Innovations dans les techniques de semis
Semis de colza : tout un art !
Couverts associés, modulations des densités et dates de semis, variétés en mélanges, techniques d’implantations adaptées... il y a différentes façons de semer son colza et de le préparer à bien passer l'hiver.
Cela sonne comme un adage. « Plus de 50 % de la réussite du colza se joue à l’implantation », entend-on régulièrement. En effet, un objectif est d’amener les plants de colza à un bon état de développement à l’entrée de l’hiver. L’agriculteur joue sur plusieurs tableaux et il innove, ne serait-ce que dans les techniques d’implantation, du labour au semis direct. Même sur les dates de semis et les doses de graines, l’agriculteur est en mesure de moduler pour trouver la densité optimale de plantes qui supporteront la rigueur hivernale. Les mélanges de variétés ne sont pas une difficulté surtout si cela doit contribuer à obtenir des rendements plus réguliers.
Enfin, technique en développement, les plantes compagnes associées au colza doivent permettre à la culture de préparer au mieux la phase de montaison à la sortie de l’hiver tout en permettant des économies d’intrants. La campagne en cours est-elle celle de l’épreuve du feu pour les cultures compagnes ? Basée en particulier sur le semis de légumineuses avec le colza, la technique d’implantation de ce couvert vise à concurrencer les mauvaises herbes, à structurer le sol et à apporter de l’azote à la culture.
Colzas et lentilles semés séparément
À Courcelles dans le nord de la Nièvre, Michaël François a choisi la lentille comme espèce associée au colza. « J’ai essayé cette solution sur 8 hectares en 2010-2011 et je l’ai adoptée sur 30 % de mes colzas l’année suivante. Dans notre secteur et nos sols limoneux, nous avons une pression de géraniums assez importante et, avec le couvert associé de lentilles, j’espérais améliorer la gestion des adventices tout en économisant en herbicides. » L’agriculteur sème ses lentilles (25 kg/ha) et ses colzas en deux fois, à trois ou quatre jours d’intervalle et en croisant les passages de semoir (combiné dent et disque pour travail simplifié du sol). « Je cherchais une bonne qualité de semis pour le couvert en semant un peu plus profondément que le colza et pour une couverture intégrale de la surface de la parcelle. » Les deux années (récoltes 2011 et 2012), Michaël François a appliqué les mêmes doses d’herbicide : Novall en deux applications à 0,6 litre/hectare espacées de dix jours contre 1 litre/hectare de ce produit et
2 litres/hectare de Springbok sur le reste de ses colzas conventionnels. « Mes parcelles avec lentilles se sont avérées aussi propres que mes colzas classiques, observe-t-il. La deuxième année, il y avait quelques pieds de géraniums qui traînaient ça et là, sans doute à cause d’un couvert qui s’était moins bien développé. » Les lentilles ont été détruites intégralement par le gel. « Avec des températures à – 10 °C ou – 15 °C dans notre secteur, nous n’avons pas de souci de destruction. » Michaël François a tiré profit des lentilles en réduisant ses apports azotés de 15 unités à l’hectare pour obtenir des rendements équivalents aux colzas menés en conduite classique.
Lentille, fenugrec et colza dans le même semoir
Même département à 80 kilomètres plus au sud. Chez Philippe Rameau à Saint-Parize-le-Châtel, les sols argilo-calcaires hétérogènes accueillent les cultures telles le colza. L’agriculteur laboure ses terres. Comme plantes compagnes de ses colzas, il choisit un mélange de légumineuses : lentille + fenugrec avec 15 kilos à l’hectare de graines de chacun mélangées à 4 kilos de semences de colza, le tout semé en même temps. Il a à cœur d’économiser la charge engrais avec des unités d’azote de plus en plus coûteuses. « Je mets systématiquement 30 unités en moins sur ces colzas — 5 hectares en 2010-2011, 10 hectares l’année suivante. Et en herbicides, j’ai appliqué 1 litre par hectare de Novall. Sur les colzas classiques, je traite en présemis avec de la napropamide et en post-semis avec Novall à 1,5 litre par hectare », précise Philippe Rameau. La première année, il note une bonne levée du couvert. « C’était la forêt vierge en octobre, d’où un bon effet d’étouffement sur les adventices. Le couvert a été détruit en décembre par le gel et en février la campagne suivante. » En 2011, les rendements du colza ont été décevants avec entre 18 et 19 quintaux à l’hectare. « Sur nos terres peu profondes, nous avons subi la sécheresse de plein fouet. Tous les colzas ont été à la même enseigne, remarque-t-il. En 2012, la production a été satisfaisante avec jusqu’à 29 quintaux/hectare sur les terres les plus profondes. »
Lors de la campagne en cours, les semis ont été quelque peu délicats pour cause d’une sécheresse persistante.
Mauvaises levées à l’automne 2012
Comment ont réagi les couverts de légumineuses et les colzas ? Pas de miracle. « Pour cette année, j’avais choisi de changer de plantes compagnes pour viser un meilleur effet azote : un mélange lentille + gesse et une association commercialisée par Jouffray-Drillaud (trèfle d’Alexandrie, vesces commune et pourpre), témoigne Michaël François. Le mélange n’a pas levé convenablement. Il n’y a pas eu d’effet de couverture sur les adventices, ce qui s’est traduit par une importante infestation en géraniums. J’ai réalisé un désherbage à base de Chrono, ce qui a grillé le couvert… »
Michaël François est très amer compte tenu de l’investissement en semences du couvert. Il s’interroge sur la prochaine campagne. « Avec les conditions de sécheresse, nous avons attendu des prévisions de pluie avant de semer ce qui nous a emmené à la date tardive du 8 septembre. À mon sens, pour la réussite d’une levée de couvert à base de légumineuses, il vaut mieux toujours les semer tôt. » L’agriculteur préfère retenir la réussite des deux années antérieures pour décider des prochains semis.
Philippe Rameau a rencontré les mêmes difficultés. « J’ai semé tous mes colzas avec le mélange fenugrec + lentille en deux temps : les parcelles les plus superficielles fin août et le reste seulement le 20 septembre en attendant l’arrivée des pluies. Les deux semis ont levé en même temps, début octobre, avec un colza bien développé mais les adventices aussi compte tenu d’un couvert non efficace qui a végété à 2-3 feuilles. »
Réduction des doses d’azote
Les plants de lentille et de fenugrec étant malgré tout présents, Philippe Rameau a réduit sa fertilisation azotée de 30 unités. Mais les légumineuses ont passé sans encombre l’hiver trop doux et l’agriculteur n’a pu les détruire au Lontrel ensuite. Le couvert est toujours présent au pied du colza et l’agriculteur se pose la question des répercussions sur la récolte prochaine. De cette année particulière, il tire une leçon : « en année sèche, il faut semer le colza seulement avec une prévision de pluie derrière, même si cela doit être tardif. Mais dans ce cas, il faut augmenter la protection herbicide et la question se pose de l’intérêt d’un couvert associé. » Soucieux d’économiser les intrants, Philippe Rameau compte bien, malgré tout, renouveler la stratégie des plantes compagnes aux prochains semis.
Pour en savoir plus
Voir le dossier complet de Réussir Grandes Cultures de juin 2013, n°270, p.36 à 47.
- p. 40 - Les mélanges régularisent les rendements
- p. 42 - Une souplesse de semis dans une étroite fenêtre
- p. 44 - Le colza s’accommode du non labour