Comment les taxes sur les importations de tourteau de tournesol russe vont affecter le marché français
Pour David Saelens, président de la branche nutrition animale de La Coopération agricole, le projet européen de taxation des importations de tourteau de tournesol depuis la Russie ne devrait entraîner un surcoût que de 5 €/t à 10 €/t sur le prix de l’aliment composé.
Pour David Saelens, président de la branche nutrition animale de La Coopération agricole, le projet européen de taxation des importations de tourteau de tournesol depuis la Russie ne devrait entraîner un surcoût que de 5 €/t à 10 €/t sur le prix de l’aliment composé.
Les importations de tourteau de tournesol depuis la Russie vers l’Union européenne vont être taxées à partir du 1er juillet. Se pose ainsi la question des conséquences d’une telle mesure sur la filière nutrition animale hexagonale. Selon un représentant et une analyste du secteur, les effets sur le marché français des tourteaux et le prix des aliments composés devraient être limités.
Un impact maîtrisé sur les filières françaises de la nutrition animale
En effet, les flux en provenance de Russie ne représenteraient « que 20 % des importations européennes de tourteau de tournesol, et rentreraient principalement par la Pologne », d’après Nouha Slama, analyste spécialisée dans le marché du tournesol pour le cabinet Tallage-Stratégie grains.
Une proportion que confirme David Saelens, président de La Coopération agricole Nutrition animale. Au niveau français, ce chiffre était même encore plus bas : l’origine russe représentait seulement 12 % des importations de tourteaux de tournesol pour la campagne 2021-2022, d’après Terres Univia. Elles ont par la suite gagné en parts de marché au détriment de l’Ukraine avec la guerre pour atteindre 24 % du total des importations françaises depuis le début de la campagne, d'après FranceAgriMer. « Après la multiplication par deux ou trois des prix des matières premières, observée il y a deux ans lors de la guerre en Ukraine, la nutrition animale française a montré sa capacité à s’adapter aux velléités de marché », rassure David Saelens.
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L’instauration de taxes sur les origines russes inciterait les fabricants d’aliment pour animaux à se tourner vers d’autres origines pour leur approvisionnement. Ils pourraient ainsi se tourner vers le Kazakhstan ou à nouveau l’Ukraine. « Cela pourrait se traduire par un surcoût estimé entre 5 € et 10 € la tonne d’aliment », anticipe David Saelens.
« Le surcoût est estimé entre 5 € et 10 € la tonne d’aliment », selon David Saelens, président de la Coopération agricole - Nutrition animale.
Pas de déstabilisation des marchés du tournesol
Des reformulations devraient intervenir pour intégrer d’autres sources de protéines végétales dans les aliments pour animaux, avec en premier lieu des tourteaux de colza et de soja. Toutefois, aucune forte tension sur les prix de ces deux produits n'est à attendre. En effet, les volumes nouvellement consommés à la suite de la taxe sur les marchandises russes ne seront pas mirobolants, selon David Saelens. Enfin, concernant le marché français du tourteau de tournesol, « la nouvelle de la taxation a déjà été intégrée par les marchés », soulève l'expert de La Coopération agricole Nutrition animale.
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La potentielle hausse des prix des tourteaux devrait ainsi rester maîtrisée, d’autant plus que « le bilan mondial du tourteau de tournesol devrait retrouver un certain équilibre sur la campagne 2024-2025, par opposition aux fortes disparités qu’on observait avant-guerre, avec un bilan lourd en Russie et en Ukraine, et plus tendu ailleurs », prévoit Nouha Slama.
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En réalité, ce qui préoccupe davantage les industriels, « c’est la hausse des prix du blé, qui risque de se répercuter sur l’indice Ipampa (indice des prix d'achat des moyens de production agricole de coût de production d’aliment du bétail) », alerte David Saelens.
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Le marché français des tourteaux ne serait que peu affecté par la mesure, au contraire de la Russie. « La Russie aurait pu se tourner vers la Chine pour compenser la perte du débouché européen, mais elle n’est guère demandeuse. Les prix intérieurs russes du tourteau de tournesol pourraient par conséquent baisser, ce qui provoquerait un recul de la trituration locale », précise Nouha Slama.
La Coopération agricole plaide pour un approvisionnement en protéines végétales locales
Sur le plan politique, le projet de taxe sur les tourteaux de tournesol russes « nous renforce pour encourager nos partenaires à s’approvisionner en protéines végétales locales », opine David Saelens. Celles-ci pourraient en effet constituer une alternative de substitution. Il salue une véritable « prise de conscience » et appelle de ses vœux des mesures incitatives à la fois de la part de Bruxelles et des coopératives pour pousser les agriculteurs à semer plus de pois protéagineux, de féveroles, de lupin, et de soja. Cela passerait notamment par « le soutien à la recherche en pois protéagineux, délaissée ces vingt à trente dernières années, une politique de gestion de l’eau favorable à l’irrigation dans le Sud-Ouest, ainsi que des aides spécifiques », martèle-t-il.
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