COÛTS DE PRODUCTION
Les producteurs français de grandes cultures en mal de compétitivité
Une analyse fine des coûts de production dans six pays producteurs de blé concurrents de la France mettent en évidence nos forces mais aussi nos faiblesses. Alors que la France bénéficie de la meilleure régularité de production, les charges plombent largement les résultats.
et des rendements les plus élevés.
Comment se positionne la compétitivité des producteurs de céréales français par rapport à ceux des pays concurrents ? C’est ce qu’a étudié Arvalis en analysant par le menu une exploitation dans chaque pays : France, Argentine, Australie,Canada, États-Unis,Kazakhstan, Russie et Ukraine. « Nous avons réalisé ces enquêtes dans les zones majeures de production pour chaque pays, explique Jean-François Garnier du service économique d’Arvalis. Nous avons comparé les compétitivités en 2008 et 2009 et réalisé une estimation en 2010. » Les structures des exploitations sont radicalement différentes, au niveau des surfaces, des rendements et de leur variabilité d’une année à l’autre (voir tableau).
Quant aux coûts de production, leur fourchette est là encore très fluctuante. « Pour les données 2010, on observe deux groupes : les exportateurs ayant des coûts de production faibles — Argentine, Australie, Russie et Ukraine — qui se situent entre 60 et 85 euros par hectare, et un autre groupe ayant des coûts de production quasiment deux fois plus élevés, supérieurs à 135 euros par hectare. Ce sont le Canada, les États-Unis et la France », poursuit Jean-François Garnier.
LES ALÉAS CLIMATIQUES
Il est intéressant d’observer la variabilité des coûts de production à la tonne de blé produite d’une année à l’autre. La France y est la moins soumise du fait d’un rendement stable, alors que l’Australie a connu la plus forte variabilité en raison de la sécheresse 2008, faisant chuter le rendement à 8 quintaux par hectare sur l’exploitation étudiée. L’Argentine est soumise aux mêmes aléas climatiques. Globalement, sur les sept exploitations passées au crible aux quatre coins du monde, le prix de vente du blé couvre les charges complètes d’exploitation dans cinq pays sur sept en 2008, alors que les prix sont très élevés, et dans quatre pays sur sept en 2009.
On voit que la marge de manoeuvre de la France est loin d’être confortable, alors qu’elle bénéficie de la meilleure régularité de production et des rendements les plus élevés. Qu’est-ce qui explique ces différences de coûts de production d’un pays à l’autre ? On accuse bien souvent le taux de change. « Il est vrai que l’euro fort pénalise la France à l’export vis-à-vis de ses concurrents, surtout depuis la dévaluation du rouble (Russie) et de la grivnia (Ukraine), mais le taux de change ne bouleverse pas fondamentalement la hiérarchie de compétitivité entre pays », souligne Christel L’Herbier, économiste à Arvalis.
PRIX DES MOYENS DE PRODUCTION PARMI LES PLUS ÉLEVÉS
Les producteurs français doivent aussi supporter des prix des moyens de production parmi les plus élevés du monde. C’est vrai pour l’azote (deux fois plus cher qu’en Ukraine), le glyphosate (quatre fois plus cher qu’aux États-Unis), le carburant (presque deux fois plus cher qu’aux États-Unis et au Canada) ou encore la main-d’oeuvre (cinq fois plus cher qu’en Ukraine). Seul le fermage place la France en meilleure position car les baux ruraux sont à long terme, contrairement à d’autres pays où la location annuelle fait légion, comme l’Argentine.
La France se distingue aussi dans son système céréalier. Alors qu’elle n’a pas à supporter de contraintes climatiques, les faibles surfaces et le fort niveau d’investissement matériel par hectare se révèlent un handicap. Chaque agriculteur a exprimé ses inquiétudes sur l’avenir de son métier. L’accès à la terre revient le plus fréquemment, ainsi que l’évolution politique et les problèmes de volatilité. La majorité d’entre eux disent vouloir améliorer leur compétitivité en multipliant les surfaces, en investissant dans du matériel et en augmentant la productivité du travail. Ils comptent tous poursuivre la voie de la simplification du travail du sol (superficiel et semis direct) et améliorer la maîtrise technique.