Sénalia : de « faibles » exportations de blé sur la première partie de campagne 2023-2024
Le prestataire de service rouennais Sénalia a enregistré une baisse de 31 % de ses chargements de grains du 1er juillet au 31 décembre 2023, avec une chute de 51 % des tonnages de blé tendre.
Le prestataire de service rouennais Sénalia a enregistré une baisse de 31 % de ses chargements de grains du 1er juillet au 31 décembre 2023, avec une chute de 51 % des tonnages de blé tendre.
« Les volumes de grains exportés par Sénalia sur le premier semestre 2023-2024 sont plutôt faibles », se désole Alain Charvillat, directeur Céréales export du principal terminal céréalier du port de Rouen. Il faut dire que Sénalia n’a chargé que 1,666 Mt de grains sur juillet-décembre 2023, soit un tiers de volume en moins par rapport à la même période en 2022 (2,429 Mt). Si en 2022-2023, 60 % des chargements avaient été effectués sur la première partie de campagne et 40 % sur la seconde, le dirigeant de Sénalia espère que les proportions seront inversées en cette exercice commercial 2023-2024, et que le tonnage enregistré à fin décembre ne représente que 40 % du trafic global à l’export sur les douze mois de campagne.
Un retard important en blé tendre
Dans le détail, ce sont 909 000 t de blé tendre qui ont été expédiées entre le 1er juillet et le 31 décembre 2023 (contre 1,853 Mt sur le premier semestre 2022-2023), 631 000 t d’orge fourragère (contre 293 000 t), 117 000 t d’orge de brasserie (contre 205 000 t) et quelques milliers de tonnes de colza.
Le blé tendre, qui a enregistré une baisse de moitié de ses chargements entre les premiers semestres des campagne 2022-2023 et 2023-2024, a manqué de compétitivité en termes de tarif face aux origines Russie et Ukraine, principalement, sur nos clients habituels que sont le Maghreb, l’Afrique de l’Ouest et la Chine. « Nos ventes d’orge fourragère ont été importantes sur la Chine sur juillet-août, puis se sont réduites les mois suivant avec le retour de l’Australie sur le marché chinois », commente Alain Charvillat. Concernant les orges de brasserie, elles ont essentiellement été chargées sur l’Union européenne, le disponible exportable du Danemark ayant été rogné par une mauvaise récolte en 2023.
Un objectif à fin juin de 4 Mt, voire 4,5 Mt
Les chargements sont repartis sur les chapeaux de roues en ce mois de janvier, avec d’importants tonnages chargés sur le Maghreb (Maroc, Algérie) et l’Afrique de l’Ouest principalement, et des volumes moindres sur la Chine. « Notre activité se recentre sur les navires de taille Handysize [vraquiers de 15 000 t à 30 000 t], en lieu et place des Panamax [vraquier de 60 000 t] qui doivent compléter leur chargement effectué sur le port de Rouen dans un autre port en eau profonde, ce qui induit des coûts de logistique supplémentaires [et réduit la compétitivité des marchandises transportées] ».
Sénalia prévoit un « bon mois de février » également. Quant à mars, « les échos de marché ne sont pas clairs ». Alain Charvillat explique que, contrairement aux contrats chinois, les achats des potentiels importateurs en cette seconde partie de campagne se feront « plus tardivement et avec moins d’anticipation ».
Quoiqu’il en soit, le dirigeant reste optimiste : « Je pense que, globalement, on effectuera un bel exercice 2023-2024, et que l’on fera mieux que les deux dernières campagnes (avec 4,125 Mt enregistrées en 2021-2022 et 4,107 Mt en 2022-2023). J’espère vraiment que l’on passera largement la barre des 4 Mt et, peut-être même, des 4,5 Mt ! » La différence par rapport à la campagne précédente est que la majeure partie des chargements reste à faire !
Vers un développement des importations
Si Sénalia n’a rien importé sur la première partie de cette campagne 2023-2024, le prestataire de service « a mis en place des schémas logistiques qui vont lui permettent à l’avenir de développer ses importations de grains », indique Alain Charvillat.
Des investissements en cours sur le site de Bonnières-sur-Seine
Sénalia sort d’une très grosse période d’investissements qui s’est étendue sur les dix dernières années. « Sur le port de Rouen, nous disposons aujourd’hui d’un outil rénové, avec des portiques de chargement et de déchargement neufs et modernes. Nous n’avons plus d’importants investissements à prévoir dans un futur proche. Nous sommes plutôt sur de la maintenance courante. En revanche, sur notre site de Bonnières-sur-Seine, nous entreprenons de travaux pour mettre en route une activité de travail du grain, avec notamment l’installation d’un nettoyeur », déclare Alain Charvillat.
