Les packs n'emballent pas les agriculteurs
Existe-t-il
des motifs valables à imposer l'utilisation
de deux produits différents dans un pack
commercial ? Les avis divergent...
JUSTIFICATION TECHNIQUE MISE EN AVANT Ce mode de packaging concerne surtout les fongicides, un peu les herbicides. Pour Stéphane Gontier, responsable marketing fongicides céréales chez BASF, la proposition des packs trouve une justification technique avant tout. « Nous avons principalement neuf offres de ce type en fongicides céréales. Nous proposons par exemple un produit comme Comet systématiquement dans un pack. Cette strobilurine n'est jamais vendue seule pour des raisons de gestion des modes d'action visant à contrer les résistances. C'est d'actualité sur orges par exemple où nous proposons le pack Imtrex (fluxapyroxad) + Comet, très efficace sur l'ensemble des maladies foliaires des orges. » Les risques de résistance seraient effectivement plus importants si les produits étaient utilisés seuls. Il y a aussi un intérêt économique à proposer des produits en pack. « Nous n'occultons pas ce fait.Une offre packagée sera moins chère que les deux produits achetés séparément. » Stéphane Gontier cite l'exemple du pack Osiris Win + Pyros EW (plus compétitif de 10% en offre pack) qui, en plus, permet de lutter contre des souches résistantes de septoriose avec l'association de triazoles et du prochloraze. Spécialiste fongicides céréales chez Arvalis, Jean-Yves Maufras constate une augmentation du prix de Pyros de 30 % récemment. « Mais on retrouve le prix d'origine de Pyros quand on l'achète au travers du pack Osiris Win + Pyro EW. Le gros intérêt des packs, c'est leur prix avec de 15 à 20 % de remise par rapport à des produits vendus séparément », affirme-t-il, tout en reconnaissant aussi la justification technique de certaines associations conçues dans les packs. « Une partie non négligeable des packs n'ont pas de vocation technique mais plutôt une raison commerciale avec un objectif de vendre plusieurs produits en masquant le prix de chacun », souligne plus sévèrement le conseiller d'une grande coopérative.
PAS DANS LE SENS D'ÉCOPHYTO Avec les packs, le rinçage des bidons et leur gestion en tant que déchet apparaient plus complexes, avec davantage de risque de retrouver des produits non utilisés restés dans les bidons. La stratégie des packs ne répond pas au mieux à l'objectif Écophyto de réduction des produits phytosanitaires puisqu'ils sont une incitation à utiliser plusieurs pesticides plutôt qu'un produit complet tout formulé. Le calcul des IFT est en leur défaveur. « D'autre part, un pack est vendu pour un certain nombre d'hectares à traiter alors que dans les faits, on peut les utiliser sur plus de surface par rapport à ce qui est recommandé, note Jean-Yves Maufras. On peut découvrir des packs exclusifs pour des clients distributeurs », ajoute-t-il. Les distributeurs ont la liberté de réaliser eux-mêmes des packs, avec des produits de sociétés différentes à condition que les mélanges soient autorisés. En France, les packs ne souffrent d'aucune limite en suivant la législation sur les mélanges. Au Royaume-Uni, une telle combinaison de produits requiert un enregistrement spécifique avec des informations demandées sur la sécurité d'emploi pour l'utilisateur et l'innocuité pour l'environnement, l'absence de phytotoxicité pour la culture, l'efficacité intrinsèque... On n'est pas loin de l'homologation d'un pack à part entière, au même titre qu'un produit tout formulé contenant les mêmes molécules.
Une séparation obligée avant un assemblage final
Parfois l'association de molécules dans un même produit est tellement incompatible qu'il est nécessaire de les séparer en des emballages différents pour les mélanger ensuite dans la cuve du pulvérisateur. Il n'y a pas d'autre choix que de constituer un pack qui n'est pas commercial mais qui constitue un produit à part entière. C'était le cas du fongicide Ranman pour la pomme de terre. Le produit d'ISK Biosciences commercialisé par Belchim Crop Protection se composait « de deux parts individuelles dans des bidons séparés, la première (Ranman A) contenant la matière active fongicide, la seconde (Ranman B) étant un adjuvant ». Mais les chimistes ont fini par mettre au point un produit à base de cyazofamide dans un seul bidon, Ranman Top, beaucoup plus pratique pour l'utilisateur