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Revenu agricole : pourquoi faut-il suivre de près les charges de son exploitation ?

La dernière décennie est marquée par les fortes variations de rendement et la volatilité des prix. Maîtriser les charges engagées à l’hectare pour produire devient une nécessité pour piloter sa stratégie et dégager du revenu chaque année.

<em class="placeholder">Young agronomist man standing in a golden wheat field with tablet and checking quality while combine harvester working behind.</em>
Suivre son coût de production permet à court terme de piloter ses ventes et à moyen terme de s'assurer de la pérennité de son exploitation.
© Dusan Petkovic - stock.adobe.com

Depuis les années 2010, la montée en puissance des aléas climatiques et économiques en grandes cultures oblige les producteurs à suivre de près les charges de leur exploitation. Avant cela, la motivation n’était pas toujours au rendez-vous. Celui qui ne se penchait pas sur ses chiffres obtenait généralement de moins bons résultats, mais restait dans le vert et parvenait à dégager un revenu suffisant la plupart du temps.

« Aujourd’hui, le suivi de son coût de production s’avère indispensable pour piloter sa stratégie de commercialisation et d’exploitation de manière plus générale », estime Oscar Godin, chargé d’études économiques chez Arvalis. « Plus le contexte est chaotique, plus les écarts se creusent », confirme Sylvain Jessionesse, fondateur et gérant de Piloter sa ferme.

Mettre ses chiffres à plat

Premier enjeu, avoir un tableau de bord des charges pour suivre la rentabilité de son exploitation et évaluer sa capacité à dégager du revenu. « Le revenu d’un agriculteur dépend de trois paramètres : les dépenses engagées à l’hectare, les volumes récoltés et la valorisation de la récolte », rappelle Sylvain Jessionesse.

Pour connaître ses chiffres, on peut commencer par se pencher sur sa comptabilité, pour faire le point sur les charges et les produits de chaque atelier. Les charges se décomposent entre les charges opérationnelles (engrais, phytos, semences, GNR…), les charges de structures (mécanisation, assurances, fermage, bâtiment, frais financiers, salaires…), ainsi que les charges supplétives qui prennent en compte la rémunération du chef d’exploitation. Le tableur reste l’outil le plus simple à mettre en œuvre. L’institut technique Arvalis propose deux calculettes gratuites, ImpactCoutProduction et ImpactCharges, qui permettent de se familiariser avec la démarche.

Connaître son besoin de chiffre d’affaires

C’est une première base pour faire un point de situation, mais ça ne suffit pas. Pour Sylvain Jessionesse, « piloter l’exploitation avec les chiffres du passé, c’est comme conduire une voiture dans le brouillard ». C’est pourquoi il considère que pour adopter la bonne stratégie et prendre des décisions éclairées, mettre en place un prévisionnel et se fixer des objectifs est un préalable. « L’enjeu est de connaître son besoin de chiffre d’affaires pour payer les charges, les annuités d’emprunts et rémunérer le travail de l’agriculteur », estime-t-il. On pourra ensuite suivre l’impact de ses décisions par rapport à l’objectif fixé.

C’est aussi un moyen de se comparer à des références. « On peut ainsi voir à quel niveau se situe son exploitation et détecter les endroits où on accuse des écarts », explique Oscar Godin. Il faudra bien sûr veiller à comparer ce qui est comparable. La méthode de calcul doit être la même et la comparaison doit se faire à conditions pédoclimatiques équivalentes. Une étude menée par Arvalis entre 2019 et 2021 montre qu’entre les 20 % d’exploitations qui ont le coût de production en blé tendre le plus élevé et les 20 % qui ont le plus faible, l’écart de charges est 100 euros la tonne (€/t), tous postes confondus. La différence s’élève à 50 €/t pour la partie charges de mécanisation et de main-d’œuvre et à 25 €/t environ pour les intrants. Même si ces chiffres datent d’avant l’inflation, ces écarts existent toujours.

Avoir des dépenses à l’hectare en cohérence par rapport à son contexte

Optimiser ses dépenses engagées à l’hectare ne signifie pas forcément un montant le moins élevé possible. Elles doivent surtout être cohérentes par rapport à la région dans laquelle on se situe, au potentiel de ses sols, si on a accès à l’irrigation ou non… « On peut se permettre d’engager plus à l’hectare si on sait que les rendements vont être bons », souligne Oscar Godin. La surface de l’exploitation entre aussi en ligne de compte. « En Bourgogne-Franche-Comté, on constate que les exploitations qui décrochent sont celles qui présentent des charges de mécanisation trop élevées au regard de leur surface », illustre Mathilde Schryve du Cerfrance Bourgogne-Franche-Comté. Elle constate aussi que les exploitations qui obtiennent des résultats négatifs ont, en moyenne, des surfaces plus importantes que celles ayant des résultats positifs (même si, bien sûr, toutes les grandes exploitations ne décrochent pas). « Quand on a une grande surface dans des régions à potentiel moindre, on peut bien réussir, mais on peut aussi plus facilement échouer, il y a un effet démultiplicateur », résume la responsable.

Évaluer la résilience de l’exploitation

Connaître son niveau de charges est un moyen d’évaluer la robustesse de son système d’exploitation. Au regard des prix de vente actuels du blé tendre, l’exploitation qui a un coût de production de 180 €/t pourra se permettre des incidents de parcours avec de moins bons rendements ou une baisse des cours, car son seuil de commercialisation sera plus rapidement atteint. Celle qui affiche un coût de production de 250 €/t aura besoin d’un rendement correct et de meilleurs prix pour couvrir ses charges. « Il est important d’évaluer son niveau de compétitivité et de résilience, c’est-à-dire sa capacité à créer de la valeur et à résister aux aléas climatiques et économiques », précise Sylvain Jessionesse.

L’implication dans les chiffres de son exploitation permet ensuite de détecter les marges de manœuvre pour maîtriser ses charges. C’est d’autant plus vrai pour les nouveaux installés qui supportent souvent des niveaux d’annuités importants. Les jeunes agriculteurs ont intérêt à s’impliquer dans l’étude prévisionnelle de leur système et à connaître leur coût de production. « Les exploitations les plus performantes s’impliquent dans au moins deux de ces trois domaines : l’agronomie, la mise en place d’un tableau de bord pour suivre ses charges et la prise en main de la partie commerciale avec une bonne connaissance du marché », assure Sylvain Jessionesse.

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