Politique économique
[Coronavirus - Covid 19] « Il faut continuer à soutenir l’économie »
Unanimité au Conseil d’analyse économique sur la poursuite d’une politique de soutien à l’économie française pour les mois à venir.
Unanimité au Conseil d’analyse économique sur la poursuite d’une politique de soutien à l’économie française pour les mois à venir.
« Beaucoup de choses vont se jouer dans les mois qui viennent. Le risque à prendre est celui d’en faire trop. Si l’on en fait trop, ça n’aura pas de conséquences négatives. Mais si l’on n’en fait pas assez, alors on prend le risque de voir l’économie s’affaisser » ont affirmé, de concert et au nom du Conseil d’analyse économique (CAE), Philippe Martin (président délégué), Xavier Ragot (président de l’Observatoire français des conjonctures économiques) et Jean Pisani-Ferry (ex du CAE et travaillant pour le réservoir à idées pro-européen Bruegel), lors d’une conférence destinée à la presse, vendredi 10 juillet, et intitulée « Une stratégie économique face à la crise ». Pour mémoire, le CAE, placé auprès du Premier ministre et composé d’économistes et de chercheurs, réalise, en toute indépendance, des analyses économiques pour le gouvernement et les rend publiques.
Constat
Si la crise sanitaire a provoqué un choc de l’offre ET de la demande en France, il apparaît qu’aujourd’hui c’est la pression déflationniste qui prévaut, donc plutôt le choc de la demande selon les porte-parole du CAE. Ils notent également que ce choc est sans doute plus fort que dans d’autres pays comparables en raison d’une « plus forte sévérité du confinement ». Le CAE fait également le diagnostic suivant : chute limitée du revenu des ménages (- 5 % environ pendant le confinement), excès d’épargne, à début juillet, de l’ordre de 80 Md€ et rebond de la consommation post confinement.
Pour autant, le stock d’épargne excédentaire peut présenter un risque pour la consommation : les ménages français consommeront-ils, tout ou partie, ce surplus de ménage ? « Nous estimons ainsi que la consommation totale chez les commerçants (ventes physiques ou e‐commerce, règlement par carte bancaire CB ou en liquide mais hors cartes bancaires étrangères) a bien rebondi mais se trouve de la mi‐mai à la fin juin à un niveau légèrement en dessous de sa valeur de 2019 (– 2 %) ». Et pour le CAE, 2 % de consommation en moins, c’est – 1 % de PIB et – 1 % d’emplois.
Côté entreprises, on enregistre déjà une perte de revenus de 54 Md€ en raison du Coronavirus mais les accompagnements mis en place (PGE, reports de cotisations…) ont permis de globalement préserver les trésoreries. « Beaucoup d’entreprises ont gagné du temps grâce aux dispositifs d’Etat. Mais il y a beaucoup de faillites à venir, en fonction du redémarrage de l’économie » insistent les représentants du CAE. Ils estiment que le PIB, fin 2020, afficherait « de l’ordre de – 5 points par rapport à une activité normale, sans 2è vague d’épidémie » et la « baisse du potentiel productif (offre) de l’ordre de – 2,5 % ».
Recommandations
Pour les membres du CAE, le temps n’est pas venu de savoir comment on finance tel ou tel système ou dispositif, même si certains systèmes (comme celui des retraites par exemple) ont leur propre difficultés. « Il faut continuer à soutenir l’économie ». Ce qui a été fait a évité le pire et a permis de gagner du temps. Il faut poursuivre cet effort, notamment pour aider les ménages à regagner de la confiance, a priori synonyme d’augmentation de la consommation, et pour permettre aux entreprises de redémarrer leur activité de production.
Le CAE préconise donc de fixer des objectifs explicites et une mise en œuvre pour les atteindre souple, permettant de réagir au mieux au fur et à mesure des évolutions d’ici 18 mois. S’il s’agit de « passer la période risquée de l’automne-hiver 2020 », il faut aussi « enrayer le cercle vicieux perte d’emploi/de confiance/de demande, empêcher des effets permanents sur le potentiel économique, cibler les ménages plus vulnérables et les jeunes entrants sur le marché du travail » mais aussi allonger l’horizon des agents économiques à travers des actions crédibles à travers la transition écologique, le ré‐outillage industriel et le réinvestissement dans le service public ». Ces objectifs priment « sur celui d’équilibrage des finances publiques, combinant politiques de l’offre et de la demande, production et redistribution ».
Les entreprises vont certainement hésiter à investir. Il convient donc de mettre en place un « bouclier anti-faillites ciblé sur les secteurs et entreprises en difficulté ». Autre recommandation du CAE : « soutenir rapidement l’emploi via des aides forfaitaires pour les embauches concentrées sur les bas salaires et plus généreuses pour les jeunes »tout en s’occupant des jeunes qui ont décroché pendant la crise. Le CAE conseille aussi de « soutenir le pouvoir d’achat des ménages modestes par des transferts ciblés et des bons d’achat de biens et services en accord avec la transition environnementale ».
Pour le CAE, il faut réorienter la croissance à la fois à court terme et sur le plus long terme. Il propose un « package » de 48 Md€ pour cela sur 18 mois afin de regagner deux points de PIB. Le contexte des bas taux d’intérêts et d’inflation très faible permet d’emprunter à très bon coût et augmenter la dette du pays n’apparaît pas comme un risque majeur. Les membres du CAE recommandent même d’émettre des dettes de plus long terme qu’à l’heure actuelle.
Sans faire n’importe quoi, il s’agit avant tout de relancer le pays, d’intégrer les contraintes environnementales à l’économie et de former les salariés et futurs salariés. Reste à savoir ce que le gouvernement compte faire de cette analyse...