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"L’autonomie protéique, c'est un ensemble de détails"

Les associés du Gaec Sainte-Catherine en Loire-Atlantique ont mis en œuvre une combinaison de leviers pour améliorer l’autonomie protéique. Les progrès, suivis dans le cadre du diagnostic Devautop, ont permis d’atteindre 78% d’autonomie en 2017.

Nous avons toujours travaillé l’autonomie protéique, pour réduire le coût alimentaire. Mais quand j’ai commencé à semer de la luzerne en 2007, mon père n’y croyait pas, car nos sols limono-sableux sur un sous-sol argileux et légèrement acides lui sont moins adaptés que d’autres. Aujourd’hui, nous en avons 10 hectares. Mais l’autonomie protéique, c’est tout un ensemble de détails qui, mis bout à bout, permettent d’être plus autonome», estime Vincent Fleurance, associé avec Mickaël Gaborit du Gaec Sainte-Catherine, à La Remaudière (44). L’exploitation, aujourd’hui spécialisée en lait et en conversion bio depuis le 1er mai 2017, compte 135 hectares et 80 vaches pour 781 000 litres de lait contractualisés. Depuis dix ans, plusieurs leviers ont été mis en œuvre pour améliorer l’autonomie alimentaire et notamment protéique. De 45 hectares de cultures en partie vendues, 30 ha de maïs, le reste en herbe, l’exploitation est passée à 25 ha de maïs, 25 ha de méteil et le reste en herbe.

Un méteil semé dans la luzerne pour sécuriser la première coupe

Le premier levier pour améliorer l'autonomie protéique a été la luzerne. «Mais sur nos sols séchants en été, les rendements sont aléatoires. En moyenne, nous obtenons 10 t MS/ha, avec des écarts de 8 à 13 t/ha. De plus, cela représente beaucoup de petites coupes et donc beaucoup de main-d’œuvre.» Pour sécuriser au moins la première coupe, les éleveurs ont donc commencé il y a cinq ans à semer dans la luzerne un méteil constitué d’avoine, triticale, pois, vesce et féverole. Semé la première quinzaine d’octobre en semis direct, à 150 kg/ha, le méteil couvre le sol l’hiver et empêche le salissement de la luzerne. «Nous obtenons ainsi 4-5 t MS/ha sur la première coupe, pour un objectif total de 10-11 t/ha. Aujourd’hui, nous semons du méteil sur toutes nos surfaces de luzerne.»

Des prairies multi-espèces spécifiques pour l'été

Un autre levier de l’autonomie protéique est celui des prairies multi-espèces et de la diversité des prairies. Les prairies accessibles aux vaches sont semées en ray-grass anglais trèfle blanc. «Pour pallier le manque d’eau l’été, nous avons essayé d’y introduire de la chicorée. Mais son cycle est plus court que celui du ray-grass, ce qui fait qu’il y avait un décalage entre les espèces. Pour permettre le pâturage d'été, les autres prairies ne produisant plus à partir de mi-juin, nous avons donc choisi de créer des prairies spécifiques de chicorée, plantain et trèfle violet, résistantes à la sécheresse et théoriquement riches en protéines.» Après un essai en 2016, 3,5 hectares ont été semés ainsi en 2017. «L’idée est de charger la parcelle à 80 vaches pour 25 ares, avec fil avant et fil arrière, pour raser la prairie et qu’elle reparte bien ensuite. Nous prévoyons aussi de faire deux coupes d’enrubannage avant le pâturage, pour une distribution en été.»

Un objectif de 4 t MS/ha méteil récolté avant le semis de maïs

Sur les parcelles plus éloignées, fauchées ou pâturées par les génisses, les prairies sont à base de ray-grass anglais, fétuque, fléole, trèfle blanc et de deux trèfles plus agressifs, squarozum et incarnat, qui couvrent le sol rapidement la première année. Toutes les surfaces sont intégrées dans la rotation, ce qui permet de profiter de l’arrière effet azote des prairies pour les cultures. Un autre point important a été le développement des méteils. 25 ha de méteil à base d’avoine, triticale, pois et féverole sont ainsi semés chaque année pour une récolte en grain. S’y ajoutent 20-25 ha de méteil à base de triticale, pois, vesce, féverole et trèfle squarozum ou incarnat récolté en fourrage fin avril avant le semis de maïs. «Pour ce méteil destiné aux vaches, nous visons 4 t MS/ha à 18-20% de MAT» précise l’éleveur.

