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Assolements : intérêt économique des protéagineux dans la rotation

Une analyse sérieuse, tenant compte des rendements obtenus en moyenne sur plusieurs années, montre qu’ils restent rentables.

SELON ARVALIS-Institut du végétal, une analyse sérieuse de l’intérêt économique des protéagineux dans les rotations, en tenant compte des rendements obtenus en moyenne sur plusieurs années et pas seulement de la contre-performance de 2005, montre qu’ils gardent leur intérêt y compris lorsqu’ils sont destinés au marché de l’alimentation animale. Ainsi, lorsqu’on intègre les moyennes de rendement et de prix sur plusieurs années, les effets précédents à l’échelle de la rotation et quelques précautions de calcul, il est clair que les protéagineux permettent de construire des rotations performantes sur le plan économique et durables sur le plan agronomique. Comparé aux autres cultures de la rotation, leur plus faible produit brut est contrebalancé par leurs faibles charges d’intrants, en particulier sur les engrais azotés, leur effet précédent significatif et le bonus de la prime spécifique protéagineux.

Maintenir des soles diversifiées

L’intérêt principal des protéagineux est leur bonne complémentarité vis-à-vis des céréales et des oléagineux à la fois sur le plan agronomique et sur le plan des marchés. Or, aujourd’hui, avec seulement 3 % des surfaces dans les assolements de grandes cultures en France et 6 % de l’approvisionnement en matières riches en protéine pour les élevages, cette complémentarité est loin d’être valorisée à son potentiel. La contre-performance subie par le pois, en 2005, ne doit pas conduire à aggraver ce déséquilibre. Une règle de précaution de base pour les producteurs et pour les collecteurs consiste à ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier. Pois et colza constituent des têtes de rotations reconnues, permettant d’améliorer les performances du blé suivant, mais ni l’une, ni l’autre ne supporte une fréquence de retour trop rapide, au risque de voir se développer des problèmes de maladies ou de mauvaises herbes difficiles à contrôler. La hausse des surfaces en colza, en réponse à la demande de biocarburants, devraient permettre d’arriver à près de 2 Mha à terme, soit environ 15 % des surfaces de grandes cultures, un niveau équilibré sur le plan des assolements à condition d’être bien réparti.

La complémentarité entre céréales et protéagineux sur le plan agronomique et sur le plan nutritionnel est maintenant bien connue, au moins en France. La complémentarité des protéagineux (pois ou féverole) avec le colza l’est moins. Sur le plan agronomique, l’alternance de ces deux cultures comme précédent à blé peut aider à réduire globalement les coûts de production. Ces cultures n’ont aucun ravageur, ni maladie en commun (hormis le sclérotinia et les limaces, mais avec des dates et des intensités différentes), et surtout leur alternance facilite le contrôle des mauvaises herbes. Sur le plan nutritionnel, bien que tous deux soient des sources de protéines, le pois et le tourteau de colza sont des matières premières aux profils nutritionnels différents et complémentaires en alimentation animale. Le pois se caractérise par une teneur élevée en amidon, de bonne valeur énergétique, en plus d’être une source de protéines riche en lysine et donc complémentaires de celles des céréales. Le tourteau de colza est bien pourvu en acides aminés soufrés, ce qui le rend complémentaire du pois, et il contient beaucoup de fibres et pas d’amidon. De ce fait, ces deux matières premières ne sont pas utilisées en priorité dans les mêmes formules. Le profil du pois est bien adapté aux besoins des porcins. Le tourteau de colza est mieux valorisé par les ruminants. Ni le pois, ni le tourteau de colza n’ayant la polyvalence du tourteau de soja, c’est bien l’association des deux qui permet à l’alimentation animale de réduire significativement le déficit global en protéines végétales avec des matières premières d’origine locale.

Calculer ses marges sans faire d’erreur

Dans le choix d’un assolement, la marge brute dégagée par les différentes cultures est un élément clé de décision. Le calcul des marges brutes (produit brut – charges opérationnelles) paraît simple, mais doit être fait avec rigueur. Or, on constate des erreurs assez fréquentes, à éviter pour bien évaluer l’intérêt des protéagineux dans un assolement.

Première règle : prendre du recul et intégrer les moyennes pluri-annuelles. Le rendement et les prix varient beaucoup d’une année à l’autre, et pas toujours dans le même sens pour les différentes cultures. Pour faire un calcul prévisionnel, intégrer la moyenne des cinq ou six dernières années est plus fiable que de ne tenir compte que des deux dernières années. C’est une évidence, mais parfois négligée car elle nécessite un effort d’enregistrement des données pendant plusieurs années.

