Contractualisation
Vers un allongement des contrats de vente des grains
Depuis 2007, les organismes de collecte
ont enrichi leur offre contractuelle. Mais l’heure est à davantage
de sérénité et à une plus grande transparence commerciale,
et des demandes de contrats pluriannuels se font jour.
La relation commerciale entre les agriculteurs et les organismes de collecte a considérablement évolué ces dernières années. Les agriculteurs ne veulent plus que le prix de leurs grains soit le résultat d’une « boîte noire » sur lequel ils n’ont aucune prise. Cette demande a poussé les OS à étoffer leur offre sur les modalités de contractualisation pour la vente de céréales. Le déclic a eu lieu en 2007 : le taux de vente au prix ferme a atteint 46 % de la collecte de blé tendre au niveau national dans les coopératives. « Nous observons depuis cette date une volatilité du comportement des agriculteurs qui suit celle des cours, commente Anne-Laure Paumier, analyste des marchés à Coop de France.
Si, au départ, seuls les contrats au prix ferme éventuellement complétés par une couverture sur le marché à terme étaient contractualisés, nous nous sommes rendus compte que les agriculteurs considéraient que le blé vendu au prix de campagne était moins bien valorisé que celui vendu au prix ferme. C’est pourquoi nous incitons les coopératives à tout contractualiser et à obliger les agriculteurs à se positionner vis-à-vis de tel ou tel système de prix. Passée une date, c’est le prix de campagne qui s’applique. » Selon Denis Courzadet, responsable des marchés chez Axéréal, la demande de contractualisation émane à la fois des acheteurs et des agriculteurs… mais pas au même moment, selon que le marché monte ou descend !
INTÉRÊTS DIVERGENTS
« Le rôle de l’OS est d’expliquer aux deux parties l’intérêt d’engager un contrat à court ou moyen terme pour assurer un débouché à l’un et un approvisionnement à l’autre, en leur donnant la liberté de fixer leur prix, souligne-t-il. Après avoir testé pendant quatre ans la vente au prix de marché, les agriculteurs recherchent aujourd’hui des modalités de vente plus sécurisantes. Mais ils nous demandent d’avoir un droit de regard sur la politique commerciale de la coopérative et sur les marchés. » Pour Anne-Laure Paumier, le développement des contrats a fait évoluer favorablement les relations entre les adhérents et leur coopérative en apportant plus de transparence. « La contrepartie, c’est une moindre mutualisation entre agriculteurs et entre petites régions sur le territoire d’une coopérative », regrette-telle.
DÉBOUSSOLÉS PAR LA VOLATILITÉ
Aujourd’hui, une demande de contractualisation pluriannelle de la part des acheteurs, meuniers et plus timidement fabricants d’aliments, se fait jour. « Avec son contrat pluriannuel, Diester Industrie a donné le ton, considère Denis Courzadet. Les agriculteurs y sont sensibles. Nous proposons des contrats triennaux sur le colza ainsi que sur l’orge de brasserie et ça démarre sur le blé tendre. » Il s’agit de contrats pluriannuels sur les débouchés, mais pas sur les prix. Soufflet Agriculture a été précurseur en proposant aux agriculteurs un contrat triennal dès 2010 avec un prix minimum garanti. « Les agriculteurs sont déboussolés par la volatilité des cours. Dans un marché évoluant de 90 à 300 euros la tonne en dix-huit mois, chaque agriculteur doit trouver ses propres points de repère à sa commercialisation, explique Cyril Ponsin, en charge des marchés à terme chez le géant du négoce. Nul ne peut prétendre connaître l’évolution future des cours du blé. La seule solution est d’avoir une approche économique sur son exploitation et de fixer ses marges régulièrement, surtout lorsque le marché est au-dessus de son seuil de commercialisation. »
Soufflet Agriculture a mis au point début 2010 un contrat de vente sur trois ans pour le moins original. « Ce contrat permet à l’agriculteur de fixer un prix minimum de vente tout en profitant d’une hausse éventuelle sur le marché à terme », explique Cyril Ponsin, en charge des marchés à terme. L’agriculteur connaît son prix minimum de vente sur les trois ans, il ne lui reste qu’à optimiser ses ventes en faisant des fixations en référence au marché Euronext. Ces optimisations peuvent être réalisées sur toutes ou partie des trois campagnes visées. « Le système est très souple, insiste-t-il. Pour les premiers contrats triennaux blé tendre que nous avons proposés en janvier 2010, le prix minimum était de 118 euros/tonne net base juillet, et beaucoup d’agriculteurs l’ont transformé au final en une vente comprise entre 180 et 200 euros/tonne net, (sans appel de marge, ni option à payer) pour les campagnes 2011, 2012 et 2013. » Pendant l’automne 2010, les contrats triennaux étaient signés avec un prix minimum situé entre 145 et 160 euros/tonne. Soufflet propose ce produit sur le blé tendre, le colza, le maïs et l’orge de brasserie.