« Nos 135 vaches, traites par deux robots saturés, pâturent jour et nuit en Loire-Atlantique »
Au Gaec du Champ-Léger, en Loire-Atlantique, les éleveurs ont fait le pari de traire avec deux robots jusqu’à 140 vaches, et ce 2,3 fois par jour au pâturage. Grâce à une organisation millimétrée, à un bâtiment bien conçu et à la sélection génétique.
« Il nous a fallu plusieurs années pour trouver le bon rythme. Nous sommes dans la septième année de pâturage avec deux robots saturés, mais seulement en routine depuis trois ou quatre ans », compte Romain Lelou, associé avec son père. Tous les deux ont décidé de saturer les robots installés en 2017, sans pour autant supprimer l’accès à l’herbe au printemps et à l’automne. « Nous avons 135 laitières, parfois 140. Nous sommes même montés à 145 pendant une semaine ou deux. »
Fiche élevage
Gaec du Champ-Léger
• 2 associés, 1 salarié
• 190 ha de SAU
• 135 vaches à 9 750 l (49 TB ; 38 TP)
• 1 360 000 l de lait
• 10 % de temps libre
• 2,3 traites/VL/j au pâturage ; 2,8 en bâtiment
• 30 ares/VL de pâturage
• 352 €/1 000 l de marge sur coût alimentaire (avril 2022 à mars 2023)
Une porte de pâturage trois voies
De début mars à fin juin, elles accèdent à un paddock de jour et un de nuit, changé tous les deux jours. Malgré des parcelles éloignées (1,2 km pour le bout de champ le plus distant de la stabulation), la bonne fréquentation du robot – 2,3 traites – est permise grâce à une conduite spécifique de l'éleveur qui consacre du temps pour gérer les flux.
« Le matin, à 7 h 30, je pousse celles qui sont traites, environ la moitié du troupeau, vers la porte de pâturage trois voies pour qu'elles aillent dans une nouvelle parcelle. L’autre moitié rentre au fur et à mesure dans le bâtiment et en ressort, une fois traite, jusqu’à 11 h. Le bâtiment est alors quasiment vide. Vers 14 h, celles qui sont sorties le matin reviennent vers le robot. À 18 h, je vais chercher tout le troupeau. Les premières traites ressortent jusqu’à 21 h, il y a beaucoup de monde dans le bâtiment mais un roulement se crée. »
D’octobre à novembre, elles ont un paddock de jour et restent en bâtiment la nuit. Cinq plages horaires sont programmées sur la porte de pâturage, réglée avec l'objectif de ne pas avoir de vaches à la pâture en retard de traite.
Pour faciliter les flux entre la pâture et le robot, Romain Lelou vient deux fois par jour mimum dans le bâtiment. « J’y passe une trentaine de minutes le matin et quarante-cinq minutes le soir pour rentrer tout le monde. Parfois, je passe en plus le midi pour sortir les quelques vaches qui seraient restées couchées dans les logettes, ça me prend quinze minutes. » Sans compter la gestion de clôtures, l’éleveur consacre un peu moins de deux heures quotidiennes au pâturage des vaches.
Désileuse à 8 h et concentrés au robot
Autre levier pour combiner pâturage et robot saturé : l'heure de distribution de la ration à l'auge. L'objectif étant que les vaches sortent le ventre vide pour manger l'herbe des paddocks. Ainsi, la désileuse de la Cuma passe le matin, à 8 h. « Je sors les vaches traites à 7 h 30, avant donc son passage pour éviter qu’elles partent le ventre plein et qu’elles se couchent sans manger d'herbe. » Celles qui étaient encore dehors « reviennent d’elles-mêmes. Les autres, les premières sorties, rentrent à partir de 14 h et savent qu’elles ont du maïs à manger ».
« Lorsque les vaches sont dehors, la ration à l’auge compte 8 kilos de matière sèche de maïs, le reste c'est 10 kilos d’herbe qu’elles vont manger sur pied. » En parallèle, le robot distribue 5 kilos de concentré par VL et par jour toute l'année. « Je donne plus de concentrés au robot qu’à l’auge pour attirer les vaches. Je ne touche pas à ce qui est donné au robot pour ne pas perturber la fréquentation. » Au pâturage, l'éleveur baisse le correcteur de 1 kilo à l’auge.
Des vaches à l’aise dans le bâtiment
En plus du levier « concentré » pour faire venir les vaches au robot, les éleveurs ont dynamiser le flux dans le bâtiment. « Nous n'avons pas rogné sur les aires de circulation. » Résultat : 5 m séparent le bout des logettes des cornadis et les deux rangées de logettes sont espacées de 3,50 m. « Les laitières peuvent sortir sans se taper dedans. » Huit points d’eau sont disposés dans la stabulation. Le point fort du bâtiment : « un grand espace, de 6 m x 10 m, autour des robots. Cela permet à une dizaine de vaches de circuler sans se gêner. Elles sont à l’aise et n’ont pas peur de passer si une dominante est présente ».
De la maintenance préventive
Avec seulement 10 % de temps libre par robot, « c’est un peu en dessous des 15 % que le constructeur préconise ». La marge de manœuvre en cas de panne est restreinte. Le Gaec du Champ-Léger se situe à une heure et trente minutes du centre de maintenance de Bain-de-Bretagne. « Nous sommes les plus éloignés de la zone, alors nous réalisons une maintenance préventive tous les quatre mois. »
Un circuit pour les retardataires hors saison de pâturage
Romain et Bertrand Lelou découpent le bâtiment en deux : une grande partie de la stabulation – 111 places – est consacrée aux vaches « qui passent toutes seules au robot ». L’autre, de 20 places, est réservée à celles qui passent en retard. « C'est ce que j’appelle le petit circuit, pour les « feignantes », celles qui ont des problèmes de pattes, les retardataires ou pour dresser les génisses. 90 % des retards sont dans cette partie. J’ai installé une barrière de tri et une barrière qui s’abaisse de haut en bas. Nous mettons les retards dans cet entonnoir, je préviens le robot du nombre de vaches à passer puis je reviens quand c’est fini pour lever la barrière. » Cette organisation permet aux éleveurs de se simplifier le travail et de gagner du temps. « Le matin, j’ai entre huit et dix vaches en retard à passer. Et quatre à six le soir. Ça dépend si j’ai des génisses ou des fraîches vêlées. Je compte cinq minutes pour pousser les vaches et fermer la barrière. Je reviens une heure après et je relève la barrière. C’est vraiment rapide. »
Avis d'expert : Denis Denion, consultant nutrition robot chez Seenovia
Pour pâturer, de la volonté, de l'accessibilité et de l'herbe de qualité
« La volonté de l’éleveur est l’élément moteur pour faire pâturer les vaches. Chez Romain Lelou, elle est très marquée. Ensuite, pour combiner pâturage et traite robotisée, il faut prendre en compte l’accessibilité au pâturage : disponibilité d’un parcellaire groupé ou possibilité de réaliser des aménagements. Et cela commence par l’aménagement du bâtiment avec une sortie directe vers les prairies. Des prairies dont la qualité d’herbe doit être au top, pour que les vaches, elles aussi, soient motivées à y aller. C’est-à-dire de l’herbe à 12 cm maximum à l’herbomètre. Ce qui fonctionne bien, c’est de proposer des nouvelles parcelles tous les jours pour dynamiser la circulation vers les pâtures. »