Maïs semences : un tiers des producteurs envisagent de réduire les surfaces ou d’arrêter
Les producteurs de maïs semences affichent un moral en berne après une année 2022 très difficile. La filière cherche des moyens pour sécuriser les revenus et maintenir le niveau de production.
Les producteurs de maïs semences affichent un moral en berne après une année 2022 très difficile. La filière cherche des moyens pour sécuriser les revenus et maintenir le niveau de production.
Le bilan définitif de la récolte de maïs semences s’établit entre 68 et 69 % des objectifs fixés au printemps. Une très mauvaise année qui a des conséquences sur le moral des producteurs. D’après une enquête menée en octobre et présentée à Pau lors du congrès de l’Association générale des producteurs de maïs (AGPM, FNSEA) le 23 novembre, deux tiers du réseau d’agriculteurs multiplicateurs déclarent avoir une perception dégradée de la culture de maïs semences par rapport à l’année précédente.
Près d’un quart des producteurs de maïs semences envisagent de diminuer les surfaces l’an prochain, 10 % envisagent même l’arrêt de la production. Ce chiffre est habituellement situé entre 2 et 5 %. Les producteurs avancent des raisons économiques, techniques, ainsi que des problématiques de main-d’œuvre.
Les producteurs demandent le paiement rapide de la récolte 2022
Pour aider les producteurs à faire face, les représentants de l’AGPM maïs semences demandent que le paiement de la récolte 2022 se fasse au plus vite et s’accompagne d’un soutien de la part des semenciers. « Nous avons besoin de perspectives », lance un producteur dans la salle. « Au total, il manque entre 120 et 130 millions d’euros pour rémunérer les producteurs au niveau des objectifs fixés au printemps et leur permettre de se projeter sur 2023 », estime Benoît Laborde, président de l’AGPM maïs semences.
Les assurances récoltes et les caisses de péréquation mises en place dans les différents réseaux semenciers doivent permettre de prendre en charge une partie des pertes mais "cela ne suffira pas", considère le responsable qui craint un fort recul des surfaces à l’heure où il y a besoin de reconstituer les stocks mis à mal par la faible récolte 2022. Dans ce contexte, les maïsiculteurs se sont d'ailleurs félicités de l'adoption de la réforme de l'assurance récolte.
Les semenciers s’inquiètent pour leur part des conséquences de la baisse de la production pour leurs usines. "Toute la filière est touchée, les usines vont fonctionner aux deux tiers de leur capacité", explique Jacques Groison, membre du conseil d’administration de l’Union française des semenciers (UFS). Avec à la clé une répercussion à la hausse sur les coûts de production, renforcée par celle du prix de l’énergie.
Sécuriser les revenus des agriculteurs multiplicateurs
La moitié du marché européen est alimentée par des semences de maïs françaises, a-t-il été rappelé lors du congrès. « S’il y a une défaillance de la production française, c’est un risque pour la souveraineté alimentaire dans toute l’Union européenne », estime Jean-Marc Bournigal, directeur de Semae (interprofession semencière).
Les représentants des producteurs proposent une évolution de la rémunération pour sécuriser le revenu des producteurs. D’après l’enquête, ils sont 94 % à demander une nouvelle formule de prix qui intègre les coûts de production. Dans la salle, un producteur donne un ordre d’idée : « Mes coûts de production à l’hectare ont subi une augmentation de 800 à 1 000 € », précise-t-il. « Il faut prendre en compte les coûts de production complets, et pas seulement les intrants, avance Stéphane Desrieux, secrétaire général de l’AGPM maïs semences. La moitié du prix pourrait être construite à partir des coûts de production, l’autre moitié resterait liée à la performance individuelle par rapport à un rendement de référence ». La demande de valorisation est d’autant plus forte de la part des producteurs que le prix des semences pour la production de maïs de consommation a, lui, augmenté de 15 à 25 €/t.
Parmi les autres motifs d'inquiétudes pour les producteurs figure la question de l'irrigation. L'accès à l'eau a été limité dans certains secteurs avec des arrêtés préfectoraux très tôt en saison, ce qui a fortement pénalisé la production. S'ajoute à cela l'augmentation du coût de l'énergie avec des factures qui pourraient être multipliées par six pour certains producteurs irrigants.
Sur ce point, l'association Irrigants de France, qui a tenu son assemblée générale à l'occasion du congrès, a fait adopter à l'unanimité une motion demandant « la reconnaissance de l'intérêt général majeur de l'agriculture, y compris lorsqu'elle est irriguée » et « des mesures de soutien pour que les agriculteurs puissent faire face à l'augmentation du coût de l'énergie et maintenir l'irrigation ».
Bientôt des organisations de producteurs pour négocier avec ses acheteurs
L’adoption de la loi Egalim a rendu obligatoire la constitution d’organisations de producteurs (OP) pour se regrouper et négocier avec ses acheteurs. Obligation qui s’inscrit dans le cadre européen de l’organisation commune de marché (OCM). À l’instar des filières laitière ou fruits et légumes, qui ont déjà bien avancé sur ce dossier, l’AGPM maïs semences s’est emparée du sujet. La constitution d’OP concerne les agriculteurs multiplicateurs qui travaillent avec un semencier privé (40 % des surfaces françaises). « Il s’agit de pouvoir se regrouper sans tomber sous le coup du droit de la concurrence, rappelle Jérôme Dal, vice-président de l’AGPM maïs semences. Sans OP, la négociation se fait individuellement et par établissement ».
La profession compte près de 25 syndicats qui vont devoir opérer à une mutation de leurs structures pour pouvoir représenter les producteurs dans la négociation (mandat de négociation). Un travail commun des filières des semences végétales a été mené au niveau de Semae pour faire une demande de reconnaissance auprès du ministère de l’Agriculture. Ce dernier doit prochainement publier un décret pour permettre de travailler sur la structuration juridique des futures OP. « Une fois ce décret publié, chaque structure devra faire une demande pour être reconnue », précise Benjamin Guillaumé, chef de service Économie des filières à la FNSEA.