Journée blé dur
Recul annuel de la surface de blé dur française de 4-5 % selon Arvalis-Institut du végétal
Les pluies automnales expliquent la baisse de la surface de blé dur en France. Un risque haussier sur les prix persiste, dans un marché mondial tendu.
Les pluies automnales expliquent la baisse de la surface de blé dur en France. Un risque haussier sur les prix persiste, dans un marché mondial tendu.
Ce ne sera finalement pas lors de la prochaine récolte que la sole hexagonale de blé dur rebondira, au grand dam des experts d’Arvalis-Institut du végétal. « Nous nous attendions à une légère hausse, de 1 à 2 %, au début de la présente campagne par rapport à 2018/2019. Mais nous tablons désormais sur un repli de 4-5 %, à 240 000 ha, un plus bas depuis une vingtaine d’années ! », s’est exprimé Matthieu Killmayer, animateur de la filière Blé dur au sein d’Arvalis-Institut du végétal, lors de la journée Blé dur organisée par l’Institut de recherche à Aix-en-Provence le 4 février.
Les grands bassins de production français ont connu diverses fortunes, selon l’intensité des pluies tombées durant l’automne. D’après les données d’Arvalis-Institut du végétal, la région où sera constatée la plus forte baisse de production est celle du grand-ouest. « Nous tablons sur une baisse des assolements locaux de 25 % », précise Matthieu Killmayer. Alors que la région sud-ouest devrait connaître une stabilisation de sa sole, le Sud-Est la verrait reculer de 5 %. « En Camargue, environ 80 % des surfaces n’ont toujours pas été emblavées ! », s’alarme le spécialiste.
Ces chiffres peuvent encore évoluer, les agriculteurs ayant jusqu’au 15 février pour semer. Néanmoins, « certains secteurs ne sont pas rattrapables », déplore Matthieu Killmayer. Arvalis-Institut du végétal parie pour le moment, selon les conditions climatiques pour le restant de la campagne, à une récolte française 2020 à 1,20-1,36 Mt (1,54 Mt en 2019).
La baisse des surfaces, spécialement dans la région Sud-Est, inquiète la filière. Afin d'inverser la tendance, plusieurs leviers sont à actionner, selon Edouard Cavalier, président de l'association Blé dur développement: la contractualisation, la recherche de produits de qualité (le bio notamment), le développement de produits/marques locaux (pâtes, baguettes...), et un soutien public accru. Concernant ce dernier, le président de l'association annonce une bonne nouvelle: « la région PACA a voté en séance plénière en décembre l'octroi d'un soutien financier pour 300 projets d'irrigation, incluant des surfaces de blé dur ». Reste à savoir si tous ces éléments seront suffisants pour réellement inciter les producteurs de la région de se tourner de nouveau vers le blé dur, et générer un effet d'entraînement au niveau national.
Les Italiens n'ont pas fini leurs achats
Le marché français mais aussi mondial se tend, « générant un risque de hausse des prix sur la seconde partie de campagne », alerte Nicolas Prevost, directeur commercial du négoce Durum. Rappelons que la récolte canadienne de blé dur a été moindre cette année, tant en quantité qu’en qualité, faisant flamber les cours sur septembre-octobre 2019. Mais les premiers arrivages de lots canadiens chez les acheteurs italiens en octobre 2019 auraient quelque peu rassuré le marché, justifiant la baisse des prix sur octobre 2019-janvier 2020. « La qualité canadienne était peut-être moins mauvaise qu’attendu. Des mélanges entre les lots de bonne qualité de l’an dernier et de moins bonne cette année ont pu être faits également », suppose Nicolas Prevost. D'après le commercial, environ 30% de la récolte canadienne de cette année est de grade 1 et 2, 45% de grade 3, 25% de grade 4, 5 et de qualité fourragère. Nicolas Prevost estime que les Italiens n’ont pas fini leurs achats de bonne qualité sur la seconde partie de campagne, potentiel facteur haussier.
Méfiance sur la qualité canadienne, présence réduite des Mexicains en avril ?
Patrick Jouannic, chargé du commerce de blé dur de Soufflet Négoce, estime que les Canadiens ont tendance « à masquer la réalité en utilisant les “grades” : ils omettent de mentionner des critères spécifiques, comme le temps de chute de Hagberg ». Il est donc possible d’avoir un lot canadien de grade 3 avec garantie de Hagberg, et un autre de grade 3 sans garantie de Hagberg, selon lui. Patrick Jouannic alerte également sur la puissance des lobbys canadiens auprès des clients étatiques internationaux, leur permettant de sauvegarder voire de gagner des parts de marché.
Nicolas Prevost évoque un autre facteur potentiel de hausse des prix : « le nouveau gouvernement mexicain a réduit les soutiens à la production nationale de blé dur, susceptible d’amoindrir le disponible exportable, sachant que les Mexicains ont l’habitude d’être les premiers sur le marché, dès avril ». Ainsi, « un trou d’air » pourrait se créer sur avril-juin. Et ce pour les campagnes à venir également, si la politique locale n'évolue pas.
Dernier élément à observer, susceptible de jouer à la hausse ou à la baisse sur le marché mondial du blé dur: la réglementation italienne datant de 2018, obligeant les industriels à utiliser au moins 51% de blé dur italien pour pouvoir afficher sur leurs paquets « pâtes italiennes ». Rappelons que l'Italie est le principal importateur mondial de blé dur, et qu'une partie de ces importations est ensuite réexportée. La réglementation mise en place en 2018 « est un élément qui soutient la demande intérieure italienne et donc les prix, sachant que le blé dur italien n'est pas réputé pour sa bonne qualité. Il faut voir si l'offre suivra. Des industriels s'orientent déjà vers le 100% origine italienne »., explique Nicolas Prevost. Ce dernier précise que lors de la campagne 2019/2020, 25% de la production de blé dur italienne est sous contractualisation entre l'amont et l'aval. Pour 2020/2021, cette part sera portée à 40%.