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Méthanisation agricole : bien anticiper la charge et l’organisation du travail

Très spécifiques, les besoins en main-d’œuvre d’un méthaniseur doivent être évalués avec rigueur. Le salariat ne décharge pas totalement les porteurs de projet du pilotage du site.

Qui alimentera le méthaniseur ? Qui se chargera de la maintenance et qui de la paperasse ? Qui sera réveillé par les alertes ? Qui se déplacera le week-end ? Autant de questions qu’il est impératif de se poser au cours de l’élaboration de son projet de méthanisation, tout comme il faut chiffrer les heures de travail à prévoir. « Le temps et l’attention exigés par un méthaniseur sont généralement sous-évalués, et la façon d’y répondre rarement anticipée », constate Nicolas Ribes, fondateur et directeur de Scara Conseil. En treize ans, ce cabinet de conseil indépendant a accompagné la mise en service de 29 sites de méthanisation en Rhône-Alpes, regroupant une centaine d’exploitations agricoles.

« Quand un agriculteur se lance dans la méthanisation, il rajoute des besoins en main-d’œuvre sur un système qui est déjà souvent saturé, reprend l’expert. Négliger ce sujet peut être catastrophique tant pour le méthaniseur que pour l’exploitation agricole. » Compter ses heures de travail n’est pas chose courante dans le milieu agricole. Il le faut pourtant…

L’alimentation du digesteur occupe déjà une à deux heures par jour. « Il y a aussi la surveillance de l’installation pour détecter d’éventuelles anomalies, poursuit Marine Cordelier, conseillère méthanisation au sein de l’association Solagro. Ponctuellement, il faut épandre le digestat et réaliser les opérations de maintenance comme les vidanges. À cela s’ajoute un volet administratif, avec la traçabilité des matières premières à assurer et le reporting auprès de l’administration (Dreal) et des acheteurs d’électricité. Et chez les agriculteurs, la mise en place de Cive entraîne des chantiers supplémentaires. »

Variable d’un projet à l’autre, le temps de travail lié à la méthanisation est difficile à estimer. « En injection, on l’évalue en moyenne à 1 114 heures par an pour des unités de moins de 120 normaux m3/h, et 3 889 heures entre 120 et 180 m3, indique la conseillère. Mais cela ne concerne que l’exploitation du site en lui-même, hors temps de transport, d’épandage, de culture pour les Cive… » Dans un guide édité en 2019, l’Ademe évalue le besoin total en main-d’œuvre à 0,3 UTH/100 kW en cogénération et 1 UTH pour 80 Nm3/h en injection.

 

 
Outre l'alimentation et la gestion du méthaniseur, il faut intégrer le temps passé à la culture des Cive et à l'épandage du digestat.
Outre l'alimentation et la gestion du méthaniseur, il faut intégrer le temps passé à la culture des Cive et à l'épandage du digestat. © S. Marie

 

Certaines tâches, comme l’épandage du digestat, sont faciles à déléguer à un prestataire. Pour le reste, le recours au salariat est fréquent, que ce soit sur le site industriel ou sur les exploitations, pour permettre aux agriculteurs de se consacrer au biogaz. Mais l’embauche de salariés n’a rien d’évident. D’abord en raison de la diversité des compétences requises. « Un ouvrier agricole peut remplir la trémie du digesteur, mais la surveillance est du ressort d’un gestionnaire de site », illustre Nicolas Ribes.

Le calendrier des tâches est également problématique. « Le méthaniseur doit être alimenté tous les jours, rappelle l’expert de Scara conseil. Un salarié seul ne peut le faire 7 J/7. Soit les associés s’en chargent les week-ends et congés, soit ils recrutent plusieurs salariés… Mais il faut pouvoir les occuper tous ! »

Par ailleurs, les épandages et les chantiers liés aux Cive sont saisonniers. Le transport des intrants fluctue aussi au fil de l’année, selon la disponibilité des gisements. Il faut donc une main-d’œuvre flexible sur son temps de travail, et avec des compétences variées. Pour y répondre, Scara conseil a créé en juillet 2020 un groupement d’employeurs dédié à la méthanisation, nommé Same. « En mutualisant les besoins, il fournit une main-d’œuvre qualifiée aux agriculteurs adhérents, souligne Mélanie Allibert, directrice de Same. De plus, cela les décharge de la gestion des ressources humaines et les aide à garder leurs salariés qui trouvent chez Same des conditions intéressantes : un CDI, des prestations sociales, des contenus de poste intéressants, des formations… »

Quelle que soit sa forme, le recours à une main-d’œuvre externe ne décharge pas totalement les agriculteurs. « Il faut prévoir du temps pour piloter les salariés et prendre les décisions stratégiques », reprend Marine Cordelier, de Solagro. Se rendre sur le site et suivre ce qu’il s’y passe permet d’anticiper les futurs choix, par exemple si des gisements d’opportunité se présentent.

Une réunion hebdomadaire, même brève, est utile pour faire le point entre associés, conseille la spécialiste. « Cette discipline s’inculque dès la phase de développement et devrait être conservée ensuite : la vie d’un méthaniseur est pleine de rebondissements et il y a souvent de nouvelles décisions à prendre. »

En collectif, bien organiser les astreintes

Dans un projet collectif, la gestion des astreintes est essentielle. La réglementation ICPE impose de pouvoir intervenir en 30 minutes à tout moment : la nuit, le week-end, les jours fériés… « L’organisation des astreintes doit être claire avant la mise en service, préconise Marine Cordelier, de Solagro. L’idéal est de l’inscrire dans le pacte d’associés pour pouvoir s’y référer si besoin. » Pour éviter de futures frictions, mieux vaut aussi poser dès le début la question de la rémunération des associés qui consacreront du temps au méthaniseur.

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