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Moisson 2024 : des rendements très décevants sauf dans le sud

La météo continue à faire des siennes et les moissons se déroulent dans des conditions difficiles. Rendements faibles, qualité moyenne, cette récolte de blé tendre est annoncée comme l’une des trois plus faible de ces vingt dernières années. Seul le sud semble tirer son épingle du jeu.

Moisson des blés dans les plaines de la Marne.
De 64 q/ha pour Arvalis et Intercéréales à 69,9 q/ha pour Agreste, les estimations du rendement moyen en blé tendre sont difficiles à faire cette année.
© J.-C. Gutner

Des prévisions de récolte basses pour la moisson 2024 et sans doute surévaluées

Avec une prévision à 29,65 Mt selon Agreste, la récolte française de blé tendre ne dépasserait pas les 30 Mt, pour la troisième fois seulement en vingt ans (après celles de 2016 et 2020). Ce niveau de production pour la moisson 2024, en repli de 15,4 % par rapport à 2023, correspondrait à un rendement moyen de 69,9 q/ha. Mais pour Benoît Piétrement, président du Conseil spécialisé grandes cultures de France AgriMer, « on sera sans doute en dessous ». C’est ce que semblent penser Arvalis et Intercéréales qui ont prévu eux, une récolte plutôt proche des 27 Mt, avec un rendement moyen à 64 q/ha.

Concernant le taux de protéine, il s’élèverait en moyenne à 11,6 % selon Arvalis, un chiffre stable par rapport à l’an dernier, et proche de la moyenne établie sur les dix dernières années. « La qualité n’est pas très bonne mais elle n’est pas si mauvaise que ça, souligne Benoît Piétrement, qui est aussi président de la coopérative Novagrain (Marne). Mais on est vraiment très déçus par les orges d’hiver, il nous manque 20 % par rapport à une année normale ». D’après Agreste, la récolte d’orge, se situerait à 11,29 Mt, en baisse de 8 % par rapport à 2023, dont 8,024 Mt de variétés d’hiver (-17,2 % par rapport à 2023) et 3,266 Mt de printemps (+ 26,1 % par rapport à l’an passé).

Les premières remontées confirment la faiblesse des rendements de la moisson 2024

Selon nos confrères d’Agrapresse, Christophe Vinet, directeur des productions végétales de la Cavac en Vendée, parle d’une récolte « encore pire que 2016 ». « Les rendements sont attendus en baisse de 30 à 50 % ». Et côté qualité aussi, l’inquiétude est palpable. « Les premiers PS mesurés sont faibles, tout comme les taux de protéines ». Le bilan de la moisson 2024 est le même pour les colzas et les orges qui, eux, sont désormais tous récoltés. Déception également à la pesée pour les premiers blés récoltés en Charente-Maritime, même si pour l’heure, « la qualité semble correcte », indique Christian Cordonnier, directeur général de Terre Atlantique.

Le premier bilan est moins optimiste à la Minoterie de Courçon (17) où son directeur Christophe de Hercé explique que les pluies ne cessent de stopper les chantiers, « avec pour conséquence, une baisse des PS. Les taux de protéines pâtissent quant à eux d’une moindre absorption de l’azote due au lessivage. Et certains blés présentent une baisse du temps de chute de Hagberg », ce qui pourrait compliquer le travail des meuniers. Et concernant l’orge, le directeur parle de « 60 q/ha de moyenne, avec un écart de 30 à 85 q/ha selon les zones ».

Des taux de protéines corrects pour la moisson 2024

Chez Soufflet Agriculture, le constat est le même. François Pignolet, directeur collecte, indique, pour son premier bilan moisson sur la chaîne YouTube du groupe : « Cette année, la moisson n’est pas bonne. Les rendements sont décevants ».  Il détaille : « Nous avons récolté sur Bourgogne, Touraine Poitou, Centre Berry. Les protéines sur le blé tendre sont autour de 11,5 %, les PS à 76,5 kg/hl. Pour l’instant, les analyses de mycotoxines montrent quil n’y a pas de DON. Et nous sommes à 380 secondes pour les Hagberg qui ne semblent pas avoir souffert des excès d’eau ». Mais les PS sont plutôt faibles pour le moment. « Sur les premiers blés, on a l’habitude de travailler avec des PS à 80 kg/hl, là on est plutôt à 76 ». Sur les orges de brasserie d’hiver, François Pignolet estime « une baisse de 20 à 25 % par rapport à l’année dernière​​​​​​, mais annonce des taux de protéines correctes de 9 à 12 %, avec une moyenne à 10,7 et des PS autour de 62 kg/hl, donc plutôt une bonne surprise sur ces points ».

