Marché des grains
Agritel alerte sur un possible maintien à long terme du haut niveau de prix des grains
La hausse des prix des grains affecte la rentabilité des éleveurs et producteurs d'aliments pour animaux en France, mais aussi dans le monde. Agritel estime que, dans les pays riches, dont l'Hexagone, le prix de certains produits alimentaires, la viande en particulier, doit monter, « afin de préserver nos filières de production et notre sécurité alimentaire ».
La hausse des prix des grains affecte la rentabilité des éleveurs et producteurs d'aliments pour animaux en France, mais aussi dans le monde. Agritel estime que, dans les pays riches, dont l'Hexagone, le prix de certains produits alimentaires, la viande en particulier, doit monter, « afin de préserver nos filières de production et notre sécurité alimentaire ».
« Les cours redescendront quand deux phénomènes surviendront : une réduction de la demande et une offre qui remonte. Or, nous ne voyons guère pour le moment de signaux de baisse de la demande, et l'offre en grains ne remontera pas avant l'arrivée des nouvelles récoltes », explique Sébastien Poncelet, directeur du développement au sein du cabinet d'analyse Agritel. Autrement dit, les prix risquent de se maintenir à un niveau élevé « au moins jusqu'au printemps prochain [2021] », si ce n'est plus loin, ajoute l'expert.
En pleine crise sanitaire, les pays souhaitent sécuriser leurs approvisionnements en aliments, et notamment en grains, à l'image de la Chine, actuel moteur de la demande mondiale, rappelle le cabinet Agritel. Ceci afin d'alimenter leurs animaux et par ricochet leurs populations.
Seulement 28 jours de réserves de blé dans l’UE, selon l’USDA !
Du côté de l'offre, plusieurs signes d'inquiétudes règnent, source de hausse des prix. « Selon l'USDA, les stocks de blé de fin de campagne 2020/2021 dans l'UE sont très bas (11,1 Mt), soit seulement 28 jours de consommation, alors que par le passé, quand les récoltes étaient moins bonnes, nous ne tombions jamais sous les 30 jours de consommation », alerte Sébastien Poncelet. Ce qui fait penser à l'analyste que les Européens pourraient « rationner la demande ». Autrement dit, les européens pourraient faire monter leurs prix et ne plus être compétitifs pour exporter. C’est, par exemple, ce que fait la Russie, avec l’annonce de ses taxes à l’export sur le blé tendre.
Attention au risque de « winter kill » en Russie
Les surfaces de blé tendre sont certes en hausse dans plusieurs bassins de production du monde : l'UE, les Etats-Unis, la Russie..., rappelle Agritel. Mais des inquiétudes subsistent quant à la nouvelle récolte. La sécheresse en Russie a pénalisé les cultures, et un risque de « winter kill » n'est pas à exclure. La récolte australienne est bonne (30 Mt en 2020/2021, entre 15 et 18 Mt en 2018/2019 et 2019/2020, selon l'USDA) mais ne peut à elle seule nourrir le monde, et la récolte argentine (17,5 Mt en 2020/2021, contre environ 20 Mt en 2018/2019 et 2019/2020, selon l'USDA) a souffert d'un manque d'eau.
Nécessité d’accumuler plusieurs bonnes récoltes mondiales
Autre élément à prendre en compte : « les stocks mondiaux de début de campagne 2021/2022 ne devraient pas être très élevés. Afin de faire baisser la tension sur les marchés et revenir à une situation similaire de lourdeur du marché d’il y a trois à quatre ans, il faudrait accumuler plusieurs bonnes récoltes dans le monde », analyse Sébastien Poncelet. Ainsi, une baisse des prix surviendra forcément, mais le contexte de fermeté pourrait durer. « Nous pourrions constater un arrêt de la hausse des prix. Mais pour avoir une forte baisse, il faudrait accumuler de bonnes moissons. » Le printemps 2021 sera déterminant, période durant laquelle sera fournie une vision plus précise sur les récoltes futures des pays de l’hémisphère Nord.
Côté demande, les solutions de substitution au blé tendre ne sont pas nombreuses pour les éleveurs et fabricants d'aliments pour animaux dans le monde cette année. « En 2018, la récolte mondiale de blé n'avait pas été bonne, mais les éleveurs et fabricants d’aliments se sont davantage tournés vers le maïs pour compenser. Mais cette année, la récolte de maïs n'a pas été mirobolante non plus, réduisant les solutions de substitution », prévient Sébastien Poncelet. La récolte a été mauvaise en Ukraine et en France notamment, celle aux Etats-Unis s'est avérée moins bonne que prévue, pendant que la Chine se montre très gourmande.
Pas de baisse attendue de la demande chinoise à court terme
« Il y a une inconnue au sujet des réserves céréalières chinoises. Mais nous faisons l'hypothèse qu'ils ont un vrai gros déficit en céréales, surtout avec la reconstitution rapide de leur cheptel porcin », explique Sébastien Poncelet.
Agritel ne nie pas l'action des fonds sur les marchés, qui a amplifié la hausse des cours mondiaux des grains. Ce dernier rappelle que leurs positions détenues sur Chicago sont au plus haut depuis dix ans. Cependant, pour le cabinet d'analyse, les fondamentaux sont tendus, et constituent le principal moteur de cette flambée des prix.
Pour que la demande mondiale ralentisse et fasse ainsi pression sur les prix des grains, les possibilités sont les suivantes, estime Sébastien Poncelet : les pays n’ont pas les moyens financiers de se procurer les aliments, et doivent se rationner, comme c’est le cas pour les pays les plus pauvres. Dans les pays riches, « il peut y avoir une baisse de la demande dans les secteurs des biocarburants et de l’élevage, secteurs en difficultés économiques », souligne l’analyste d’Agritel. Mais qui dit baisse de la demande du secteur de l’élevage dit signe d’un effondrement, « susceptible d’affecter la souveraineté alimentaire des pays riches, que ce soit en France ou dans le monde », craint Sébastien Poncelet. L’occasion pour lui de souhaiter « que les distributeurs et leurs consommateurs clients acceptent de payer plus cher leur viande, afin de répercuter la hausse des coûts des matières premières ».
Un possible scénario de baisse de prix à court-moyen terme serait l’adoption par la Chine d’une stratégie dans leurs achats de céréales du type « Stop and go ». « Une hypothèse pour qu’une baisse des prix survienne serait par exemple que la Chine adopte une stratégie d’arrêt de ses achats pendant quelques temps, trois mois par exemple, et reprenne d’un coup ensuite… Mais ce scénario est peu probable selon nous pour l'instant. La Chine est un pays très peuplé et la sécurité alimentaire est au cœur du programme gouvernementale », souligne Sébastien Poncelet.