Aller au contenu principal

Exportations céréalières : les ports et opérateurs français en ordre de marche

Face à leurs concurrents de la zone mer Noire ou d’Amérique latine, les établissements portuaires et leurs terminaux céréaliers investissements tous azimuts pour gagner en compétitivité.

Le silo de Sénalia à Grand-Couronne sur le port de Rouen, l’une des trois places portuaires d’Haropa Port qui représente 50 % des exportations maritimes françaises de blé et d’orge, et 20 % des chargements de céréales européennes.
© Haropa Port

Outre le disponible exportable, la qualité intrinsèque et les prix des grains hexagonaux, les coûts du fret maritime, les politiques commerciales nationales à l’exportation, et les relations diplomatiques entre pays importateurs et exportateurs, la compétitivité des ports fluviomaritimes français est un paramètre déterminant des exportations hexagonales de céréales, et notamment du blé tendre, sur la scène internationale.

Afin d’améliorer l’attractivité des ports français, le gouvernement a lancé une nouvelle Stratégie nationale portuaire, adoptée par le Comité interministériel de la mer du 22 janvier 2021, qui poursuit « un objectif clair de reconquête de parts de marché et de développement économique des ports, à horizon 2025-2050 », indique le ministère de la Transition écologique.

 

Une Stratégie nationale portuaire

Cette ambition passera principalement par les ports d’Haropa Port (Le Havre, Rouen et Paris), de Marseille et de Dunkerque, qui représentent 80 % du trafic des grands ports maritimes français. Cette Stratégie nationale portuaire projette, notamment, de faire de ces ports des « maillons essentiels de la performance des chaînes logistiques » et « des moteurs de l’innovation et de la transition numérique »

Plus précisément, selon l’Observatoire de la performance portuaire et des chaînes logistiques, paru le 1er avril 2021, si les ports français partagent des points forts, comme « un bon niveau d’interconnexion des systèmes d’information des différents acteurs portuaires » et « des procédures douanières fluides », des efforts doivent être entrepris pour gagner en compétitivité, notamment au niveau des « opérations de manutention », de la « connectivité intermodale » (comparée « aux leaders du Benelux ou à l'Espagne ») et de « la connexion avec les systèmes d’information de l'amont et l'aval de la chaîne logistique (qui « apparaît comme embryonnaire » par rapport aux ports du range nord).

Une des premières pierres à l’édifice concerne la création de France Sésame, un point de contact unique numérique aux frontières, disponible pour les opérateurs des grands ports maritimes du Havre, de Dunkerque et de Marseille à compter du 17 novembre 2021. Couvrant les formalités et les contrôles administratifs relatifs aux marchandises (contrôles vétérinaires, sanitaires ou phytosanitaires ; contrôles de conformité aux normes de commercialisation ; contrôles du respect des critères de l’UE relatifs à l’agriculture biologique), il assure « un gain important de performance et de lisibilité pour les formalités aux frontières » et « une optimisation du délai global de traitement des opérations physiques », précise le ministère de la Transition écologique. Si l’expérimentation est concluante, une éventuelle généralisation aux autres ports est envisagée.

 

 

De meilleures infrastructures portuaires

Face à la montée en puissance des pays exportateurs de grains de la zone mer Noire (Russie, Ukraine), mais également d’Amérique latine (Brésil, Argentine), voire de l’Australie, les établissements portuaires français, spécialisés en la matière, n’ont pas attendu le gouvernement et sa stratégie nationale pour agir.

Afin d’attirer les vraquiers de grande taille dédiés aux transports maritimes de longue distance, comme les panamax, les ports ont amélioré leur tirant d’eau (cf. carte), à l’image du port de Rouen qui a terminé les travaux d’approfondi de son chenal d’accès en juillet 2019. Parallèlement, des zones d’évitage ont été agrandies en amont puis en aval de la ville, pour permettre un gain de temps aux navires, qui n’ont plus besoin de remonter le fleuve au-delà de Rouen pour effectuer leur demi-tour. Le port de Bordeaux a, de son côté, gagné 10 % de tirant d’eau grâce au programme Gironde XL, ce qui a permis de mieux exploiter l’onde de marée.

Les ports travaillent également à l’amélioration de leurs services maritimes, comme l’achat de dragues plus écologiques (à l’image de la drague L’Ostrea sur port de Bordeaux), de remorqueurs de nouvelle génération, des vedettes et autres équipements de lamanage (sur le port de Rouen), ou encore l’installation d’une station météo gratuite pour aider les opérateurs à anticiper les aléas climatiques et mieux programmer leurs chargement (sur le port de Bordeaux). Haropa Port a également défini en 2021 « sa première stratégie tarifaire harmonisée des redevances domaniales et des droits de port, rendue effective au 1er janvier 2022 », qui vise à « capter de nouvelles parts de marché sur ses concurrents et accroître ses trafics ».

Un autre levier de compétitivité des ports exportateurs de céréales concerne l’acheminement des grains dans les silos. La massification des flux a conduit à développer la part modale du fer et de la voie d’eau, au détriment de la route. Ainsi Marseille Fos améliore-t-il sa desserte ferroviaire pour gagner « en fluidité, en fiabilité et en productivité ». Bordeaux Port Atlantique « passe son réseau ferré d’approche à la charge D, ce qui va permettre de massifier l’approvisionnement en grains via la voie ferrée » et planche sur un projet « de flux retour avec des engrais pour optimiser le transport de céréales par le fleuve », indique Thibault Guillon, chargé du développement des filières du port de Bordeaux.

