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« La Banane Française, c’est 5 % de bananes qui ne sont pas dans la bagarre mortifère du prix de la grande distribution »

Pierre Monteux, directeur général de l’UGPBAN, dresse en ce début d’année le bilan de l’année passée et les projets 2025 pour la banane de Guadeloupe et Martinique et sa segmentation en ruban bleu-bleu-rouge.

Une main de bananes enrubannée en bleu blanc rouge, dans un rayon de fruits et légumes de la grande distribution.
La segmentation Banane Française est née en 2015. Photo d'archive.
© Julia Commandeur

Pierre Monteux est directeur général de l’UGPBAN (Union des Groupements de Producteurs de Bananes de Guadeloupe et Martinique) et de sa maison mère le groupe Solveg. Le 21 janvier, il fait le point pour FLD sur l’année passée, et dévoile les projets 2025, en termes d’investissements et d’espoir d’avancée politique, pour la banane de Guadeloupe et Martinique.

Lire aussi : Expansion en Belgique : quel bilan pour la banane de Guadeloupe et Martinique ? [article à paraître]

 

FLD : Quel est le bilan de l’année 2024 pour la banane de Guadeloupe et Martinique ?

Pierre Monteux : 175 600 tonnes de bananes de Guadeloupe et Martinique ont été commercialisées à l’export en 2024, soit quelques 2 000 tonnes de plus qu’en 2023 (173 400 tonnes). A ce niveau d’export stable, il faut aussi y ajouter 5 000 tonnes commercialisées sur le marché local (Guadeloupe, Martinique).

Le marché de la banane en France se porte bien dans l’ensemble. 800 000 tonnes de bananes (toutes origines) y ont été consommées en 2024, dont 20 à 22 % de bananes de Guadeloupe et de Martinique. Nous sommes un produit rare qui a sa place et qui a sa valeur.

A relire : Banane : pourquoi le marché français progresse dans un contexte de baisse mondiale ?

Nous avons observé une très belle année en termes de valorisation puisque les volumes commercialisés de la Banane Française [segmentation de la banane de Guadeloupe et Martinique, une banane premium vendue enrubannée bleu-blanc-rouge, à un prix fixé selon le nombre de doigts et négocié plus valorisant, NDLR] ont encore progressé, à 40 000 tonnes. La Banane Française représente désormais 5 % du marché français (et près de 25 % des volumes de l’UGPBAN). C’est 5 % de volumes qui sortent de la bagarre mortifère du prix dans la grande distribution.

Autres volumes qui sont valorisés hors de la guerre des prix : ceux à destination de la RHD, 20 000 tonnes en 2024. C’est une belle croissance permise par la loi Egalim, qui oblige la restauration à servir 50 % de produits durables et de qualité : le logo RUP [Régions Ultrapériphériques d’Europe] est reconnu dans la liste des produits concernés. Et je pense qu’on peut continuer à croitre sur ces réseaux  grossistes.

« La Banane Française mais aussi la “banane Egalim” sont valorisées hors de la guerre des prix de la grande distribution »

 

Quels sont les projets 2025 pour la banane de Guadeloupe et Martinique ?

Pierre Monteux : Nous avons deux gros chantiers dans ces temps de brouillard politique.

Au niveau de l’aval, pour accompagner le développement de cette segmentation dynamique qu’est La Banane Française, des investissements sont prévus à Dunkerque afin de renforcer et réorganiser l’atelier de confection de la  Banane Française. Aujourd’hui nous n’avons que 3 lignes pour cette banane. La réflexion est en cours. Pour La Banane Française, l’ambition serait d’atteindre 50 000 tonnes commercialisées d’ici deux-trois ans

Côté amont, nous espérons le déblocage du dossier sur les drones. Si ce dossier aboutit, cela induira un gros chantier d’investissements. Pour mémoire, nous demandons, à l’instar d’autres filières agricoles, l’autorisation des drones pour traiter nos bananeraies. Les drones, qui garantissent traçabilité et réduction de la pénibilité du travail*, nous permettraient de réorganiser la lutte contre la cercosporiose noire [maladie fongique majeure du bananier, NDLR], de la faire en collectif et non plus à l’échelle du producteur isolé. Nous avions le soutien des politiques mais la dissolution puis la censure ont tout retardé

Et une fois la loi votée, il faudra encore attendre les décrets interministériels, la réhomologation des produits pour de l’aérien, la cartographie des bananeraies, le recrutement sur les exploitations (deux personnes par drone : le pilote et le chargeur de produits phytosanitaires), les investissements dans le matériel, les camions, etc.

