[ Lait bio ] Le Gaec de Rublé veut être autonome à tous les niveaux
Au Gaec de Rublé, en Loire-Atlantique, l’autonomie pour la production, la commercialisation et désormais l’énergie est un point essentiel. Un objectif qui a amené les éleveurs à transformer la moitié des 350 000 litres de lait et qui dicte tous les choix techniques.
Au Gaec de Rublé, en Loire-Atlantique, l’autonomie pour la production, la commercialisation et désormais l’énergie est un point essentiel. Un objectif qui a amené les éleveurs à transformer la moitié des 350 000 litres de lait et qui dicte tous les choix techniques.
La ferme de Rublé, en Loire-Atlantique, est la première exploitation à avoir livré du lait bio à la Laiterie Saint-Père. « Les terres sableuses séchantes de l’exploitation ne sont pas adaptées au maïs, explique Benjamin Boileau, aujourd’hui associé avec ses parents Régis et Colette et son frère Martin, et responsable de l’atelier lait. Dès 1990, il y a eu une réflexion sur l’herbe et la désintensification. La conversion au bio s’est faite en 1996. Le système en était déjà proche, mais il n’y avait encore ni marché ni aide à la conversion. » La ferme évolue en 2006 avec l’installation de Benjamin, en 2008 avec la création d’un atelier de transformation et vente directe, et à nouveau en 2010 avec l’installation de Martin en vaches allaitantes, la création d’une activité maraîchage, la construction d’un séchoir en grange et la mise en place d’un atelier d’engraissement de porcs. Enfin, en 2018, l’atelier lait passe en monotraite. « Toutes les activités sont complémentaires, souligne Benjamin. Le fait d’avoir plusieurs productions facilite la vente directe. Les porcs sont engraissés avec les sous-produits du lait et les légumes invendus. Les serres permettent de faire nos plants de betterave... »
Du séchage en grange depuis 2010
Située à Saint-Colomban, au sud du département, l’exploitation compte 230 hectares, dont 5 hectares de céréales, 4 hectares de betterave, 2 hectares de maraîchage, le reste en herbe, 100 vaches laitières, 40 vaches limousines et un atelier d’engraissement de 50 porcs par an. Sur 350 000 litres de lait produits, la moitié est transformée en yaourt, fromage blanc, beurre, crème, fromage frais aux herbes et fromage affiné trois semaines. Les produits sont vendus à la ferme, sur deux marchés, à six cantines et quatre Amap. « Notre objectif est d’être autonomes, en achetant le moins possible à l’extérieur et en développant la vente directe pour être moins dépendants des cours mondiaux et de la grande distribution, précise Benjamin. La qualité des produits et l’échange avec les consommateurs sont également importants. Et comme la monotraite a entraîné une baisse du lait produit, nous cherchons aujourd’hui à baisser les coûts de production. »
L’alimentation est basée sur l’herbe et le pâturage. Sur 219 hectares de prairies, 25 hectares sont des prairies naturelles, le reste des prairies temporaires à base de fétuque, ray-grass anglais, trèfles blanc, violet et hybride, luzerne et plantain. « La luzerne pousse bien l’été, avec peu d’eau, et se pâture. Face au changement climatique, nous avons aussi fait évoluer les variétés, avec le choix de variétés demi-tardives de ray-grass et de variétés diploïdes de ray-grass et trèfle, plus faciles à sécher en grange. » Une grande partie des prairies a plus de 10 ans, le but étant de les faire vieillir pour limiter les coûts d’implantation. Cent hectares autour de la ferme sont pâturables et les vaches pâturent de mi-février à mi-décembre, avec un mois et demi d’arrêt en été. Le pâturage se fait en pâturage tournant dynamique, avec de l’eau apportée sur chaque paddock (ainsi que du foin l’été) pour que les vaches pissent et bousent au maximum sur l’ensemble des prairies.
Les stocks sont réalisés principalement sous forme de foin séché en grange. « Jusqu’en 2010, nous faisions de l’enrubannage. Mais, en transformation, les changements d’alimentation se faisaient sentir. Avec le séchage en grange, l’herbe récoltée tôt garde ses feuilles et est très riche en protéines et proche de l’herbe de printemps. Le lait est plus régulier et le rendement fromager, la vitesse de barattage et la couleur du lait sont meilleurs. » Le complément au foin est assuré l’été par des céréales (orge, pois) et l’hiver par des betteraves.
1 700 litres en moins avec la monotraite
Un choix important a été le passage à la monotraite. « Nous y réfléchissions depuis un moment, pour avoir plus de temps libre le soir et des week-ends en famille, et parce que nous avons besoin de plus de lait le matin pour la transformation. » Le changement s’est fait en mai 2018. « Au départ, la production a baissé de 35 %, indique Benjamin. Nous avons eu aussi beaucoup de cellules, un courrier de la laiterie et des pénalités. Cela nous a amenés à réformer beaucoup de vaches. » La baisse du lait a été partiellement compensée par la hausse des taux (+3 en TB, +1,5 en TP), une amélioration de la fertilité et la limitation des boiteries, les vaches n’ayant plus à faire qu’une fois par jour le chemin des prairies au bâtiment.
