Les pièges connectés donnent l’alerte sur les ravageurs
Les pièges connectés s’apprêtent à informer les agriculteurs sur leur portable ou leur PC de la présence et de la quantité de ravageurs sur leurs parcelles. Il reste à améliorer les algorithmes et à vérifier la fiabilité des données.
Les pièges connectés s’apprêtent à informer les agriculteurs sur leur portable ou leur PC de la présence et de la quantité de ravageurs sur leurs parcelles. Il reste à améliorer les algorithmes et à vérifier la fiabilité des données.
Un SMS ou une alerte mail. Voici les moyens avec lesquels les agriculteurs pourraient bientôt être avertis d’un vol de pucerons ou de la présence de limaces dans leur champ. Libres à eux de vérifier ensuite sur des images l’importance des prédateurs ou d’aller sur le terrain. Avec les nouvelles technologies, de nombreuses start-up proposent de photographier les ravageurs au champ et d’envoyer ensuite des alertes.
De Sangosse, expert de la lutte antilimace, et la start-up Cap2020 ont reçu une distinction au Sima 2019 aux Innovation Awards avec le Limacapt. Ce piège fonctionne avec une caméra à éclairage infrarouge alimentée par l’énergie solaire. L’appareil photo prend une centaine de clichés la nuit, période d’activité des limaces, sur un mètre carré. Les images collectées sont stockées dans l’appareil. Le matin, le Limacapt calcule le nombre de limaces observées. Il le transmet à l’utilisateur, sur son PC ou son smartphone. « Après trois ans de recherche, nous arrivons à une fiabilité de 95 %, s’enthousiasme Rémi Pabis, responsable de l’observatoire antilimace chez De Sangosse. Le Limacapt détermine si les limaces sont adultes ou jeunes. Mais, il ne différencie pas les noires des grises. Les algorithmes arrivent difficilement à identifier des objets en mouvements. »
Une identification parfois compliquée
De Sangosse possède une dizaine de prototypes en test dans les champs. Les agriculteurs et services techniques devront attendre l’automne 2020 pour les acheter. L’entreprise recherche un partenaire industriel afin de les commercialiser ou de les louer. Ensuite, la mutualisation des résultats pourrait améliorer la connaissance de la dynamique des limaces, réalisée actuellement avec un réseau d’observations de 800 agriculteurs. « Le Limacapt affinera la stratégie des agriculteurs, avec la fin de traitements systématiques remplacés par des traitements justifiés », conclut l’expert.
Les limaces ne sont pas les seules à passer au photomaton. Les insectes ravageurs sont aussi sous les objectifs. La société Advansee a dans le collimateur tous les insectes en maraîchage, arboriculture et grandes cultures. Créé à Nantes en 2009, ce bureau d’études expert en analyse d’images a conçu E-gleek, un piège chromatique qui compte les insectes piégés. « Nous partons des pièges traditionnels utilisés en agriculture, comme les pièges à phéromones, les feuilles gluantes ou les cuvettes jaunes. Grâce à une caméra prenant des photos à intervalle régulier, nous obtenons un monitoring continu », explique Thierry Corbière, gérant de la start-up. En cas de dépassement d’un certain seuil, des alertes sont envoyées. En cas de doute, les utilisateurs peuvent aller voir l’image sur un serveur.
Soixante pièges déployés sur blé et orge
Pour l’instant, les algorithmes classent les insectes par taille. Certains d’entre eux sont faciles à déterminer, comme la mineuse de la tomate. Insecte le plus gros de la serre, elle est identifiée sans difficulté. À l’inverse, la mouche de la carotte s’avère impossible à reconnaître. Elle ressemble trop à toutes les espèces de mouches de même taille présentes simultanément.
En ce qui concerne les grandes cultures, Advansee travaille sur la tordeuse du pois, piégée grâce aux phéromones. La société a déployé 60 pièges sur blé et orge en septembre 2018 chez des partenaires, coopératives et centres techniques. Elle travaille en collaboration avec Arvalis sur l’identification des images et la détermination des pucerons. Elle s’intéresse aussi à la reconnaissance des cicadelles. Pour les colzas, les algorithmes différencient les méligèthes des altises, mais la précision doit être améliorée.
L’enjeu consiste à récolter suffisamment de données pour améliorer la robustesse des modèles. La prochaine étape sera de travailler à des cartographies de migrations d’insectes pour favoriser la prévention, mais aussi de s’intéresser aux auxiliaires des cultures. Autant d’objectifs qui font que la petite entreprise nantaise recherche des partenaires financiers. Ses pièges connectés sont déjà commercialisés à 550 € pièce. Une option avec un abonnement annuel donne droit à une plus grande précision. Les ravageurs sont marqués à la culotte.
Des pièges envisagés sur colza, céréales et betteraves
Coopératives et instituts sont attentifs aux progrès réalisés. « Nous testons cinq pièges connectés, détaille Estelle Cleuet, en charge de la partie technique des outils d’aide à la décision chez Noriap. Sur colza, la caméra prend trois photos par jour de la cuvette jaune. Nous accompagnons les concepteurs dans l’algorithme de reconnaissance. L’identification de l’insecte se fait surtout par la taille (trois différentes dans notre cas). L’algorithme doit être encore affiné pour être opérationnel. » Tout reste à construire. La coopérative picarde envisage ces techniques sur des pièges verticaux à insectes, en céréales ou betteraves, pour les pucerons ou les cicadelles et en colza pour les charançons, méligèthes et altises. À terme, elle imagine disposer de réseaux fiables sur le territoire, avec une meilleure connaissance de la dynamique des vols et des avertissements plus rapides.
« Nous sommes au début de l’histoire mais les start-up avancent vite »
« Le système est prometteur, confirme Xavier Pinochet, Mais plus généralement sur les pièges connectés, de nombreux problèmes restent à résoudre. Les insectes sont souvent difficiles à identifier par les algorithmes. Et ce, d’autant plus qu’ils sont en mouvement ou qu’ils se rétractent quand ils tombent dans du liquide de capture. Dès qu’il coule, l’insecte ne peut plus être identifié. L’analyse d’images est plus complexe. Nous avons pensé à des identifications sonores, mais les bruits de fond pourraient être gênants. De plus, se pose la question du transfert des données. Pour des données de faible taille, des solutions sont disponibles. Mais pour les images, les volumes à transférer deviennent trop gros. Nous ne sommes qu’au début de l’histoire. Les start-up avancent vite. Il faut toutefois rester très vigilant sur la fiabilité des modèles et de l’information donnée. »