Moisson 2024 réduite : baisse de 60 % des exportations céréalières de Sénalia en 2024-2025
Après un repli de 6 % de ses exportations céréalières sur la campagne de commercialisation 2023-2024, à 3,85 Mt, Sénalia craint ne pouvoir exporter que 1,5 Mt de grains sur la campagne actuelle. Son équipe Céréales Export est mise en activité partielle.
Après un repli de 6 % de ses exportations céréalières sur la campagne de commercialisation 2023-2024, à 3,85 Mt, Sénalia craint ne pouvoir exporter que 1,5 Mt de grains sur la campagne actuelle. Son équipe Céréales Export est mise en activité partielle.
« Sénalia s’apprête à perdre 60 % de son activité à l’exportations de grains sur la campagne de commercialisation 2024-2025, en raison du niveau catastrophique de la collecte céréalière française de cette année », déplore Alain Charvillat, directeur Céréales export du terminal portuaire rouennais. En d’autres termes, Sénalia n’envisage d’exporter qu’aux alentours de 1,5 Mt de grains d’ici la fin juin. Pour l’heure, seules 330 000 t ont quitté le port de Rouen en juillet-août, contre trois fois plus sur la même période l’an dernier. Le prestataire de service est de fait touché de plein fouet par la mauvaise récolte de céréales à paille au niveau national.
A l’heure actuelle, la production hexagonale de blé tendre en 2024 est estimée en retrait de 26,5 % d’une récolte sur l’autre, à 25,775 Mt, selon les chiffres d’Agreste en date du 1er septembre, et les exportations sur pays tiers passeraient de 10,2 Mt en 2023-2024 à 4 Mt en 2024-2025 (à comparer aux 7,5 Mt prévues en juillet), selon les bilans de FranceAgriMer publiés le 18 septembre. Soit une baisse des expéditions hors Union européenne de plus de 6 Mt d’une campagne sur l’autre, alors que les utilisations domestiques de blé tendre diminueraient de seulement 500 000 t, à 13,775 Mt, et les exportations sur l’Union européenne de 283 000 t, à 6,009 Mt, selon la même source. Preuve s’il en est que les exportations sur pays tiers sont bien une variable d’ajustement du bilan français du blé tendre.
Lire aussi : Les exportations françaises de blé tendre et d’orge vers les pays tiers corrigées en forte baisse par FranceAgriMer
En orges, la situation est similaire, avec une production à 10,049 Mt en 2024 (-18,2 % sur un an), des utilisations domestiques à 2,070 Mt pour 2024-2025 (contre 2,147 Mt estimées en juillet et 2,231 Mt la campagne précédente), des exportations européennes à 2,807 Mt (contre 2,8 Mt et 2,959 Mt) et des chargements sur pays tiers à 2,2 Mt (contre 3 Mt et 3,83 Mt).
Mais « si le premier facteur limitant est le manque de disponibilités à l’exportation, les faibles poids spécifiques des blés engrangés viennent accentuer la problématique. Heureusement que la qualité technologique des lots (teneur en gluten, note de panification, alvéographe) est meilleure qu’attendu au regard de la teneur en protéine tout juste satisfaisante », explique le dirigeant.
Exportation sur pays tiers au point mort en ce début de campagne de commercialisation 2024-2025
Il n’en reste pas moins que les chargements à l’exportations sur pays tiers sont actuellement au point mort en ce début de campagne de commercialisation. « Les cours mondiaux du blé sont très inférieurs aux prix français. Nous enregistrons une absence pratiquement totale d’activité, et ce, jusque la fin de l’année 2024 », déplore Alain Charvillat.
Sénalia espère une reprise des achats sur le deuxième semestre de la campagne commerciale. Et le dirigeant d’expliquer : « A un moment donné, les prix hexagonaux et internationaux vont devoir s’ajuster. Par ailleurs, il va bien falloir sortir le disponible exportable des silos ».
Pour l’heure, le blé de basse qualité national trouve preneur en nutrition animale, en France comme dans l’Union européenne (sur la Belgique et les Pays-Bas essentiellement).
