Les fermiers tirent la sonnette d'alarme
L'étalement urbain lamine les bonnes terres
La France est trop grande consommatrice de foncier. A son tour, la fédération des fermiers et métayers alertent sur la destruction méthodique du potentiel agricole français.
«L’industrialisation de notre société et l’urbanisation sauvage sont en train de dévorer notre foncier agricole et met en péril tout ce qui a été construit depuis la création du statut du fermage. » Après la fédération nationale des Safer, le Conseil économique et social et les Conservatoires des espaces naturels, c’est aujourd’hui la section nationale des fermiers et métayers (SNFM) qui sonne l’alarme. La pression urbaine s’accroît d’années en années et rien ne semble pouvoir enrayer cette destruction méthodique du potentiel agricole français.
DENSIFIER LA VILLE
S’il n’est pas question de nier la réalité économique, les chiffres montrent la singularité de la France. À rythme de développement équivalent, celle-ci consomme beaucoup plus de terres que ses voisins, comme l’Allemagne. Un constat qui s’explique davantage par le choix d’une urbanisation à l’horizontale que par l’augmentation de la population et de ses besoins d’espace pour vivre et travailler. Un étalement urbain coûteux pour toute la société alors que « les constructions en deuxième et maintenant en troisième couronnes dessinent un scénario intenable face aux enjeux énergétiques et de réduction des gaz à effet de serre », veut convaincre André Thévenot, président de la fédération nationale des Safer. Les emprises amputent préférentiellement les espaces les plus productifs, dans les plaines ou les vallées, et entraînent une surenchère sur le prix des terres cultivables. « Nous avons consacré notre rapport d’orientation à ce problème car il met en péril l’existence même des entreprises agricoles », souligne Bertrand Saget, le président de la SNFM. Celle-ci considère que le nombre d’hectares artificialisés annuellement pourrait être réduit au moins de moitié dans les dix ans. Elle prône la réhabilitation en priorité des friches industrielles, la densification des zones d’activité et de bâti urbain et, surtout, « la stabilisation dans le temps des documents d’urbanisme, assortie d’un contrôle efficace du changement de destination des terres agricoles ».
PRESSIONS SUR LES MAIRES
Des mesures en partie permises par le cadre législatif actuel. Mais malheureusement peu appliquées à l’image des zones agricoles protégées (ZAP) prévues dans la loi d’orientation agricole de 1999. À peine dix ZAP existent aujourd’hui ! « Dans les faits, le maire d’une commune fait ce qu’il veut dans son plan local d’urbanisme (PLU) et il est faux de dire qu’ils s’inscrivent dans des schémas de cohérence territoriale (Scot) », constate André Thévenot. Pour lui, il devient nécessaire de revoir la responsabilité des communes car les maires sont soumis à de trop fortes pressions. « La réglementation basée sur les documents d’urbanisme est inopérante parce que les zonages ne sont pas pérennes et parce qu’elle prévoit l’urbanisation et non la préservation des terres agricoles. » Il cite l’exemple du Québec où existe une loi de protection des terres agricoles.Des dispositions analogues en France permettraient aux élus de se départir des cupidités locales et favoriseraient une gestion globale à l’échelle d’une région géographique. Le représentant de l’Association des maires de France,Vanik Berbérian, affirme le rôle essentiel de l’agriculture pour le dynamisme des communes rurales. Il est convaincu qu’il ne faut aménager « qu’en fonction des besoins et avoir en tête que la terre sera un jour rare ». Mais il n’apparaît pas vraiment tenté par un dispositif à la Québécoise. Les très nombreux élus de nos très nombreuses communes ne sont pas encore prêts à partager ce pouvoir.
Un département tous les dix ans
A l'heure de la flambée des prix et où la concurrence entre alimentaire et non-alimentaire fait débat, les chiffres décrivent un emballement. Au rythme actuel, l’agriculture française perd l’équivalent de la surface d’un département tous les dix ans. Cela représente 92 000 hectares chaque année dont « la moitié est imperméabilisée par du bitume ; un tiers est construit et le reste devient terrain de convenance à proximité de résidences », décrit André Thévenot, président de la fédération nationale des Safer. Ce dernier ne comprend pas « qu’on se préoccupe de la préservation de zones écologiques sans que personne ne se soucie de l’imperméabilisation irréversible de dizaines de milliers d’hectares chaque année ». Pourtant, « ce n’est pas la prolifération anarchique des zones industrielles et des ronds-points qui permettra de réaliser les cordons écologiques du Grenelle de l’environnement », ajoute Pascal Vautier, président de la fédération nationale des conservatoires des espaces naturels.