Dans l’Est de la France, selon les échos d’un opérateur anonyme entendu par la rédaction de La Dépêche, les premières remontées sont les mêmes. « Une baisse des volumes de 20 à 30 % par rapport à l’an dernier […]. Les PS devraient cependant permettre de rester contractuels. Au nord-est de la région du Rhin, les PS sont conformes. Au Sud, ils présentent des problèmes avec des lots à 52, 55 et 57 kg/hl minimum. La qualité est hétérogène, mais le principal problème reste les rendements, sachant qu’on commence toujours par couper les plus mauvaises parcelles ». « Les premiers échos des champs rapportent des rendements décevants sur les grandes terres (entre -20 % et -30 % par rapport à l’an dernier) et limités sur les petites terres », selon une autre source basée dans la Marne.

Des résultats pour la moisson 2024 plus positifs dans le grand sud

« Nous avons des rendements en blé tendre dans la norme, voire peut-être même supérieurs à celle-ci dans notre partie sud-est », révèle Clément Roux, de la coopérative Arterris qui collecte de la région PACA à l'Occitanie. Sur la zone sud-ouest (Narbonne à Toulouse), celui-ci précise que « les rendements sont très hétérogènes avec de gros décrochages sur les parcelles touchées par la virose, alors qu’ils sont très bons dans les autres ». Et puis sur certaines parcelles où les rendements étaient pressentis exceptionnels, il y a de la déception. « Finalement, il y a eu une accumulation de petits défauts, un peu de gel, des grains manquants, quelques pieds chétifs ». Côté qualité, « les PS sont bons, les taux de protéines dans la moyenne et il n'y a pas de mycotoxine ». Néanmoins, Clément Roux fait part d’une certaine inquiétude sur les temps de chute de Hagberg, après les trois épisodes pluvieux qui ont ponctué les récoltes. « Il n’y a pas de décrochage majeur mais cela pourrait arriver. Une infime proportion de grains germés peut vite faire baisser le temps de chute ». Il confie aussi avoir des craintes pour les parcelles semées tardivement dans le nord-ouest de sa zone de collecte, où le rendement ne sera sans doute pas au rendez-vous.

Les échos entendus par la rédaction de la Dépêche auprès d'un opérateur anonyme du Sud-Ouest, vont dans le même sens. « La qualité, que ce soit le PS, la protéine ou le temps de chute de Hagberg, et le rendement sont au rendez-vous. Pour l’instant, aucun problème sanitaire n’est à déplorer ». Par contre, « le rendement est moyen et la qualité décevante avec des PS entre 60 et 62 kg/hl en orge d’hiver. Les orges de printemps sont en meilleur état », signale ce même opérateur.

Une production française de blé tendre qui n’aura pas d’influence sur les prix

Pour Benoît Piétrement, la faible production française « ne va pas changer grand-chose sur les prix. Nous l’avons vécu en 2016 : l'année était absolument catastrophique, mais comme nous sommes sur des prix mondiaux et qu’il y avait de très belles productions dans beaucoup de pays, la récolte française n’a pas eu d’incidence ». Ses propos sont confirmés par l'actualité. Les prix du blé tendre ont cédé du terrain entre les séances du 11 et du 12 juillet sur Euronext (220 €/t) et le marché physique français, suite à la publication du rapport mensuel de l’USDA (département de l’Agriculture des États-Unis), qui s’est révélé baissier. L’USDA a relevé sa prévision de stock mondial de blé 2024-2025 de 5 Mt entre juin et juillet, en raison notamment d’une récolte aux États-Unis espérée meilleure qu’attendue. Les productions en Argentine, au Canada et au Pakistan ont également été revues à la hausse. Et la production russe a été maintenue stable (à 83 Mt).

Benoît Piétrement évoque plutôt l’impact de cette mauvaise récolte sur la trésorerie des exploitations, « très tendues en raison des niveaux importants de charges, notamment liés au prix des engrais élevés » lors des achats courant 2023. Il fait état d'un « déclenchement très important de dossiers en assurance climatique ».

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