Semences : une « baisse préoccupante » du nombre d’agriculteurs multiplicateurs
La filière semences reste rémunératrice et dynamique, mais le nombre d’agriculteurs multiplicateurs diminue et les surfaces s’érodent dans des contextes économique, réglementaire et climatique difficiles.
La filière semences reste rémunératrice et dynamique, mais le nombre d’agriculteurs multiplicateurs diminue et les surfaces s’érodent dans des contextes économique, réglementaire et climatique difficiles.
Le secteur des semences reste très dynamique en termes de production et d’économie, énonce Pierre Pagès, président de Semae, l’interprofession des semences et plants, en introduisant sa conférence de presse annuelle ce 10 décembre. La France est toujours en 2024, le premier producteur européen et le premier exportateur mondial de semences de grandes cultures, avec une balance commerciale qui atteint 1,29 milliard d’euros. En 2023-2024, les exportations sont en hausse de 6 % par rapport à 2022-2023 et représentent 59 % du chiffre d’affaires du secteur, avec une part majoritaire de maïs et sorgho. Et les semences, c’est aussi 11 000 emplois dans les entreprises de sélection et de production.
Des cultures semencières très techniques confrontées à une baisse des moyens de production
Mais la filière présente néanmoins des fragilités en cette fin de campagne 2024. Pierre Pagès parle d'abord d’une « baisse continue du nombre d'agriculteurs multiplicateurs » depuis trois ans, avec 17 194 producteurs en 2022 contre 16 636 en 2024. « Les multiplicateurs manquent de perspective », estime-t-il, dans un contexte économique difficile, avec des charges de personnels importantes et des moyens de production qui se restreignent. Il cite notamment le retrait de nombreuses matières actives, avec l’exemple du S-métolachlore qui impacte les itinéraires techniques en maïs semence.
À cela s’ajoute les effets du changement climatique avec l’apparition de nouveaux ravageurs, de nouvelles maladies, poursuit François Desprez, vice-président de Semae, et des difficultés d’accès à l’eau dans certaines régions. Ce dernier évoque un risque de perte de compétitivité des semences françaises à l’exportation, et la crainte d’une délocalisation de certaines productions vers des pays où les solutions techniques existent. Pierre Pagès évoque alors le fort développement de la production semencière en Ukraine.
Une dépendance à l’export qui impose de maintenir la compétitivité de la filière semences
Dans ce contexte, les surfaces de semences et plants ont diminué de 2 %, entre 2023 (381 973 ha) et 2024 (374 773 ha). Les hectares de céréales à paille restent assez stables, alors que les surfaces de maïs ont diminué en raison d’un « rééquilibrage du marché », comme celles de tournesol, en lien avec la fermeture progressive du marché russe. Les importations russes en semences de tournesol sont ainsi passées de 50 millions d’euros (M€) pour la France en 2023, à 9 M€ en 2024 et risquent de tomber à zéro en 2025, craint Pierre Pagès. Autre exemple, l’Algérie, qui boycotte les plants de pommes de terre français depuis le soutien du président Macron au plan d’autonomie marocain pour le Sahara occidental. C’est une perte de 15 000 tonnes de plants de pommes de terre qui doivent être jetés ou envoyés en alimentation animale car ils ne se stockent pas.
Les conséquences sont, dans les deux cas, des baisses du besoin de production et moins de contrats pour les agriculteurs multiplicateurs. Il faut donc conquérir de nouveaux marchés et pour cela préserver l'excellence française : renouveler les générations est un enjeu majeur pour relever les défis de demain. « Le travail de multiplicateur est très technique. Un gros travail a été enclenché par l’interprofession sur le sujet de la formation dans le but d’expliquer le métier et attirer les jeunes », assure le président de l'interprofession.