Du pâturage dynamique et des coupes précoces

Le point clé de l’autonomie protéique reste toutefois une bonne gestion de l’herbe grâce au pâturage dynamique et à des coupes précoces. «Avant d’activer d’autres leviers, une bonne maîtrise des cycles de pâturage et fauche est essentielle» souligne Vincent Brossillon, de la Chambre d’Agriculture des Pays de la Loire. Les parcelles accessibles aux vaches sont divisées en 29 paddocks de 80 ares pour 80 vaches. «Le but est de faire pâturer 1 are/vache/jour pour avoir toujours une herbe appétente et de qualité. Les vaches changent de paddocks tous les jours ou tous les jours et demi en pleine pousse, l’objectif étant de quitter le paddock à 5 cm de hauteur d’herbe. Auparavant, les vaches restaient 3 jours au même endroit. Mais en changeant de paddock chaque jour, l’herbe repart plus vite, il y a moins de résidus et les vaches sont mieux réparties ce qui assure une meilleure fertilisation.» Les parcelles plus éloignées destinées aux génisses sont gérées par cycles de 2 ou 3 jours, avec fil avant et fil arrière. Toutes les parcelles sont équipées d’eau et d’électricité. Dans la même optique, l’herbe fauchée est récoltée tôt pour assurer une bonne valeur alimentaire.

«La difficulté est de trouver le bon compromis entre autonomie protéique, autonomie alimentaire et économie, analyse Vincent Fleurance. Quand on coupe tôt, la valeur alimentaire est élevée mais il y a peu de rendement. De plus, cela coûte plus cher de faire des coupes répétées.» Selon l’outil Perel, le coût de l’herbe fauchée rendue auge est ainsi de 212 €/t MS sur l’élevage, contre une référence de 130 € en Pays de la Loire. «Une récolte à 2,5 à 3,5 t MS/ha semble un bon compromis, peut-être 2 t MS/ha en bio» estime l’éleveur.

Un facteur déclenchant du passage en bio

Depuis 2015, l’autonomie protéique du Gaec Sainte-Catherine est suivie dans le cadre du diagnostic Devautop. «C’est un des indicateurs de la cohérence du système» estime Vincent Fleurance. En 2017, selon Devautop, l’autonomie protéique de l’élevage a atteint 78%. «Cela nous a amenés à réfléchir au passage en bio, où les prix du lait sont plus élevés et où l’autonomie est essentielle du fait du coût des concentrés.» Dans cette perspective, pour améliorer encore l’autonomie protéique et fourragère et limiter les problèmes sanitaires, les éleveurs ont aussi décidé de resaisonnaliser les vêlages. Dès 2018, ceux-ci seront répartis pour 50% du 25 août au 30 octobre et pour 50% du 15 février au 1er avril. «Les vêlages de printemps et d’automne, qui ont lieu dehors, se passent mieux et permettent de profiter d’une herbe de qualité et moins coûteuse puisqu’elle est pâturée».

Devautop pour mesurer l’autonomie protéique

Mis au point par les chambres d’agriculture des Pays de la Loire, les Elevages conseils, Idele et le réseau Civam, Devautop est un outil de calcul de l’autonomie protéique d’un élevage. L’autonomie est calculée par la différence entre la consommation de protéines, mesurée par l’inventaire des catégories d’animaux, leurs productions et des abaques d’ingestion selon le niveau de production, et les achats de MAT, en distinguant les achats en région, en France hors région et hors France. Trois critères sont calculés : l’autonomie protéique (%), le lait autonome (l/VL/an) et les surfaces mobilisées pour la MAT (ha/100 000 l de lait), incluant celles mobilisées pour la MAT achetée.

Se comparer aux éleveurs ayant un système similaire

«Devautop est avant tout un outil de sensibilisation par le positionnement de l’élevage par rapport à d’autres producteurs ayant un système fourrager similaire», souligne Vincent Brossillon. Devautop a aussi été utilisé en Bretagne. Et l’objectif est de diffuser l’outil pour sensibiliser les éleveurs et renforcer la base de données. «Devautop est disponible pour tout organisme qui souhaite l’utiliser, précise Vincent Brossillon. Il suffit de contacter les chambres d’agriculture des Pays de la Loire et de suivre une formation d’une demie à une journée. L’outil est d’ailleurs déjà utilisé dans des groupes d’éleveurs travaillant cette thématique.»

20 fermes en Pays de Loire et 15 fermes en Bretagne sont par ailleurs suivies sur leur autonomie protéique dans le cadre du programme Terunic, pour voir le lien entre autonomie et économie. Enfin, un logiciel permettant de mesurer l’impact économique des différents leviers d’amélioration de l’autonomie protéique est en cours d’élaboration.

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