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Chemin de pâturage : le profil et la conception sont les points essentiels

L’eau est le pire ennemi du chemin. La conception de celui-ci doit permettre à l’eau de s’évacuer. Voici les points clés à ne pas négliger, quels que soient les matériaux utilisés.

« Plus on veut valoriser l’herbe pâturée, plus on subdivise ses prairies. Plus on fait de paddocks, et plus il faut de chemins », résume Guillaume Baloche, conseiller chez PâtureSens. Mais jusqu’à quelle distance peut-on faire marcher les vaches ? « Si le chemin est bien fait, les parcelles peuvent être à 1 km du site de traite sans problème, sans perte de production laitière. On a même vu jusqu’à 1,5 km en monotraite », indique Stéphane Boulent, de la chambre d’agriculture de Bretagne. « Si le chemin est bien tracé, bien borné avec du fil électrique, les vaches vont toutes seules jusqu’au paddock ouvert jusqu’à 1 km voire plus. Sur un chemin bien fait, une vache peut marcher à 3 km/h », ajoute Guillaume Baloche.

Pour valoriser au maximum le pâturage, « il ne faut pas qu’il y ait de contraintes à la sortie des vaches. Les chemins doivent être praticables par tous les temps, sans surcharge de travail pour l’éleveur. Dans l’idéal, les vaches doivent pouvoir se déplacer toutes seules, de la stabulation au paddock ouvert, et vice versa », expose Guillaume Baloche. Un bon chemin de pâturage doit être stabilisé, sec et sans éléments blessants pour les vaches, pour la santé des pattes, la propreté des animaux et pour réduire le temps passé à marcher.

Réaliser un bon chemin est un investissement. Il n’existe pas de calcul de retour sur investissement, mais « je ne connais pas d’éleveur ayant investi dans un chemin ou un boviduc et qui le regrette », assure Stéphane Boulent. Par contre, il peut y avoir des déceptions sur la tenue des chemins dans le temps.

À la ferme expérimentale de La Blanche Maison, dans la Manche, « des essais de différents matériaux ont démarré en 2017, avec des caillebottis, du calcaire… Puis d’autres matériaux ont été testés. Dans le même temps, il a fallu refaire, entretenir et créer des chemins. Cette expérience montre qu’avant le choix des matériaux, le premier critère qui fait un bon chemin est son profil et sa conception », résument Lucie Morin et Flore Lepeltier.

1 - Surélever de 30 à 40 cm

Il faut bien surélever le chemin par rapport aux parcelles pour qu’il évacue suffisamment l’eau même après cinq ans. « Chez nous, si on veut qu’un chemin dure longtemps sans entretien tous les quatre ans, il faut bien le surélever, de 30 à 40 cm », insistent les deux conseillères. Pour cela, elles conseillent de ne pas décaisser, juste scalper la terre végétale, « et encore ce n’est parfois pas nécessaire ».

« Je connais des éleveurs qui n’ont pas creusé. L’intérêt de décaisser, c’est pour trouver du dur sur lequel appuyer la couche de fondation du chemin ; on peut alors plus facilement tasser. Cela se justifie quand la pression exercée sur le chemin est forte, par exemple si des engins y circulent. S’il n’y a que les vaches, la contrainte physique ne justifie pas de décaisser », estime Guillaume Baloche, de PatureSens.

2 - Un géotextile ou non ?

La pose d’un géotextile permet d’éviter la remontée de la terre et que celle-ci se mélange avec les matériaux de grosses granulométries. Le géotextile permet de maintenir une tenue dans le temps en cas de fortes charges. Mais des éleveurs se posent la question de son intérêt. « Il est surtout intéressant sur des sols limoneux argileux, en zone humide, et pour des chemins soumis à de fortes charges, de type engins agricoles. Si ce sont des chemins spécifiques pour les vaches, on peut s’en passer et économiser 2 à 3 euros par mètre carré », assure Sébastien Guiocheau, de la chambre d’agriculture de Bretagne.

