Julien Cesbron veut rester un éleveur de poulet bio à taille humaine
En dépit de leur faible volume unitaire, les éleveurs en bio comme Julien Cesbron jouent un rôle important pour défendre l’image d’une production locale recherchée par certains consommateurs.
En dépit de leur faible volume unitaire, les éleveurs en bio comme Julien Cesbron jouent un rôle important pour défendre l’image d’une production locale recherchée par certains consommateurs.
Installé à Chanzeaux, petite commune située à une trentaine de kilomètres au sud d’Angers, Julien Cesbron représente assez bien l’état d’esprit de beaucoup d’éleveurs bios pour lesquels l’autonomie (vis-à-vis des intrants) et l’indépendance économique (vis-à-vis des tiers amont ou aval) sont des principes fondateurs de leur engagement. Aucun d’entre eux n’est semblable et comparable car chacun essaie de tirer le meilleur parti de sa propre situation sans s’imposer un modèle. En revanche, leurs valeurs sont communes. « Il ne s’agit pas de produire ‘sans’, mais de produire ‘avec’, résume Julien. C’est-à-dire avec de la qualité, du goût et une éthique qui donnent du sens à mon travail dans le respect d’un équilibre entre l’animal, l’environnement et moi qui les élève. »
Être polyvalent et organisé
Installé depuis dix ans, après avoir été sept ans chez Biocoop dans les fruits et légumes, Julien a succédé à son père sur une ferme de 60 hectares déjà bio. Avec une salariée à temps partiel, il produit 3 500 poulets et 1 000 pintades par an, plus quelques dizaines d’oies à rôtir pour les fêtes. Il détient aussi 25 vaches limousines pour la viande. En dépit d’équipements amortis depuis longtemps, son système est techniquement et économiquement bien rodé. Technicien en productions végétales de formation, Julien ne veut pas perdre du temps et de l’argent, sachant que la polyvalence a été son choix, de la production à la commercialisation. « Chaque mois, je mets en place un lot d’environ 400 volailles, sauf pour l’été. Ce sont des poulets roux à pattes blanches de souche label rouge que je vends à partir de 110-120 jours. Mes clients préfèrent les grosses pièces et pour l’instant, je n’ai aucune demande de découpe. » La vente se déroule sur deux semaines. « Le lundi, j’appelle les particuliers, les quatre Amap et les six magasins Biocoop du secteur d’Angers, plus quelques restaurateurs, pour fixer le volume à abattre le jeudi (pour 2 euros la tête) chez un « gros » producteur (35 000 têtes par an) équipé d’un abattoir. Le samedi midi, les ventes couplées avec la viande bovine sont terminées. Je n’ai pas de perte. » Les particuliers viennent se servir à la ferme, mais il livre aussi, moyennant un surcoût symbolique de 30 centimes du kilo. Au total, il dessert environ 300 clients venus par bouche-à-oreille, à l’exception des magasins qu’il a démarchés.
Maîtriser son alimentation donc ses coûts
La production est réalisée dans des anciens corps de ferme, en prenant soin de séparer pintades et poulets, ainsi que les âges. Julien dispose de trois « salles » d’élevage de 40 m2 (des stabulations à taurillons transformées) qu’il a équipé d’une distribution automatisée d’aliment depuis deux ans, ce qui réduit considérablement la manutention. Bien entendu, il fabrique son aliment, à l’exception de celui du démarrage. Il est autonome en matières premières, sauf en tourteaux. « La maîtrise technique et économique de l’alimentation, c’est le point principal qu’il faut avoir en tête, avec également la phase de démarrage. À la fois pour la santé des volailles, pour la qualité finale du produit, pour la satisfaction du client et pour mon résultat économique. Je réalise un chiffre annuel global de 120 000 euros et j’en vis bien. » Il estime avoir atteint son niveau d’équilibre. Sans les vaches, il lui faudrait vendre 7 000 à 8 000 volailles. « Je pourrais faire plus, mais ce serait au détriment de la qualité et de mon éthique et je serais pris dans un engrenage : embaucher, agrandir la surface, investir, faire du commercial… j’aurais l’impression de sortir de mes valeurs. Je veux continuer à faire du beau poulet. »
Cohérence, transparence et confiance
Julien Cesbron aurait aussi pu se contenter de produire du poulet non bio et l’aurait sans doute vendu aussi bien. « J’ai beaucoup de clients qui achètent pour le goût, pour le respect de l’animal et de l’environnement, parce qu’ils n’ont plus confiance dans le poulet de la GMS et pas forcément parce que c’est bio. » L’éleveur y est néanmoins très attaché et fait partager son enthousiasme, à commencer par ses clients. « La garantie, c’est moi. Mes clients voient comment je travaille et ils ont le résultat dans leur assiette. » L’éleveur vend ses poulets à 9,2 euros le kilo, en veillant à ne pas dépasser le seuil psychologique des 10 euros. « Le prix n’est jamais un sujet de discussion. Ils sont juste attentifs à ce qu’ils mangent une ou plusieurs fois par mois. » Julien Cesbron est très optimiste avec un marché ayant du potentiel. « Il y a encore de la place pour s’installer en vente directe, mais jusqu’à quand ? Actuellement, nous sommes collègues et pas concurrents. On s’échange même des clients. Peut-être qu’un jour, il nous faudra réfléchir à travailler ensemble pour organiser nos débouchés. Pour ma part, j’essaie de concentrer mes ventes géographiquement afin de réduire les coûts et l’empreinte carbone. »