Biocarburants L’E85 vedette du Mondial de l’automobile
Les récentes avancées sur le dossier des biocarburants ont été saluées par la filière bioéthanol. Elles ont valu aux céréaliers une entrée en fanfare pour leur première participation au salon
COMME PREVU, le bioéthanol, et plus largement les biocarburants, s’imposent comme les stars de ce Mondial de l’automobile. Le Premier ministre, Dominique de Villepin, n’a d’ailleurs pas manqué de souligner, lors de l’inauguration du salon, vendredi 29 septembre, l’action engagée par l’état en faveur des carburants verts pour « faire en sorte que les Français puissent utiliser un véhicule et des carburants propres à des conditions abordables ». Un engagement réaffirmé par l’accord, donné ce même vendredi, à un agrément pour cinq nouvelles usines qui produiront 1,1 Mt supplémentaires (dont 200.000 t pour l’éthanol). Le chef du gouvernement est également revenu sur le développement de l’E85, dont la charte – qui planifiera notamment le déploiement « de 500 à 600 pompes » en 2007 – devrait être signée dans les prochaines semaines. Il s’est engagé à ce que l’état ne « perçoive aucune taxe sur la partie verte de ce carburant », pour un prix à la pompe de l’ordre de 0,8 €/l. Il a également promis « des mesures d’accompagnement fiscal pour les véhicules des particuliers et des sociétés » pour renforcer les avantages des Flex-fuel. Force est de constater que le gouvernement aura cette année été un excellent VRP pour les producteurs de grandes cultures qui voient en ces projets un débouché porteur mais également l’occasion d’améliorer leur image vis-à-vis de la société. La collective des céréales, Passion Céréales, présente pour la première fois au salon, aura sans doute eu l’occasion d’en évaluer l’impact. Mais tous les maillons de la filière n’ont pas toujours affiché une motivation sans borne.
Un engagement espéré depuis longtemps
Cette volonté gouvernementale a de quoi satisfaire producteurs et industriels de la filière bioéthanol. Cela « donne de la valeur à notre combat », commentait le président de la FNSEA, Jean-Michel Lemétayer, le 28 septembre, lors d’une conférence de presse faisant suite à la remise du plan Flex-fuel 2010. Celui-ci regrette néanmoins le retard à l’allumage dans le lancement de la filière. « Hier, nous étions prêts », mais la « volonté politique » n’était pas au rendez-vous. « Sans doute le lobby pétrolier devait-il peser plus que la dynamique agricole que nous représentions », avance le représentant syndical. Autre élément essentiel à l’accélération subite du dossier : une flambée du pétrole d’une amplitude inattendue.
Continuer de privilégier l’incorporation de bioéthanol en direct
Cette fois, la volonté est là et le monde agricole s’en félicite. Mais, pour les producteurs, le plan Flex-fuel n’est qu’un complément au programme annoncé l’an dernier par le Premier ministre. L’incorporation directe de bioéthanol, sous forme d’E5 et d’E10 (super sans plomb contenant 5 et 10 % de bioéthanol), reste pour eux la priorité. « Leur utilisation est indispensable à l’atteinte de l’objectif national de 7 % de l’incorporation globale en 2010», confirmait Jean-François Loiseau, producteur de céréales et président de la commission énergie renouvelable de l’AGPB, lors d’une conférence de presse organisée par Passion Céréales au Mondial de l’automobile. Une orientation soutenue également par les constructeurs, représentés par Gérard Belot, directeur des carburants chez PSA-Peugeot-Citroën. Il est en effet possible d’incorporer 5 à 10 % d’éthanol immédiatement sans modification du moteur ni des pompes, contrairement à ce qu’impose l’E85. Celui-ci « ne représentera ainsi qu’un faible volume d’éthanol distribué, le temps que le système de distribution de pompe se développe et que le parc automobile se renouvelle », souligne Jean-François Loiseau. Notons que l’incorporation en directe pourrait aller jusqu’à 20 % sans modification majeure des moteurs, selon ce dernier.
Les pétroliers ont fait preuve d’une motivation inégale
La Siplec, société d’importation d’E. Leclerc et premier pétrolier indépendant – qui, avec 7 Mm 3, se place derrière Total (plus de 25 Mm 3) au palmarès des distributeurs français –, a incorporé, dès 2004, 5 % d’éthanol pur directement à l’essence. Mais l’éthanol a la particularité d’augmenter la tension vapeur lors de son incorporation, « il fallait alors trouver une essence “éthanolable” de basse volatilité que nous nous sommes procurés auprès d’un fournisseur autrichien », explique Vincent Muller, responsable département énergies de la Siplec. Les Français « nous disaient qu’ils ne savaient pas la fabriquer. Maintenant, ils sont tous prêts à le faire. » Les pétroliers ne semblent donc pas avoir tous montré autant de motivation à voir les carburants alternatifs monter en puissance.
L’E5 de la Siplec a, dans un premier temps, été proposé à la vente, à titre expérimental, en Alsace. L’essai, relayé par d’autres grandes surfaces, a été étendu à la Normandie en 2006. En tout, 20.000 m 3 de bioéthanol ont été incorporés dans 400.000 m 3 de super carburants… importés ! Aujourd’hui 75 stations services commercialisent de l’E5. L’objectif est de l’étendre à 210 stations au premier trimestre 2007. Siplec est également le premier à avoir livré du Super éthanol E85 au Conseil général de la Marne et entend, bien entendu, participer à sa démocratisation en le proposant dans 15 % des stations en 2007 et 20 % en 2008.
Si cette dynamique en faveur du bioéthanol est saluée par beaucoup, elle suscite certaines craintes et réticences. La question du prix d’achat des matières premières, jamais évoquée par le gouvernement qui se contente d’annoncer un prix de vente du produit fini, préoccupe, comme la crainte de voir ce marché échapper à la filière française au profit des exportateurs, brésiliens notamment (cf. article p.13). La filière appelle à cet égard à un maximum de fermeté des autorités dans les négociations internationales.
Autre crainte récurrente celle d’une concurrence entre biocarburants et filières alimentaires (cf. article ci-dessous) qui provoquerait une flambée des prix. Confiants dans les engagement gouvernementaux, les représentants des producteurs de grandes cultures se veulent pour le moment rassurants.
Les producteurs, aspirant à l’essor de l’incorporation du bioéthanol sous toutes ses formes, insistent également sur le fait que ce carburant n’est qu’une solution du « “bouquet” énergétique » qui doit se développer pour préparer l’après pétrole. « L’objectif n’est pas de remplacer l’or noir à 100 % par du bioéthanol, il y a d’autres pistes » prometteuses à développer.