3 - Une couche de gros granulats ou pas ?

La couche de fondation, de 30 à 40 cm de pierres et/ou cailloux, sert à stabiliser le chemin. « Pour être abordables, ces matériaux grossiers sont prélevés sur l’exploitation ou achetés sous forme non criblée ; il s’agit de graves 0-100 ou autres », rappelle Sébastien Guiocheau, de la chambre d’agriculture de Bretagne.

Pour les chemins moins sollicités, il est possible de faire l’économie de la couche de fondation. C’est aussi le cas des chemins en béton ou en bitume. On enlève alors la terre végétale sur 5 à 10 cm, on épand une couche de grave ou sable, on dame bien et on pose la couche de finition par-dessus, ou des caillebottis, du béton… « Pour le béton et le bitume, c’est parce que le matériau en tant que tel a sa résistance propre », précise le conseiller breton.

4 - Bien tasser les couches

Pour être bien stabilisée(s), la ou les couches utilisées doivent être bien tassées. Il ne faut surtout pas hésiter à louer du matériel adéquat et à y passer un peu de temps. Suivant la profondeur du sol et l’usage du chemin, il faudra plus ou moins tasser au rouleau compresseur. « Le compactage a pour objectif de faire en sorte que les fines occupent les vides entre les gros granulats », explique Sébastien Guiocheau.

5 - Une ou deux pentes latérales

L’eau ne doit surtout pas stagner sur le chemin sinon elle le dégrade et forme des nids-de-poule. Il faut également éviter qu’elle s’écoule dans le sens de la longueur, en érodant le chemin au passage. Elle doit s’écouler dans le sens de la largeur du chemin. Pour cela, on réalise alors un profil bombé, avec deux pentes latérales et deux petits fossés en contrebas des pentes. Il est également possible de réaliser une pente latérale dans le sens naturel du terrain, avec un petit fossé en amont. « Pour des chemins en béton, bitume et autre matériau étanche, une pente latérale de 1 % suffit », souligne Sébastien Guiocheau.

À la ferme expérimentale de Trévarez, dans le Finistère, un chemin dans le sens d’une pente de 10-12 % a dû être refait. « La couche de finition s’était retrouvée en bas de la pente ; et à un endroit, le sommet du chemin s’était affaissé de 50 cm du fait de l’érosion. Pour le refaire, nous avons rechargé des gros granulats et fait une forme plus bombée qu’avant, avec 5 % de pente, pour inciter l’eau à partir sur le côté. Et on a bien dégagé les petits fossés latéraux », raconte le spécialiste.

6 - La couche de finition : fermée ou drainante

Sur un chemin classique de gros cailloux avec une couche de finition en sable, « il faut une couche de finition de sable non lavé avec un minimum de fine (granulométrie 0) qui va prendre en masse et être stable », indique Sébastien Guiocheau. Pour des dalles alvéolées, on remplira les trous de matériau drainant. « Pour des caillebottis, peu importe le matériau. L’évacuation latérale de l’eau et leur portance assurent déjà la stabilité », estime-t-il.

7 - Entretenir le chemin

Au fil des années, il se forme des bourrelets d’un mélange de terre, sable et matière organique qui empêchent l’évacuation de l’eau sur les côtés du chemin. Les petits fossés ont tendance à se remplir, le haut du chemin à s’affaisser et la couche de finition à partir. Il faudra donc, tous les deux, trois voire quatre ans, pousser les bourrelets dans les fossés, creuser les fossés, et remettre de la couche de finition. « Pour niveler une couche de finition en sable ou mâchefer, on peut passer une herse de carrière, utilisée dans les élevages de chevaux », suggère Gaëtan Leborgne, de la chambre d’agriculture de l’Aisne.

Adapter la largeur à l’usage

À chaque usage son chemin. Les experts contactés préconisent d’avoir des chemins spécifiques pour les animaux et d’autres pour les engins. Sinon, les engins abîment le chemin.

