L’étau se desserre un peu sur le désherbage de l’orge
De nouveaux produits commerciaux apportent des solutions au désherbage des orges mais le recours à l'agronomie reste indispensable en cas d'infestation de graminées résistantes.
De nouveaux produits commerciaux apportent des solutions au désherbage des orges mais le recours à l'agronomie reste indispensable en cas d'infestation de graminées résistantes.
Le désherbage chimique des orges d’hiver se heurte aux mêmes limites que celui du blé tendre : une généralisation des graminées résistantes aux herbicides et un nombre réduit de matières actives disponibles. Dans ce contexte, l’arrivée de trois nouveaux produits commerciaux ne change pas la donne mais s’avère la bienvenue.
Ces nouveautés antigraminées associent des matières actives connues — flufénacet et diflufénicanil (DFF) — mais elles permettent de diversifier des programmes dont les options sont limitées. En outre, ces produits affichent des efficacités intéressantes. Merkur (Adama) est une association de flufénacet (80 g/l), de diflufénicanil (20 g/l) et de pendiméthaline (333 g/l). Xinia (Bayer) associe également flufénacet (171 g/l) et diflufénicanil (171 g/l) avec de la métribuzine (64 g/l). Quant à Pontos (BASF), il combine flufénacet (240 g/l) et picolinafen (100 g/l). Glosset 600SC (Globachem), dont l'autorisation de mise sur le marché a été délivrée en mai dernier, est composé exclusivement de flufénacet. Insuffisant à lui seul, ce produit ouvre de nombreuses possibilités d'associations.
Merkur permettra de diversifier les produits utilisés dans des parcelles infestées de ray-grass résistants, où seules perdurent les stratégies d'automne, comme dans les situations moins problématiques. Composé de trois matières actives formulées à des doses efficaces, ce produit apporte de très bons niveaux d’efficacité, en solo ou associé à du prosulfocarbe. « Merkur s’utilise uniquement en postlevée. Dans nos essais, cette association affiche de meilleures efficacités que Défi + Fosburi », commente Ludovic Bonin, spécialiste désherbage chez Arvalis. Pontos, lui, s’utilise aussi bien en postlevée qu’en prélevée. « C’est l’équivalent d’un Fosburi, avec un bon spectre d’efficacité », précise Ludovic Bonin.
Xinia permet d’utiliser une triazine quasi absente de l’arsenal actuel : la métribuzine. « Cette nouveauté permet de diversifier les modes d’actions », commente Ludovic Bonin. Associé à Défi, Xinia donne de très bons résultats sur ray-grass et vulpin. « Ce produit apporte une vraie plus-value par rapport à l’existant », note l’expert. Par contre, son prix de vente est sensiblement le même que celui de Fosburi et de Pontos.
Premiers cas de résistances au flufénacet
Jusqu'à présent, les solutions permettant de lutter contre des populations de vulpins résistants s’appuient sur des applications d’automne. Elles associent par exemple Avadex (3 l/ha) puis Fosburi (0,3 l/ha) et 1800 g/ha de chlortoluron. Pour les ray-grass résistants, on peut citer la combinaison Défi (4) puis Fosburi (0,5) + chlortoluron (1500). D’autres programmes sont également pertinents, comme chlortoluron (1800) puis Défi (3) + Compil (0,2), ou Avadex (3) puis Fosburi (0,6). En situation de faible pression de vulpin ou de ray-grass, une association Défi (3) et de DFF (0,2) sera suffisante, en ajoutant une application d’Axial Pratic (0,6) au printemps.
Si ces solutions restent efficaces, recourir à de nouveaux herbicides qui combinent plusieurs matières actives limite l'apparition de résistances. Un précaution loin d'être inutile : les premiers cas de ray-grass résistants au flufénacet ont été signalés dès 2018 en France. Le phénomène peut inquiéter les producteurs quand on sait que c’est l’une des dernières solutions chimiques efficaces sur graminées résistantes. « L’apparition de cas n’a rien d’illogique car il s’applique beaucoup de cet herbicide », remarque Ludovic Bonin. En 2017, 454 tonnes de flufénacet ont été vendues en France (source Agreste). Un chiffre qui a plus que triplé en cinq ans. Dans le contexte de baisse des solutions herbicides disponibles et d’augmentation des populations de graminées adventices, une généralisation de ces situations est redoutée. Ce contexte plaide une fois de plus pour l’alternance des modes d’action et le recours à l’agronomie comme moyen de lutte.
En parallèle à cette lutte chimique, faut-il rappeler la nécessité d’utiliser les leviers agronomiques qui permettront de limiter les populations de graminées résistantes ? Lorsqu’ils sont combinés, décalage des dates de semis, labour, faux-semis, allongement et diversification des rotations ont prouvé leur efficacité pour diminuer le stock semencier et la population adventice. Même si de nouvelles matières actives sont annoncées, le désherbage chimique ne fait plus tout.
La déclicate gestion des bromes
Pour les orges, la gestion chimique des bromes reste un problème : les herbicides efficaces sur cette graminée adventice ne sont pas sélectifs de l’orge, à l’exception d’Avadex. Ce dernier est performant mais son utilisation requiert une bonne connaissance des parcelles et un peu d’anticipation car le tri-allate s’applique en présemis. En cas d’infestation, l’introduction de cultures de printemps dans la rotation et un labour sont requis.
« Face aux ray-grass résistants, on n’a plus de solution »
“Aujourd’hui, si une flore de ray-grass résistant se développe dans une parcelle d’orge de printemps, on n’a plus de solution. C’est devenu un problème quasi impossible à régler, même avec des betteraves et des pommes de terre dans mon assolement, qui permettent des rotations longues. Dans l’orge d’hiver, la technique vraiment efficace, c’est un désherbage derrière le semoir, à l’entrée de l’hiver. L'an passé, j’ai décalé ma date de semis à début novembre avec une application de Varia (DFF + chlortoluron) après le semis puis Défi à une feuille et cela a été efficace. En interculture, la technique du faux-semis est payante à condition que la météo soit favorable aux levées d’adventices. »
« Les leviers agronomiques sont désormais notre leitmotiv »
« Sur orge d’hiver comme en blé, nous sommes face à une grosse problématique vulpin sur quasiment l’ensemble du territoire de notre coopérative, qui comprend notamment la Marne, l’Aisne et la Seine-et-Marne. Le ray-grass est également présent plus localement. Nous sommes très préoccupés par l’évolution du salissement du parcellaire car cela a des conséquences sur la qualité et les volumes produits. J’ai le sentiment que nous sommes arrivés au bout de la chimie seule dans beaucoup de situations, y compris dans des rotations assez longues où les agriculteurs ont moins l’habitude des problèmes de graminées résistantes et se laissent prendre au piège. Nous réalisons toujours des préconisations produits mais les leviers agronomiques sont désormais notre leitmotiv. L’agronomie permet de résoudre les problèmes de salissement mais les moyens doivent être combinés entre eux. Les premiers leviers agronomiques sont le décalage de la date de semis et le faux-semis durant l’interculture. Je recommande également de faire un maximum de cultures de printemps dans la rotation. Lorsqu’on s’est raté une année, il est long et difficile de rattraper la situation tant le stock semencier se reconstitue vite. »