Argentine
Intervention, expropriation, nationalisation : le plan du gouvernement argentin pour Vicentin
Le conglomérat agro-exportateur Vicentin, placé en liquidation judiciaire en décembre dernier, a été pris d’assaut la semaine dernière par le gouvernement d’Alberto Fernandez au nom de la préservation des emplois et de la souveraineté alimentaire.
Le conglomérat agro-exportateur Vicentin, placé en liquidation judiciaire en décembre dernier, a été pris d’assaut la semaine dernière par le gouvernement d’Alberto Fernandez au nom de la préservation des emplois et de la souveraineté alimentaire.
L’intervention surprise du gouvernement argentin dans le conseil d’administration du sixième exportateur de grains d’Argentine avec une participation l’an dernier de 9% du commerce extérieur agricole (surtout des fèves, des tourteaux, de l’huile et du biodiesel de soja), le 11 juin dernier, a fait l’effet d’une bombe.
D’abord incrédule, le syndicalisme agricole majoritaire a désapprouvé la manœuvre qui vise ouvertement l’expropriation des actifs du conglomérat Vicentin, avec ou sans indemnisation, on ne sait pas, lesquels comprennent des participations dans deux ports (San Lorenzo et Rosario), une usine de trituration d’oléagineux, une autre de biodiesel, de nombreuses unités de stockage de grains, un feedlot, un abattoir, entre autres, ceci en vue de sa nationalisation.
Vers une nationalisation
Un représentant du gouvernement a débarqué dans le conseil d’administration de la compagnie, à son siège situé dans la ville d’Avellaneda, sous des protestations hostiles des habitants de cette localité. L’administrateur financier nommé à cet effet est Gabriel Delgado, qui fut le secrétaire d’Etat à l’Agriculture de l’ex présidente de la République Cristina Kirchner, aujourd’hui vice-présidente et qui serait l’inspiratrice de cette tentative de nationalisation de cet acteur majeur du secteur agro-exportateur.
Pour rappel, la nationalisation du pétrolier YPF avait eu lieu sous le mandat de Cristina Kirchner, en 2012. C’est d’ailleurs la branche agricole d’YPF, YPF Agro, qui reprendrait les actifs de Vicentin. L’expropriation en soi du conglomérat agricole se produirait après le vote d’une loi ad hoc qui devait être présentée au Sénat le 17 juin où le parti présidentiel dispose de la majorité.
Une intervention vivement attaquée
Une pluie de critiques s’est abattue sur le président de la République, Alberto Fernandez, dès l’annonce du projet d’expropriation. Les syndicats agricoles et les bourses aux céréales de Buenos Aires et de Rosario ont mis en pièces les arguments justifiant celui-ci.
« Le groupe Vicentin était déjà placé en liquidation judiciaire et se trouve sous l’autorité du tribunal de Reconquista, à la demande de la gouvernance du groupe, pour organiser la convocation de ses créanciers en vue de vendre ses actifs. Or, plusieurs entreprises comme Glencore, associée à Vicentin dans la joint-venture Renova, et le groupe Ceibo formé par d’anciens dirigeants de Louis Dreyfus, s’étaient montrées intéressés par leur rachat.
De plus, les salaires des cinq mille employés de Vicentin sont à jour et aucun agriculteur à qui Vicentin doit des paiements de sa récolte n’a fait faillite alors que le gouvernement prétend voler à leur secours.
Enfin, l’autre argument de ce dernier auprès de l’opinion publique, qui est la préservation de la souveraineté alimentaire, est absurde puisque l’Argentine nourrit 440 millions de personnes à travers le monde alors que sa population est de 45 millions d’habitants », martèle Gustavo Idigoras, le président du Centre des exportateurs de céréales.
L’incertitude demeure sur l’issue de cette intervention annoncée comme un prélude à une nationalisation. Les impayés de Vicentin s’élèvent à 1,3 milliard de dollars (Md$), selon diverses sources, et son fonds de roulement annuel serait d’environ 2,5 Md$, selon Gustavo Idigoras. Or, ni YPF Agro, ni l’Etat argentin ne disposeraient de telles ressources extra au moment où ce dernier se trouve lui-même en défaut de paiement vis-à-vis de ses créanciers internationaux et renégocie toujours les conditions de paiement de sa dette externe après avoir obtenu le droit de ne rien payer pendant trois ans.
A ce stade, le projet d’expropriation de Vicentin n’a eu aucun impact sur les prix des grains en Argentine. Malgré sa taille, Vicentin n’est qu’un des 34 exportateurs de grains du pays.