Pour des chemins dédiés aux animaux, la largeur dépend de la taille du troupeau et de l’intensité de fréquentation du chemin. Attention à ne pas trop réduire la largeur en bout de linéaire ! Les entrées de paddock deviennent des sorties quand les vaches reviennent vers la stabulation. Donc il faut suffisamment de largeur le temps que le troupeau s’étire : 3 à 4 mètres sur les premiers 50 mètres de chemin.

Chemin de pâturage : le profil et la conception sont les points essentiels

La force de l’érosion

Les 80 vaches normandes traites de La Blanche Maison circulent sur les chemins du 1er mars au 15 novembre, pour accéder à 25 paddocks, deux à quatre fois par jour selon les tronçons et les périodes. Le sol est de type argilo-limoneux et profond.

Sur un des chemins de la ferme, le profil bombé avec ses petits fossés latéraux, a presque complètement perdu sa forme originelle en quatre ans, du fait de l’érosion et de la matière organique apportée par les vaches. Ici, le chemin il y a quatre ans :

Chemin de pâturage : le profil et la conception sont les points essentiels
© L. Morin - La Blanche Maison

Le chemin aujourd'hui :

Chemin de pâturage : le profil et la conception sont les points essentiels
© C. Pruilh

« Il aurait fallu le surélever davantage par rapport au terrain naturel », commentent les conseillères Lucie Morin et Flore Lepeltier.

Lucie Morin et Flore Lepeltier, de La Blanche Maison.
Lucie Morin et Flore Lepeltier, de La Blanche Maison. © C. Pruilh

Bien positionner les tuyaux

Pour le positionnement des tuyaux d’eau pour l’abreuvement, les conseillers rappellent que la solution enterrée est la plus durable : les tuyaux sont protégés des intempéries, des passages de débroussailleuses, etc. « Il faut juste vidanger au niveau des abreuvoirs, alors que, lorsqu'ils sont en surface, il faut purger tous les tuyaux », rappelle Gaëtan Leborgne, de la chambre d’agriculture de l’Aisne. Par contre, mieux vaut éviter de les faire passer sous le chemin, et préférer les faire passer à un mètre du chemin, avec des regards aux niveaux de raccords équipés de vannes, de façon à pouvoir intervenir en cas de besoin.

Une entrée et une sortie éloignées l'une de l'autre

Dans l’idéal, les parcelles sont plutôt carrées, afin de réaliser une entrée et une sortie éloignées l’une de l’autre. « Pour économiser des chemins, certains sont tentés de faire des paddocks en rectangle allongé, avec une entrée proche de la sortie au niveau de la largeur. Mais dans ce cas, le piétinement au niveau des entrées/sorties devient vite trop prononcé et peut aller jusqu’à remettre en cause la sortie des vaches en conditions humides. On s’empêche donc de profiter au maximum du pâturage. Ce qui a aussi une conséquence sur l’évolution de la qualité de la prairie, notamment au printemps », justifie Guillaume Baloche, conseiller chez PâtureSens.

Placer les chemins au sec et au soleil

Pour des chemins qui tiennent dans le temps, il faut éviter de passer trop près des cours d’eau ou en bas d’une pente.

Éviter les trop fortes pentes n’est pas toujours évident. « J’ai déjà vu des marches sur la ferme de Cefnamwlch de Niklas Adam, au Pays de Galles, pour faire descendre une forte pente aux vaches. Les marches sont alors de faible hauteur (5 cm) et longues », témoigne Guillaume Baloche de PâtureSens.

On évite aussi d’exposer les chemins au nord. « Pour un chemin qui longe une haie, si on peut, on fait le chemin du bon côté, c’est-à-dire le plus exposé sud - sud-ouest. Pour que le chemin puisse sécher plus rapidement », indique Flore Lepeltier, de la ferme expérimentale de La Blanche Maison.

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