Matignon
Après 1.123 jours passés à Matignon, exit Jean-Pierre Raffarin renvoyé dans son Poitou natal, après avoir atteint un record inégalé d’impopularité pour un Premier Ministre. Ainsi, un homme politique non pas de l’opposition mais de son propre camp, s’est-il écrié au lendemain du référendum : «Raffarin, enfin la fin!». Et ce, tandis que dans les couloirs de l’Elysée, des langues de vipère murmuraient : «le Président a perdu Lassie, son chien fidèle qui encaissait tous les coups à la place de son maître». Ce que ne renie d’ailleurs pas J-P-R puisqu’il a dit —ironique et lucide— en commentant la laborieuse formation du nouveau gouvernement : «Il y a des chiens fidèles aux maîtres, les chats fidèles à la maison, et les singes qui vont de branche en branche». Assurément les Guignols de l’info comme les caricaturistes des journaux satiriques perdent gros avec le départ de l’admirateur de Lorie, la chanteuse pour ados dopée à «la positive attitude». Et que dire de ceux qui faisaient leur miel des célèbres raffarinades, qui pour certaines d’entre elles passeront sans doute à la postérité. Ainsi dans ce florilège, comment oublier :«notre route est droite, mais la pente est forte», «les veuves vivent plus longtemps que leurs conjoints», «je suis le pilote de l’Airbus gouvernemental». Inoubliable aussi le « mon oui est plus qu’un anon au non», et le désormais illustrissime : «Win… The yes needs the no to win against the no». Les humoristes ont néanmoins trouvé du grain à moudre avec le nouveau locataire de Matignon, le flamboyant Dominique Galouzeau de Villepin. Ce dernier, qui contrairement à ce que l’on pourrait croire n’est pas originaire de Villepinte est souvent qualifié de Don Quichotte. Quand ce n’est pas de moulin à paroles. C’est un sportif et surtout un poète (grand admirateur de René Char et Paul Celan). Il est aussi un thuriféraire de Napoléon. D’où sa première déclaration proclamant non sans panache et audace «se donner 100 jours pour convaincre». Dans le parler ampoulé du «ministrel» surnommé aussi par J-M Rouart «le grand blond avec une poésie noire», trouverons-nous à nous mettre sous la dent à défaut des désormais regrettées raffarinades des «villepinades» ? La première et que l’on espère annonciatrice d’autres : «en politique, il faut suivre le fil à plomb de sa conscience». Des analystes y voient un certain rapport avec le fameux plombier polonais qui a sensiblement contribué à plomber le «oui» du «raffarindum». Allez savoir ? Le «hussard du Président», auteur d’une dizaine d’ouvrages dont l’«Éloge des voleurs de feu», «le Cri de la gargouille» ou encore «Le Requin et la mouette» est connu pour son emphase gaullienne et son abus des synonymes. Personne n’a oublié la grandiloquence de son discours au Conseil de Sécurité de l’ONU, le 14 Février 2003 à propos de la guerre en Irak : «c’est un vieux pays, la France, un continent comme le mien, l’Europe qui vous le dit aujourd’hui, qui a connu les guerres, l’occupation, la barbarie, qui n’a cessé de se tenir debout face à l’Histoire et devant les hommes». Un style brillant, qui —dixit les critiques littéraires— l’apparente à celui de BHL, au demeurant un de ses amis. Mais dans la situation actuelle, où se trouve notre pays, avec un exécutif à deux têtes —de surcroît rivales— comme celui que le Président de la République a désigné, des mots suffiront-ils à conjurer les maux dont souffre la France ? Sans parler également de ceux de notre pauvre Europe.