* Rappelons que les bananeraies aux Antilles se trouvent souvent sur des terrains accidentés, en pente, compliquant le travail des producteurs et salariés agricoles, NDLR.

A relire : Salon de l’Agriculture 2024 : la Banane Française est en danger, que demande-t-elle à l’Etat ?

 

Est-ce que les producteurs de Guadeloupe et Martinique peuvent vivre de la banane ?

Pierre Monteux : Les producteurs vivent mal. Nombreux d’entre eux ont des difficultés de trésorerie. Aujourd’hui, ça coûte une fortune de faire de la banane. Les coûts de revient ont augmenté, et il faut noter que les charges fixes sont aussi très importantes pour le producteur (plus de 65 % du coût de revient).

A relire : La banane a pris durablement le virage de la durabilité, mais à quel prix ?

De l’autre côté, la grande distribution, en France comme en Europe, réclame des certifications mais elle ne paye pas. Notre réseau, avec toutes nos segmentations (banane de Guadeloupe et Martinique, Banane Française, banane Egalim), collabore avec certaines enseignes plus attentives que d’autres sur la valorisation. Mais lorsque l’on sort de ça, il n’y a que le prix qui compte. La banane reste très bataillée par les enseignes et peu rémunératrice pour les producteurs. Si les distributeurs augmentaient le prix de +0,15 € le kilo, je ne pense pas ça impacterait la consommation de banane. Mais la banane reste le produit d’appel par excellence, celui qui vient de l’autre bout du monde.

Lire aussi : La banane, fruit préféré des Français, est-elle toujours l’un des fruits les moins chers du rayon ?

 

Comment soutenir les producteurs antillais ?

Pierre Monteux : Il nous faut un soutien des pouvoirs publics. Ce n’est pas qu’une question d’argent.

Nous demandons surtout une accélération de prise de décision sur certains dossiers à enjeu : celui des drones, celui des NGT, celui de la simplification des normes.

Car l’investissement est en forte baisse dans notre filière. Il faudrait pourtant renouveler la sole bananière. Les pourcentages de replantation sont très faibles depuis quelques années : nous sommes à 5-8 % de surfaces replantées alors qu’idéalement nous devrions être à 15 %. Les producteurs laissent leurs bananeraies en place plus longtemps. Ils font aussi des impasses sur les amendements. Résultat : les bananiers sont fatigués, le rendement est impacté, la qualité des bananes aussi.

« Les bananiers sont fatigués, le rendement et la qualité des bananes en sont impactés »

La banane de Guadeloupe et Martinique traverse un long tunnel de production tournant autour des 180 000 tonnes par an, loin des 250 000 tonnes d’il y a 15 ans. La dernière grande année où la banane de Guadeloupe et Martinique a dépassé les 200 000 tonnes a été 2015. La Guadeloupe et la Martinique ont ensuite subi des cyclones ravageurs en 2016 et en 2017 qui ont impacté durablement la bananeraie antillaise, et une pression accrue de la cercosporiose noire avec toujours moins d’éléments de traitements autorisés à notre disposition.

 

Si tous les astres étaient alignés et que la production antillaise retrouvait des niveaux de production conséquents, l’UGPBAN pourrait-elle réussir à commercialiser et valoriser ces volumes supplémentaires ?

Pierre Monteux : Aujourd’hui dans un contexte d’inflation, il y a quand même une frange de la population qui est prête à payer plus cher une banane de qualité

A relire : Banane : quelle est la marque de banane préférée des Français ?

Aujourd’hui c’est la disponibilité en volumes de qualité qui nous freine. Demain en ayant 40 000 tonnes des Antilles en plus, avec la qualité adéquate, je n’ai aucune inquiétude quant à leur valorisation en linéaire. Monter en production à 300 000 tonnes, non. Mais atteindre 220 000 tonnes en production ne poserait aucun problème sur le marché. 

« Atteindre 220 000 tonnes de bananes de Guadeloupe et Martinique ne poserait aucun problème sur le marché »

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