« Passer en monotraite n’est pas simple, admet Benjamin. Alors que nous étions à 5 500 l/VL, nous sommes descendus à 3 800 litres. En contrepartie, les vaches mangent moins de céréales et betteraves, et nous y avons gagné en transformation et sur la paie des taux. Mais quand on passe en monotraite, il faut baisser les coûts. » Les efforts dans ce sens ont donc été renforcés. Les éleveurs, qui n’utilisaient déjà pas le contrôle laitier, ont ainsi remplacé les inséminations par la saillie. « En système herbager, utiliser les meilleurs taureaux n’est pas essentiel », estiment-ils. Ils ont commencé en 2020 à produire leurs plants de betterave, ce qui représente une économie de 3 200 euros par an. Les génisses sont désormais élevées sous nourrice et à l’herbe. Et d’autres économies sont à l’étude. « Mis à part en 2019 où nous avons dû acheter du foin à cause de la sécheresse, nos seuls achats sont de la paille et de la chaux, précise Benjamin. Et pour limiter l’achat de paille, nous réfléchissons à développer la récolte des roseaux dans les marais de Grand-Lieu, que nous pratiquons déjà, et à produire du miscanthus. »
Le Gaec de Rublé vise aussi l’autonomie énergétique. En juin 2020, des panneaux photovoltaïques sont entrés en service pour l’autoconsommation. L’électricité sert pour la salle de traite, le laboratoire de transformation, notamment les frigos, et pour les ventilateurs du séchage en grange, utilisés d’avril à juillet, mois les plus ensoleillés de l’année.
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Des génisses élevées sous nourrice
Un axe pour limiter les coûts de production est l’élevage des génisses sous nourrice et à l’herbe. « La période de 0 à 6 mois est essentielle pour la carrière d’une vache laitière, estiment les éleveurs. L’élevage sous nourrice permet de très bonnes conditions d’élevage, proches du naturel. Les génisses croissent très vite, ce qui permet des vêlages à 22-26 mois. Elles sont aussi très peu parasitées. Et comme elles sont dehors avec les nourrices, elles apprennent à brouter dès 2-3 semaines. » Pour profiter au maximum de la pousse de l’herbe et avoir du lait toute l’année, les vêlages sont répartis sur deux périodes, du 15 janvier au 1er avril et du 15 août au 1er novembre. « Pour les génisses de renouvellement, nous utilisons un taureau laitier, en veillant à ce que les vêlages soient groupés sur un mois, pour que toutes les génisses d’un lot soient à peu près du même âge. » Une quinzaine de nourrices par an sont choisies parmi les vaches à réformer (vaches à cellules, boiteuses…). Chaque nourrice élève 2-3 veaux. L’adoption se fait en case, puis les génisses sont mises à l’herbe avec les nourrices jusqu’à 6-7 mois, même en hiver.
Coté éco
Cinq races pour des croisements trois voies
Un gros travail est fait sur la génétique, pour l’adaptation au système pâturant, à la transformation et aujourd’hui à la monotraite.
Un premier changement en 1993 a été le passage de la Holstein à la Normande, plus adaptée au système pâturant. Puis, après la création de l’atelier de transformation, c’est la Jersiaise qui a été introduite en croisement. « En transformation, nous recherchons des taux élevés, explique Benjamin. La Normande a de bons taux, mais la Jersiaise plus encore. Elle donne aussi des vaches moins lourdes, qui abîment moins les prairies. » L’étape suivante depuis cinq ans est le passage au croisement trois voies. « Les vaches croisées trois voies sont plus fertiles, en meilleure santé et produisent plus de matière utile, un point important pour nous. » Dans un premier temps, les éleveurs ont choisi de croiser les F1 Normande x Jersiaise avec des taureaux rouges norvégiens, race adaptée au pâturage et qui amène fertilité et santé de la mamelle. Les produits sont ensuite recroisés avec un taureau normand.
Enfin, la monotraite a encore fait évoluer la réflexion. « La Jersiaise, qui a un gros réservoir mammaire, est plus adaptée à la monotraite que la Normande, dont certaines vaches ont beaucoup perdu lors du changement. C’est aussi la race la plus efficace dans la conversion des aliments grossiers en matière utile. Actuellement, le TP est de 36,5 et le TB de 46. Toutefois, si le TB est trop élevé, il y a des soucis pour la fabrication des fromages. » Les éleveurs ont donc décidé de réintroduire la Holstein, pour augmenter la production et diluer la matière grasse. Ils ont choisi la Holstein néozélandaise, sélectionnée en système pâturant. Et, en parallèle de la Holstein, ils commencent à introduire la Montbéliarde, bien adaptée à la monotraite et qui permet des TP élevés. Un tiers des vaches et toutes les génisses sont actuellement croisées trois voies.