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Comment les grèves perturbent le transport des grains en France ?

Si le mouvement social désorganise les exportations des céréales et autres oléoprotéagineux sur les ports français, ses conséquences sur l’activité sont plus ou moins importantes selon les places portuaires.

Par temps de grève, les camions arrivent difficilement aux sites de réception portuaire et les temps de chargement des navires s'allongent.
© Haropa - Port de Rouen

Sur les ports de Rouen et de La Rochelle-Pallice, les grèves ont de lourds impacts sur l’activité. Selon Alain Charvillat, directeur céréales export de Senalia, basé à Rouen, « les grèves ont trois impacts sur les exportations au départ de Sénalia » :

  • « L’arrêt de l’activité de déchargement péniches et de chargement navire par cause de grève des personnels dockers en charge exclusive de l’activité sur les ponts des navires et dans les cales des péniches.»
  • « L’arrêt de la plupart des livraisons de trains suite grève des personnels de traction (fret SNCF) ou des équipes en charges du réseau national ferré (SNCF infra).»
  • « Le blocage de l’ensemble de l’activité y compris la réception des camions et l’accès à nos sites lors des journées " port mort ".»

 

Un pré-acheminement perturbé

S’il est difficile de quantifier économiquement les impacts de ces grèves sur l’activité du prestataire rouennais, il n’en reste pas moins que le premier des coûts relève du retard subi par l’ensemble de ses clients livreurs et chargeurs, lorsque leurs moyens de transport routier, ferroviaire, fluvial ou maritime sont bloqués. « Par exemple, plusieurs navires qui doivent passer 24 heures ou 48 heures au chargement à Rouen vont désormais rester une semaine voire plus », illustre Alain Charvillat. D’autres facteurs à prendre en considération concernent « l’incapacité pour les camions d’accéder aux sites de réception portuaires » ou encore « la saturation des Line up qui freine la propension d’un client à programmer des nouveaux flux pour éviter des temps d’attente importants », poursuit-il.

Un avis partagé par Claus Ellemann-Jensen, directeur général de Hapag-Lloyd, armateur mondial de transport maritime en conteneurs, qui a déclaré lors d’une conférence lors de la SITL 2023 (salon professionnel annuel consacré aux acteurs du transport de marchandises et des services logistiques), du 28 au 30 mars à Paris Porte de Versailles : « Quand une compagnie maritime effectue 80 % de ses mouvements sur les ports de Rotterdam ou Hambourg, en période de congestion, les navires peuvent attendre quinze jours avant d’être déchargés. Quand une compagnie maritime effectue 20 % de ses mouvements sur un port français, par temps de grèves, les navires passent leur chemin et vont décharger leur marchandise dans un autre port… »

 

Des délais de chargement qui s’allongent

Sur le port de La Rochelle-Pallice, les délais de chargement s’allongent. « Les grèves actuelles impactent les exportations céréalières car elles plombent le chargement des navires et les livraisons des camions deviennent compliquées. Et ce, d’autant plus que le phénomène s’intensifie doucement mais sûrement », indique un courtier du cabinet Delaroche-Lebon, basé aux Sables-d’Olonne.

« Normalement, un navire de 34 000 Mt se charge en 36 heures et son temps d’attente sur rade ne dépasse pas les 48 heures. Du fait des grèves, les bateaux attendent sur rade deux à trois fois plus longtemps. Et avec trois jours de grèves par semaine, le chargement prend huit jours calendaires », explique Vincent Poudevigne, directeur général du groupe Sica Atlantique, basé à La Rochelle. Par ailleurs, les exportateurs peuvent avoir plus de mal à trouver des lots à acheter en rendu portuaire. « La logistique amont est compliquée et incertaine, notamment par voie ferrée. Les trains ne sont de fait assurés qu’à hauteur de 20 % », assure le dirigeant rochelais. Et d’ajouter : « Cela est d’autant plus dommageable qu’il s’agit de produits alimentaires de première nécessité. Il serait de bon de rappeler que l’export de céréales est destiné à nourrir des hommes et des femmes dans les pays de destination ».

 

Des conséquences disparates d’un port à l’autre

Si les ports de Rouen et de La Rochelle-Pallice semblent particulièrement pénalisés par le mouvement social, ceux de Bordeaux et de Dunkerque sont moins catégoriques.

Un courtier du cabinet Georget Courtage européen, basé à Bordeaux, indique que « le mouvement social n’a guère d’impact sur l’activité portuaire, en raison de la faiblesse des flux actuellement ».

Un avis partagé par Joël Ratel, directeur général de Nord Céréales, basé à Dunkerque, pour des raisons différentes : « Le mouvement social n’a pas d’impact sur notre activité car nous enregistrons peu de grèves des personnels. L’arrêt du travail annoncé des éclusiers n’a pas eu de conséquences sur nos chargements car nous avions pris nos dispositions pour que les navires ne soient pas bloqués ».

Dans tous les cas, les opérateurs portuaires espèrent que la situation revienne rapidement à la normale. Si Vincent Poudevigne souhaite que « le mouvement social ne dure pas trop longtemps », Alain Charvillat s’inquiète : « Sans entrer dans des considérations de politique générale, la montée en charge des violences lors des dernières manifestations en France n’est pas rassurante ».
 

Un transport fluvial de plus en plus impacté

Le mouvement social, avec un jour de grève annoncé par semaine depuis fin janvier, a pour le moment, un impact modéré sur le transport fluvial notamment sur le bassin de la Seine. « Tout au plus a-t-on enregistré des retards au niveau des écluses d’une demi-journée à une journée, en fonction des voyages. Les bassins du Nord et de l’Est ont plus pâti des arrêts de navigation », affirme Gaëtan Foray, responsable d’agence de Davenne Développement (groupe Scat), basé à Poissy.

En revanche, les grèves des dockers, plus dures et longues depuis maintenant trois semaines, sont davantage problématiques pour les chargements et déchargements des fluviaux ou fluvio-maritime sur le port de Rouen par exemple, avec plus de deux jours d’inactivité. « Cette situation engendre un bouleversement des plannings, avec des retards qui commencent à s’accumuler », commente Gaëtan Foray.  

Et d’ajouter : « Si le mouvement se durcit, on pourrait voir apparaître un regroupement de péniches aux écluses ou dans les ports, en attente forcée et prolongée. Mais pour l’instant, nous nous en sortons honorablement car le volume d’activité n’est pas très soutenu. En temps de forte activité, tel que la récolte, ce mouvement social entraînerait un dérèglement massif de l’exécution, avec de terribles effets dominos et des conséquences très difficilement gérables ».

 

 

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