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Maïs et désherbage : comment compléter l'intervention chimique avec la herse étrille et la bineuse

Le recours à des outils de désherbage mécanique sur maïs devient incontournable dans un contexte de réduction ou de perte d’efficacité des produits herbicides. Point pratique sur les atouts et les limites du binage et de la herse étrille.

La herse étrille est utilisable sur des maïs en début de levée mais préférentiellement avant. Son efficacité peut être équivalente à celle d'un traitement herbicide de prélevée.
La herse étrille est utilisable sur des maïs en début de levée mais préférentiellement avant. Son efficacité peut être équivalente à celle d'un traitement herbicide de prélevée.
© G. Omnès

L’interdiction prochaine du S-métolachlore remet-elle en cause l’efficacité du désherbage sur maïs ? « Les alternatives à l’utilisation du S-métolachlore existent. Avec du matériel performant comme une bineuse avec guidage utilisée dans un programme avec un seul traitement herbicide, on peut arriver à un résultat équivalent à du tout chimique à un ou deux traitements. Dans cette stratégie, on réduit de moitié ou de trois quarts les herbicides utilisés. » Chargée de mission agronomie et environnement à la chambre d’agriculture de l’Ain, Laurence Garnier tire ces résultats d’une plateforme d’essais menés en 2021 chez un agriculteur dont l’exploitation est située sur l’aire d’alimentation de captage de Civrieux et Massieux. Celle-ci couvre aux alentours de 3 000 hectares à dominante maïs et blé.

Le département de l’Ain compte plusieurs aires d’alimentation de captage, sur lesquelles il est recommandé de ne plus utiliser d’herbicides à base de S-métolachlore. « Nous avons comparé l’utilisation d’une bineuse six rangs avec guidage caméra associée ou non à différents programmes herbicides. Mis à part pour le désherbage mécanique intégral (deux passages de bineuse), les rendements du maïs ont été équivalents sur l’ensemble des modalités », souligne Laurence Garnier.

L’utilisation d’une bineuse nécessite de l’investissement en temps

Mais la conseillère apporte un bémol : le temps d’intervention et son coût plus importants dans le choix d’une stratégie binage + herbicides. « Il faut une demi-heure pour biner un hectare contre cinq minutes pour un traitement avec un pulvérisateur. Cela se répercute économiquement. En 2021, on évaluait à 12 euros par hectare le passage d’un pulvé et à 37 euros par hectare (avec la main-d’œuvre) celui d’une bineuse. Les économies d’herbicides grâce au binage ne compensent pas complètement le surcoût du binage. » Se pose aussi la question de la disponibilité de la bineuse si elle est partagée entre plusieurs agriculteurs et des bonnes conditions de passage nécessaires à un bon binage qui peuvent restreindre son recours.

Selon Olivier Micos, conseiller agronome et ingénieur réseau Dephy à la chambre d’agriculture des Hautes-Pyrénées, l’idée que le désherbage mécanique prendrait beaucoup plus de temps que l’intervention chimique est fausse. Il faut lutter contre des fausses idées comme un désherbage mécanique qui prendrait beaucoup plus de temps que le chimique. Le conseiller met en avant la herse étrille dans les outils utilisables sur maïs : « le débit de chantier de cet outil est équivalent à celui d’un pulvérisateur et il ne demande pas trop de puissance de traction. Je crois à une augmentation assez rapide de l’utilisation de ce type d’équipement pour pallier le désherbage chimique de prélevée où l’on a le plus de pression du point de vue réglementaire et environnemental. En outre, c’est un outil simple à intégrer chez un agriculteur conventionnel, pas trop compliqué à régler et à mettre en œuvre ».