 

Des investissements conséquents des opérateurs

Afin d’améliorer l’attractivité de l’origine française sur le marché mondial des céréales, les terminaux céréaliers s’activent également. Ces dernières années, les coopératives et autres entreprises de négoce en grains ont multiplié les projets d’agrandissement et de modernisation de leurs infrastructures portuaires.

Sur le port de Rouen, Sénalia a changé en 2018 ses trois portiques de chargement sur son site de Grand-Couronne, ainsi que les convoyeurs et autres équipements associés. La modernisation des portiques de Sénalia sur la presqu’Île Elie date, quant à elle, de 2020-2021. En 2018, Groupe BZ agrandissait son silo de dix nouvelles cellules et construisait, en 2021, un nouveau parking pour poids lourds. De son côté, Groupe Soufflet a installé, en 2020-2021 à Croisset, un nouveau portique et adapté son terminal céréalier au chenal approfondi. Quant à Simarex, il a amélioré ses capacités d’accostage et modernisé ses dômes de stockage.

Sur le port de Dunkerque, Nord Céréales investit dans le développement du transport fluvial, avec l’installation d’un troisième portique de déchargement par barge, et l’agrandissement de 49 000 t de ses capacités de stockage d’ici 2024, voire 120 000 t à terme, sur une darse que le port va boucher.

Sur le Port de la Rochelle, le dernier investissement d’InVivo, qui vient de racheter Groupe Soufflet, concerne le silo Chef de Baie, mis en service en 2018. « Cet investissement a permis une massification de nos flux d’approche ferroviaire - ceux-ci passant de 12 % à 27 % des volumes acheminés -, un travail du grain plus fin - avec une maîtrise des qualités dans la chaîne logistique - et une forte diminution du brouettage par camion au sein du port. Nous attendons le programme de dragage du quai qui permettra de récupérer 0,5 à 1,0 m de tirant d’eau », indique le porte-parole d’InVivo. Sica Atlantique a, la même année, renouvelé son grainoduc.

Sur le port de Bordeaux, « un nouveau magasin de stockage a été réalisé par un des deux opérateurs spécialisés dans l’exportation de céréales [InVivo et SPBL], qui investissent par ailleurs régulièrement dans la maintenance et la modernisation de leur matériel », précise Thibault Guillon.

Sur le port de Marseille, la Société d'exploitation du port de Tellines (SEPT) - qui charge des grains pour le compte d'un groupement, composé de Cérévia, La Dauphinoise, Drômoise de céréales, Sud Céréales, GMPT Provences services, céréalis et Granit – a développé des services en ligne, dédiés à ses partenaires. Le portail Port Tellines Online permet aux transporteurs routiers de gérer leurs rendez-vous, que ce soit pour livrer ou charger des céréales, dans l’objectif de fluidifier les arrivées des camions.

 

 

La France et Rouen leaders en Europe

Les acteurs qui travaillent les grains en portuaire le disent : il n’y a pas réellement de vrais concurrents face aux ports français, en général, et à celui de Rouen, en particulier, sur l’Europe, hors mer Noire. En Pologne, le port de Gdynia (côte ouest de la baie de Gdansk sur la mer Baltique) exporte 5,4 Mt de céréales. Le port en eau profonde de Klaipeda (principal port non pris par les glaces sur la côte est de la Baltique) en Lituanie en exporte 4,6 Mt. La Lettonie possède deux ports significatifs : Riga avec 2,8 Mt et Liepaja (5 bassins de mouillage et 250 000 t de capacité de stockage de vrac) avec 2,7Mt. 
Thierry Michel

Les plus lus

Dirigeants des BRICS+ réunis à Kazan, en Russie
BRICS+ : pourquoi une nouvelle bourse de céréales est proposée par la Russie à ses partenaires ?

Les pays des BRICS+ (regroupant le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine, l'Afrique du Sud, l'Iran, l'Égypte, l'Éthiopie et les…

Un palmier à huile
Prix des huiles végétales : quelle tendance pour les prochains mois ?

Les prix des huiles de palme, de soja, de tournesol et de colza ont nettement renchéri ces dernières semaines, dans un…

Déchargement d'un bâteau d'engrais TSP (Triple super phosphate) en provenance de Sfax (Tunisie)
En quoi consiste le partenariat sur les fertilisants signé entre le Maroc et la France ?

L’interprofession Intercéréales a signé un partenariat relatif aux fertilisants avec l’Office chérifien des phosphates. Si les…

<em class="placeholder">champ de blé au Minas Gerais, au Brésil</em>
Le blé sud-américain relève le défi du changement climatique

La disponibilité en eau, le renouvellement variétal et le non-labour sont les atouts dont disposent le Brésil et l’Argentine,…

Portrait de Gonzalo Rodera, conseiller au sein de la Coopérative agricole de Tres Arroyos, assis à son bureau
Commerce blé 2024-2025 : l’Argentine est en mesure de concurrencer la France sur le Maghreb

Un régime pluviométrique porteur dans les Pampas nourrit les espoirs des exportateurs qui préparent le retour en force du blé…

Un champ de maïs
Récolte du maïs et du tournesol 2024 : nette révision mensuelle à la baisse des rendements dans l'UE, selon la Commission européenne

Les cultures d'été ont souffert cette année 2024 de l'excès d'eau à l'Ouest de l'UE, et du déficit hydrique et de…

Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 90€/an
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site La dépêche – le petit meunier
Bénéficiez de la base de cotations en ligne
Consultez votre revue numérique la dépêche – le petit meunier
Recevez les évolutions des marchés de la journée dans la COTidienne