Coop de France aspire à de nouveaux outils de régulation
Pour gérer les risques liés à la volatilité accrue des prix, les coopératives doivent s’adapter. En termes de structure, mais également de compétences
GÉRER LA VOLATILITÉ. Très mouvementée entre 2000 et 2003, la restructuration du secteur coopératif s’était apaisée. Mais avec 68 opérations enregistrées sur les 10 premiers mois de l’année, contre 56 en tout l’an passé, 2008 marque une rupture, comme l’a expliqué Philippe Mangin, président de Coop de France, lors d’une conférence organisée le 4 novembre en vue du prochain congrès*. Les seuls mouvements entre coopératives se montent à 35. La volatilité des marchés n’est pas étrangère à cette « nouvelle phase d’alliances ».
Un périmètre coopératif mouvementé
Les décisions de restructurations ont pour certaines été motivées par le développement à l’international, à l’instar des achats opérés par Malteurop aux Etats-Unis et en Russie ou de l’essor d’InVivo/Evialis au Brésil. L’évolution du secteur coopératif résulte aussi de partenariats engagés avec des entreprises de l’aval – y compris à capitaux familiaux – pour peser davantage face à la grande distribution. Mais les rapprochements visent souvent à consolider des structures : « Pour maîtriser les risques liés à la volatilité accrue des cours des matières premières, l’effet de taille est important », assure Philippe Mangin. L’union entre EpiCentre et Agralys en est une bonne illustration. La physionomie des filières des grandes cultures a particulièrement évolué. Et pour cause, en un an, le contexte de marché a « radicalement changé », rappelle Hubert Grallet, président de Coop de France Métiers du grain. Plus que les prix, redescendus aux niveaux de 2006 – voire en dessous –, c’est la volatilité qui bouleverse les habitudes. Diversification des modalités de paiement des adhérents, recours accru aux marchés à terme… « Avec des prix qui varient de 10 % par jour, nous devons nous adapter en permanence, vis-à-vis des agriculteurs comme de nos clients », témoigne Hubert Grallet. Et Philippe Mangin d’appuyer : « La gestion des risques est un challenge ! Il nous faut des compétences nouvelles ». Pour les coopératives, « la volatilité qui s’installe sur les marchés agricoles est insupportable et nous ne savons pas la gérer du producteur au consommateur ». « Nous devons inventer au sein des filières des instruments de régulation alternatifs à ceux que la Pac n’assure plus. » Cela passe par des mécanismes de contractualisation, de lissage de la volatilité, voire par la constitution de stocks stratégiques en France.
Tension des négociations avec les GMS
Confrontées aux oscillations des cours des matières premières, les entreprises coopératives doivent de surcroît composer avec des conditions de marché détériorées sur l’aval. En cause ? La LME. « Ses conséquences nous inquiètent énormément », assène Philippe Mangin. Coop de France, comme l’Ania, avait contesté le projet de loi et plaidé pour la poursuite de la loi Chatel, permettant selon eux de baisser les prix en rayon. Par ailleurs, « nous souhaitions que la notion de contrepartie soit prise en compte ». Et elle l’est. Sur le papier… mais pas sur le terrain. « C’est la loi de la jungle ! », s’insurge Philippe Mangin. « La plupart des opérateurs de la grande distribution refusent toute proposition de tarifs, donc les conditions générales de vente. » En parallèle, les GMS expliquent que les prix ne baisseront pas autant qu’annoncé. « Cette loi a créé de faux espoirs auprès des consommateurs », estime Philippe Mangin qui craint que « les agriculteurs payent deux fois la note : celle de la conjoncture et celle de la LME. Il est urgent qu’un point d’étape soit fait ! » Coop de France attend donc beaucoup de la commission d’examens des pratiques commerciales.
Avec 3 200 entreprises, 12 700 Cuma, 80 Md€ de CA et 150 000 emplois, « les coopératives représentent une composante importante de la ferme France et nous travaillons au renforcement de son poids », affirme Philippe Mangin. La fédération lance d’ailleurs un plan de communication sur trois ans pour mieux faire connaître les fondements de la coopérative et la force qu’elle représente auprès des décideurs. Même si le profit reste le moteur, ces structures « n’ont pas de logique virtuelle, comme celle qui a fait exploser le système financier, assure Philippe Mangin. Nous sommes dans une économie réelle et durable, avec une vision à moyen terme, ce qui n’est pas toujours entendu ».
(*) : 1er congrès de Coop de France les 12 et 13 novembre.