Pour un passage à l’aveugle de la herse étrille

Comment utiliser une herse étrille sur maïs ? Olivier Micos préconise un passage à l’aveugle avant la levée du maïs, juste après un semis par exemple. « L’efficacité est intéressante notamment sur les graminées estivales, assure-t-il. On peut passer également à partir du stade 2 feuilles du maïs. Mais dans ce cas, il faut prendre la précaution d’augmenter la densité de semis de 5 à 10 %, pour compenser les arrachages de quelques pieds. Le passage à l’aveugle reste préférable dans l’utilisation de la herse étrille. Il équivaut à un désherbage chimique de prélevée. »

Le conseiller appuie d’autant plus son propos qu’il a par ailleurs constaté de nombreux échecs de traitement herbicide de prélevée l’an dernier. « Lors du printemps sec de 2022, les traitements de prélevée n’ont pas fonctionné, au contraire des passages de herse étrille, constate-t-il. Des parcelles de maïs en bio étaient plus propres que celles en conventionnel. » Avec la probable récurrence des printemps secs à l’avenir, le désherbage mécanique pourrait s’avérer un précieux allié.

Un essai de la chambre d’agriculture des Landes sur maïs semences en 2022 présentait le même constat : « les traitements de prélevée n’ont globalement pas fonctionné car l’humidité du sol était insuffisante », a communiqué l’organisme. D’autre part, l’essai a apporté comme enseignement que le binage effectué au stade limite passage tracteur a permis d’améliorer les notes d’efficacité des programmes de désherbage pour plusieurs des modalités de l’essai avec herbicides.

De multiples bénéfices à l’utilisation d’une bineuse

La bineuse (mais aussi la houe rotative) a son intérêt sur maïs. « On peut l’utiliser à partir du stade 4 feuilles du maïs, préconise Olivier Micos. À 2 feuilles, il faut des protège plants. Ensuite, on peut s'en servir autant de fois qu’il faut. L’efficacité est équivalente à un désherbage chimique sur l’interrang, mais pas sur le rang. » Le conseiller reconnaît qu’il faut nettement plus de temps à l’hectare pour le passage d’une bineuse comparé à celui d’un pulvérisateur et que l’économie est toujours au bénéfice de la chimie quand l’on prend en compte le coût des passages. « Mais la bineuse sert beaucoup à apporter et enfouir de l’engrais azoté sur maïs dans notre région et son passage aère le sol, ce qui est bénéfique pour la vie biologique et le rendement du maïs. »

Tous ces outils ont un coût : de 10 000 à 15 000 euros/ha pour une herse étrille de type Treffler, d’après Olivier Micos, et environ 15 000 euros pour une bineuse à laquelle on peut ajouter 15 000 euros avec une caméra de guidage. Les aides PCAE permettent une prise en charge de 40 % du montant de l’équipement de désherbage mécanique, jusqu’à un plafond de 15 000 euros par outil. L’investissement sur un guidage caméra bénéficie du même montant d’aide. « Cela signifie que pour une bineuse avec caméra de 30 000 euros en tout, l’aide financière sera de 12 000 euros », précise le conseiller. Cela peut valoir le coup d’investir même si le coût du matériel a nettement augmenté depuis un an.

Le S-métolachlore interdit à court terme

Le S-métolachlore est en sursis. Dans un communiqué du 15 février, l’Anses annonce « engager la procédure de retrait des principaux usages des produits à base de cette molécule herbicide ». Pour quelles raisons ? Le S-métolachlore contamine les eaux souterraines, ainsi que trois de ses métabolites dans des taux « supérieurs à la limite de qualité fixée par la législation européenne en la matière ». L’Anses a donc pris sa décision « au vu de ce risque pour la qualité des ressources en eau et pour permettre de réduire la contamination de l’environnement par cette substance ».

Le S-métolachlore est utilisé surtout pour le désherbage du maïs et un peu en betterave, tournesol, soja avec les produits suivants : Amplitec, Basar, Camix, Cazomercanto, Deflexo S, Déluge 960 EC, Mercantor Gold, Dual Gold Safeneur, Mélano Gold, Orcan, S-Métolastar (Safeneur), S-Metop. Ces produits sont utilisables cette campagne mais ne le seront probablement plus en 2024.

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