La prémunition pour vivre avec le court-noué
Les premiers résultats du projet de recherche Vaccivine, basé sur la prémunition au vignoble pour lutter contre le court-noué, sont encourageants. Explications avec Emmanuelle Vigne et Olivier Lemaire, chercheurs à l’Inrae de Colmar.
Les premiers résultats du projet de recherche Vaccivine, basé sur la prémunition au vignoble pour lutter contre le court-noué, sont encourageants. Explications avec Emmanuelle Vigne et Olivier Lemaire, chercheurs à l’Inrae de Colmar.
C’est quoi la prémunition ? Quel intérêt contre le court-noué ?
Olivier Lemaire : La prémunition est une stratégie de lutte biologique qui s’apparente un peu à la vaccination dans la mesure où elle déclenche dans la plante un mécanisme aboutissant à la protection contre les variants pathogènes du virus, grâce à l’inoculation d’un variant sélectionné pour sa faible pathogénicité. Les plantes ainsi prémunies protègent les vignes d’une infection ultérieure par d’autres variants viraux responsables des formes sévères de la maladie. Cette méthode de biocontrôle avait obtenu des résultats contrastés dans des parcelles de vignes expérimentales il y a une dizaine d’années pour lutter contre le court-noué. Elle est à nouveau développée depuis 2018 dans le cadre du projet Vaccivine du Plan national dépérissement du vignoble dans un objectif de mise en place de stratégies biologiques pour lutter contre le virus du court-noué à l’origine d’un dépérissement grave dans les vignobles français. Les nouveaux essais sont basés sur la sélection de variants de virus atténués adaptés au terroir et aux cépages locaux.
Où en est le projet Vaccivine ?
Emmanuelle Vigne : Notre première étape (en cours) est de prélever de nombreux échantillons de feuilles de vigne dans des parcelles atteintes par le court-noué et d’identifier des variants du virus GLFV à l’origine de faibles symptômes et inféodés à un terroir. Nous avons en effet constaté que dans des parcelles très touchées, on pouvait trouver des ceps peu symptomatiques mais qui en fait, après analyse, étaient atteints par des variants du virus du court-noué dits hypoagressifs ou atténués et qui n’entraînent pas de symptômes graves. Ce travail de sélection au vignoble est en cours en Champagne (sur le cépage chardonnay) mais aussi dans la Vallée du Rhône, en Bourgogne (Chablis) et en Alsace. À ce stade, la nouvelle technique du séquençage à haut débit nous permet de détecter et d’identifier rapidement les génomes complets des différents virus. Le variant sélectionné pour la prémunition est alors inoculé à la vigne par greffage hétérologue (entre une plante herbacée infectée mécaniquement par le variant et une vigne saine) avant d’être multiplié. Les ceps ainsi prémunis feront l’objet d’expérimentations locales à partir de 2022 en Champagne, puis en Bourgogne, Alsace et Vallée du Rhône.
La prémunition représente-t-elle un espoir pour vaincre le court-noué ?
Olivier Lemaire : La prémunition est une stratégie de biocontrôle qui ne permettra pas d’éradiquer le court-noué mais de vivre avec dans les zones très touchées en limitant autant que possible l’expression de la maladie et ainsi de restaurer la viabilité économique d’un vignoble très touché. L’objectif à moyen terme (horizon 2030) est de disposer de ceps prémunis avec des variants de GFLV adaptés à chaque terroir et cépages qui pourraient être implantés en remplacement des ceps atteints du court-noué. Preuve de la confiance des pouvoirs publics dans la recherche sur la prémunition pour gérer durablement le court-noué, un concours est ouvert pour recruter un chargé de recherche dont la mission sera l’étude approfondie des mécanismes de prémunition vis-à-vis du court-noué de la vigne. Ces travaux de recherche seront très précieux pour l’avancement du projet Vaccivine et l’implémentation de la prémunition au vignoble.
repères
Plus de 60 % de la surface viticole française est touchée par la maladie du court-noué, causée par le grapevine fanleaf virus (GFLV) qui infecte les vignes et qui est transmis par le nématode du sol Xiphinema index. Le court-noué est une maladie due à la monoculture de la vigne qui engendre des pertes de récolte pouvant atteindre 80 % et une réduction drastique de la longévité des ceps.
Vaccivine est un projet de recherche de l’équipe de virologie et vection de l’UMR SQV du centre Inrae Grand Est-Colmar engagé depuis 2018 avec l’appui de nombreux partenaires : Comité Champagne, Civa, BIVB, IFV, chambres d’agriculture, Moët & Chandon, CNRS-IBMP, région Grand Est.
La prémunition est une technique qui a fait ses preuves dans la lutte contre des maladies virales comme la tristeza des agrumes ou encore la mosaïque du pépino sur tomates.