Dans le Nord du pays, la coopérative Ammerland (1 800 Ml transformés) a prévenu ses livreurs dès avril qu’ils feraient mieux de faire leurs prévisions de recettes avec un prix du lait payé entre 280 et 300 €/1 000 l dans les six prochains mois. « Aucune baisse de prix ne peut faire vendre plus », communiquait-elle. Dans le Sud, le prix d’avril à 42-34 sera le même qu’en mars à 351 €/1 000 l. Un recul de 10 € en mai est plus que probable, même si la grande distribution a accepté un tarif en hausse de 6 cents par litre pour le lait de consommation et de 10 cents pour le kilo de fromage. S’avancer plus en avant dans le temps sur un prix reste hasardeux. À signaler qu’à la mi-avril, le lait bio échappait à la tendance baissière avec une perspective de prix à la hausse.
Avis d'éleveur : Henning Münster, à Borstel-Hohenraden (Schleswig-Holstein)
« J’ai réformé pour diminuer mon coût alimentaire »
« On a du mal à y croire. Je suis installé au nord de Hambourg. Je ne connais personne autour de moi touché par le virus. Le prix de base s’est maintenu à 320 €/1 000 l en mars. Il est revenu à 270 € en avril. Je m’attends à 250 €, voire moins ces prochains mois. Je sécurise une partie de mon prix en engageant chaque trimestre du volume sur le marché à terme. Cela m’a plutôt bien réussi jusque-là. Ma laiterie (Barmstedt(1)) ne m’a donné aucune consigne de baisser ma production. C’est un choix qui est de la responsabilité individuelle de chaque éleveur. Je suis revenu à 380 vaches. J’ai réformé un peu plus rapidement que prévu 20 laitières, à la fois pour diminuer mon coût de ration, économiser mon stock car la sécheresse ne m’a pas permis de faire 100 % de ma première coupe d’herbe et je crains la diminution du cours de la viande. Je n’ai pas touché d’aides. Je déposerai sans doute un dossier, mais c’est de l’argent [NDLR 15 000 € maximum] sur lequel je ne compte pas. Si la situation perdure, j’estime que 20 % des producteurs jetteront l’éponge. Pas tant pour des raisons économiques qu’à cause d’une perte de motivation due à la sécheresse qui revient, notamment en Allemagne de l’Est, et aux contraintes liées à l’application stricte de la directive Nitrates ».