Mais la baisse globale d’activité est telle que Sénalia a décidé de mettre en chômage technique une partie de ses employés. « L’activité partielle sera en route pour l’équipe Céréales export de Sénalia à partir du 30 septembre », confirme Alain Charvillat. Et ce, jusqu’à nouvel ordre, en l’absence d’éclaircie pour l’instant du côté des chargements…
« L’activité partielle sera en route pour l’équipe Céréales export de Sénalia à partir du 30 septembre », confirme Alain Charvillat.
La question d’un potentiel repositionnement du personnel touché dans les activités de diversification de Sénalia, à savoir les oléagineux (Saipol), le sucre et l’éthanol (Tereos) ainsi que le cacao (Cargil, Barry Callebaut), est en réflexion, précise Alain Charvillat.
Sur ce chapitre, si le manque cruel de chargements sur pays tiers se fait sentir pour l’ensemble des silos portuaires rouennais, l’option de mettre en place une activité partielle n’est pas envisagée par tous. Les entreprises qui bénéficient d’activités de transformation sur place, comme le groupe Soufflet (InVivo) avec sa malterie et son moulin, arrivent tant bien que mal à faire fonctionner leur terminal céréalier, en l’occurrence la Socomac.
Une campagne 2023-2024 en retrait par rapport à la précédente
Les projections catastrophiques pour la campagne 2024-2025 succèdent à un exercice commercial 2023-2024, déjà en retrait par rapport au précédent.
Tableau 1 : Exportations au départ de Sénalia | ||
En tonnes | Campagne 2023-2024 | Campagne 2022-2023 |
Blé tendre | 2 500 000 | 2 640 000 |
Orge fourragère | 1 140 000 | 876 000 |
Orge de brasserie | 190 000 | 458 000 |
Total | 3 850 000 | 4 100 000 |
Source : Sénalia, au 18 septembre 2024. |
Du 1er juillet 2023 au 30 juin 2024, Sénalia n’a exporté que 3,85 Mt de grains, contre 4,1 Mt sur la même période en 2022-2023 (cf. tableau 1). « Cette légère baisse d’activité s’explique par des problématiques de part de marché, particulièrement en orge de brasserie. Le marché s’est transformé d’une campagne sur l’autre : nous étions davantage sur un marché pays tiers en 2022-2023 (avec le chargement de panamax sur la Chine) et sur un marché européen en 2023-2024 (avec le chargement de petits navires). Les petits bateaux étant plus faciles à approvisionner que les grands gabarits, la concurrence entre origines en a été exacerbée », explique Alain Charvillat.
En termes de pays importateurs (cf. tableau 2), les trois premières destinations du silo portuaire rouennais en 2023-2024 demeurent la Chine, l’Algérie et le Maroc… mais dans un ordre différent.
Tableau 2 : Principales destinations des grains exportés par Sénalia | ||
En tonnes | Campagne 2023-2024 | Campagne 2022-2023 |
Chine | 1 300 000 | 1 100 000 |
Maroc | 737 000 | 667 000 |
Algérie | 383 000 | 724 000 |
Source : Sénalia, au 18 septembre 2024. |
Si la Chine (avec 34 % des volumes chargés, contre 27 % en 2022-2023) conserve la tête du trio, le Maroc (19 %, contre 16 %) passe en deuxième position, devançant l’Algérie (10 %, contre 17 %). « Ce changement s’explique par la concurrence à destination, avec notamment l’ouverture du marché algérien sur l’Europe de l’Est, la Russie principalement mais également le nord de l’UE (avec les pays baltes) », déplore le directeur. Et d’ajouter : « la France n’est toujours pas en odeur de sainteté auprès de l’Algérie, ce qui n’arrange pas nos affaires. Heureusement que l’Afrique de l’Ouest ( Mauritanie, Cameroun, Gabon) apprécie la bonne qualité des blés français ».
Une activité travail du grain au silo de Bonnières-sur-Seine
En termes d’investissements, les travaux sur le silo de Bonnières-sur-Seine s’achèvent. « Le nettoyeur et le calibreur pour l’orge de brasserie sont maintenant opérationnels. La question qui se pose maintenant est de savoir si ces outils de travail du grains, installés pour diversifier nos prestations, vont pouvoir servir cette campagne », s’interroge Alain Charvillat.