Malheureusement, les démarches administratives de mise en place (liées aux impacts sur l’environnement, en termes écologiques et de voisinage) sont compliquées et les délais très longs. « La durée s’exprime en mois. A titre d’exemple, notre premier document est parti en mai 2023, on vient simplement de recevoir un retour..., avec une demande de documents complémentaires », illustre le dirigeant. Et de compléter : « Nous pensions pouvoir communiquer dessus dès l’été dernier mais, aujourd’hui, nous n’avons aucune date de mise en service de prévu ! Et il ne s’agit que d’installer un nettoyeur sur une installation existante ... »
Le site de Bonnières-sur-Seine va ainsi devenir un avant-poste pour nos installations rouennaises et un avant-poste pour travailler en direct sur des industriels en Île-de-France, à savoir des meuniers (blé tendre) et des semouliers (blé dur) franciliens, et quelques transformateurs de maïs et de pois jaune sur le nord de l’Europe.
Une chaîne logistique sous tension
Sur la première partie de la campagne 2023-2024, le terminal portuaire de Sénalia, qui a connu une période de saturation de ses silos, n’a pas enregistré de problèmes logistiques s’agissant de l’acheminement des grains depuis son hinterland. « En revanche, avec le réveil de la demande à l’export depuis fin décembre, c’est maintenant que nous allons mettre les chaînes logistiques sous tension. Car nos silos, pleins à la veille de la fermeture des organismes stockeurs à la mi-décembre, se vident rapidement de leurs stocks tampons. Ainsi, nous allons arriver très vite dans une gestion en flux tendu entre les réceptions et les chargements de grains. Train, péniche et camion vont être mis à très rude épreuve sur fin janvier, février et mars, dans un premier temps », affirme Alain Charvillat. Dans le détail, au 31 décembre 2023, les capacités de stockage étaient pleines à 80 %, contre 45 % au 12 janvier 2024.
En termes de transfert modal, le transport fluvial fonctionne plutôt bien avec des parts de marché qui montent gentiment, après avoir stagné autour d’un tiers. Sur la partie ferroviaire, les choses ont bougé dernièrement, avec la mise en place en juillet 2023 d’un schéma supplémentaire avec un nouveau tractionnaire, Logirail Way. « Ce dernier nous permet de retourner chercher des grains dans des régions où nous allions plus, essentiellement le sud et nord du Bassin parisien, afin d’augmenter le maillage du ferroviaire sur l’hinterland du port de Rouen », détaille le dirigeant. Sénalia travaille également avec Fret SNCF, Captrain France, Europorte et Lineas.
« Au final, entre les premiers semestres 2022-2023 et 2023-2024, la part du fleuve dans l’acheminement de nos grains sur nos installations portuaires a grimpé de 33 % à 36 % et celle du rail de 8 % à 14 %, au détriment de la route qui a baissé de 59 % à 50 %. Dans la conjoncture actuelle, c’est plutôt une très bonne nouvelle », se réjouit le dirigeant de Sénalia.
Sénalia développe son activité d’entreposage conditionné
« Sénalia se développe dans l’entreposage conditionné, aujourd’hui une activité en carence de capacités de stockage, pour d’une part asseoir notre résilience globale, et notamment économique, et, d’autre part, comme la plupart des diversification lancées par l’entreprise dans le domaine de la logistique de vrac agroindustriel, tenir et résister à la fluctuation des tonnages - importants d’une campagne sur l’autre - de notre activité céréales export, qui reste notre cœur de métier. Mais c’est avant tout une capacité propre à se lancer dans un secteur qui aujourd’hui est en carence au niveau du stockage », explique Alain Charvillat, directeur Céréales Export de Sénalia.
Il s’agit d’entrepôts logistiques à destination de marchandises conditionnées sur palettes, qu’elles soient agroalimentaires ou autres. « Nous nous sommes mis en capacité de pouvoir toucher un grand nombre de secteurs industriels », précise le dirigeant.
L’activité va se développer dans le courant de l’année 2024. Après l’acquisition il y a un an et demi d’un premier site (Hub 1) qui fonctionne bien, Sénalia a décidé d’investir dans deux sites supplémentaires pour étendre l’activité, en rachetant un deuxième site (Hub 2) en 2024 et en construisant un troisième site (Hub 3) sur une parcelle en location (bail de douze mois) qui sera opérationnel d’ici le 31 décembre 2024.
A terme, Sénalia proposera trois sites d’entreposage conditionné sur l’agglomération de Rouen, à proximité des terminaux conteneurs, d’une surface totale de 75 000 m2 pour un volume de 760 000 m3, soit 80 000 palettes logées, avec température dirigée et cellules de stockage privatisables.