Deuxième règle : comparer ce qui est comparable. Concernant le potentiel du sol, un agriculteur qui connaît bien ses terres ne fait pas l’erreur de comparer des marges de cultures implantées dans des terres superficielles avec celles des parcelles à haut potentiel. En revanche, dans les enquêtes régionales, ce risque d’erreur est fréquent. Par exemple, dans les régions traditionnelles de culture du pois, la féverole ou le colza l’ont souvent remplacé dans les parcelles à haut potentiel de rendement à cause de l’extension d’aphanomyces, tandis que le pois s’est déplacé vers des parcelles ou des secteurs à moindre potentiel. La comparaison directe des rendements du pois et de la féverole dans des moyennes départementales est ainsi biaisée. Concernant les prix et les débouchés, il est toujours risqué de faire des comparaisons entre des cultures contractuelles (comme la féverole export, le lin oléagineux ou des cultures légumineuses) avec des productions standards à débouché très large. Un producteur donné a intérêt à rechercher un maximum de cultures contractuelles qui procurent des primes de marché, sous réserve de maintenir un assolement équilibré. Mais cela n’est pas extrapolable à tous. Par définition, les débouchés standard sont majoritaires ! L’extrapolation d’un assolement optimisé pour une exploitation donnée à sa région est très délicate si cet assolement intègre des cultures liées à des volumes limités et des cahiers des charges particuliers. Concernant la place dans l’assolement, on ne peut comparer directement que des cultures ayant un effet comparable dans l’assolement.

Troisième règle : raisonner à l’échelle d’une rotation. Le raisonnement de l’assolement est trop souvent basé sur «les cultures les plus rentables» sans tenir compte de l’ensemble de la rotation dans laquelle elles s’insèrent. La rentabilité d’une culture ne peut être considérée indépendamment de la succession des différentes cultures qui composent la rotation. Ainsi, les oléagineux et les protéagineux ont une marge brute inférieure à celle d’un blé et équivalente à celle d’un blé sur blé mais ils ont un impact bénéfique direct sur le blé qui les suit. Facilement mesurable par voie d’enquête, la différence de rendement d’un blé après blé comparé à un blé après pois ou colza est d’environ 8 q/ha en moyenne sur plusieurs années et dans différentes régions. Au-delà des charges opérationnelles plus faibles en protéagineux par rapport aux autres cultures, des économies sont observées à l’échelle de la rotation : meilleure disponibilité de l’azote et donc réduction des apports pour la culture qui suit, rupture dans le cycle des maladies, moindre salissement des parcelles du fait d’une rotation plus diversifiée. Ces bénéfices sont estimés à environ 20 E/ha d’économie d’intrants à court terme pour le blé suivant. Les économies possibles à moyen et long terme sont plus difficiles à chiffrer.

Quatrième règle : bien imputer les charges. Avec l’enregistrement des interventions culturales, l’imputation des intrants (engrais, semences, phytosanitaires) ne pose pas de difficultés, sauf pour les engrais «de fond» (phosphore, potasse …). Ceux-ci sont assez souvent apportés en «fumure bloquée» pour deux ou trois ans sur la tête d’assolement. Le risque est alors de comptabiliser la totalité des charges correspondantes sur cette seule culture, alors qu’il faut la répartir au prorata des exportations de chaque culture ou plus simplement ne pas les compter dans les charges opérationnelles. La répartition des charges de mécanisation, d’irrigation, de séchage et surtout de temps de travaux, pose plus de difficultés. Dans un souci de simplification, on peut faire l’hypothèse qu’une série de grandes cultures ont des charges de mécanisation et de temps de travaux comparables (plus les charges proportionnelles d’irrigation). C’est le cas des céréales à paille, des protéagineux, du colza…, alors que pour le maïs, la betterave ou la pomme de terre, cette hypothèse n’est évidemment pas valide.

Cinquième règle : ne pas oublier les bonus ! Avec le découplage des aides, le calcul est simplifié. Mais il ne faut pas oublier les compléments d’aide spécifique dont bénéficient les protéagineux et le blé dur. Pour les protéagineux, ce bonus est très simple à intégrer, car constant entre régions et systèmes, à 55,57 E/ha. Un autre bonus, plus spécifique du pois, est celui de la paille, utilisée comme fourrage et comme litière. L’évaluation de l’impact financier est délicate : il faut tenir compte des coûts de ramassage et il n’y a pas de prix de marché publié, car la paille est souvent autoconsommée ou échangée plutôt que vendue. Dans les systèmes de production avec ruminants, ce bonus peut être déterminant et il est indispensable de le comptabiliser si cela est fait pour les céréales à paille.

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