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E-commerce : faut-il acheter ses appro en ligne en grandes cultures ?

Encore marginal, le e-commerce pour les produits de l'appro se développe en France. Faut-il y aller ? Quels sont les atouts ? Peut-on s’en passer ? Revue de détail.

80% des agriculteurs utilisent Internet au moins une fois par jour, dont 70 % avec une expérience d’achat en ligne. © C. Baudart
80% des agriculteurs utilisent Internet au moins une fois par jour, dont 70 % avec une expérience d’achat en ligne.
© C. Baudart

Durant le confinement, les ventes en ligne ont fait un bond en avant, y compris dans le secteur agricole. Les acteurs du marché ont observé des hausses de leurs ventes jusqu’à 40 %, amplifiant une croissance déjà importante. Qu’apportent les sites d’e-commerce agricole par rapport aux distributeurs historiques ? Un meilleur prix. C’est en tout cas la promesse des opérateurs. Libre à chacun de vérifier cette affirmation… en les comparant.

Comment choisir entre les différents sites ?

Si acheter ses appros en ligne est facile, quel site choisir ? Trois sites vendent uniquement en ligne, appelés pureplayers : Agriconomie.com, Meshectares.com et Comparateuragricole.com. D’autres acteurs proposent la vente en ligne dans le prolongement de leur activité traditionnelle, comme Agrileader.fr ou le tout nouveau Aladin.farm.

Ces sites proposent une gamme complète d’engrais, de semences et de phytos homologués en France. On retrouve rapidement des marques connues de tous : Bayer, Syngenta, BASF, KWS, RAGT, Dekalb, Semences de France, Advanta, etc. « Nous travaillons avec les mêmes acteurs que les coopératives et négoces », rappelle Clément Le Fournis, cofondateur d’Agriconomie.com.

La plupart de ces sites affichent d’autres produits, comme les pièces de rechange de matériel, avec l’ambition de répondre à tous les besoins de l’exploitation. Cette largeur de gamme est d’ailleurs la force de ces sites, qui proposent un choix à la fois étendu et pointu aux utilisateurs : Agriconomie dispose par exemple de 6 millions de références. « Nous proposons trois à quatre fois plus de références de Cipan  (cultures intermédiaires pièges à nitrates) qu’un distributeur classique. Nous commercialisons 5 % des Cipan du territoire », indique Clément le Fournis.

Souvent créés par des fils d’agriculteurs, les pureplayers agricoles revendiquent leur connaissance des problématiques de leurs clients. « Notre ADN, c’est la grande culture, explique ainsi Pierre-Antoine Foreau, cofondateur de Comparateuragricole.com. Nous sommes implantés dans la Beauce et nous sommes les seuls à collecter en ligne. »

Est-ce vraiment si simple ?

Pour accéder aux catalogues et aux prix, tous les sites imposent de se créer un compte. Cela implique de renseigner ses coordonnées, de fournir une copie de son Certiphyto, puis de patienter avant validation de ces données. Il faut alors s’attendre à être appelé par un conseiller, pour un bref contact. Les prix sont ensuite facilement consultables. Si le tarif de certains produits n’est pas toujours affiché, notamment chez Agriconomie.com, une demande de devis apporte une réponse sous 24 heures.

La prise de commande est similaire à tous les sites de e-commerce : elle fonctionne sous forme d’un panier, qui se remplit progressivement. Un aperçu du panier permet de connaître le montant global, de le rectifier et de le valider. L’étape suivante consiste à indiquer les indications de livraison et de facturation, avant de se terminer par l’étape du paiement.

Que faire comme premier achat ?

Par prudence, il est recommandé d’effectuer une première petite commande, en sélectionnant un produit sans enjeu pour l’activité immédiate. Cela permettra de juger de la qualité du service. « Généralement, les nouveaux clients commandent des pièces d’usure, pour voir, confirme d’ailleurs Gaëtan Fleury, fondateur de Meshectares.com. Ils reviennent ensuite en effectuant une commande ciblée de phytos. Souvent, l’année suivante, la commande est plus large. » Tous ces sites disposent d’un moteur de recherche pour trouver les produits souhaités. Saluons le filtre de recherche du site Meshectares.com, qui facilite la vie en filtrant les recherches de produits par famille et par matière active. Pratique si l’on recherche un produit banalisé.

Les produits vendus en ligne sont-ils vraiment moins chers ?

Les sites d’e-commerce ont bâti leur réputation sur la suppression des intermédiaires et la promesse de prix bas. Le prix est le premier facteur d’achat en ligne, les agriculteurs cherchant à maîtriser leurs coûts de production. « Notre objectif est d’être le plus compétitif possible, en ayant le moins de charge pour en redonner le plus possible », confirme Pierre-Antoine Foreau, codirigeant du Comparateuragricole.com.

L’écart de prix en phytos semble parfois mince par rapport à certains distributeurs classiques : l’e-commerce d’appros a déjà permis de réguler les prix dans de nombreux secteurs où la concurrence est faible. L’économie reste importante pour les pièces et consommables de matériels agricoles. « Une enquête menée auprès de 115 agriculteurs a mis en évidence une économie de 28 % sur l’achat de pièces détachées », illustre Gaëtan Fleury, de Meshectares.com.

Comment se passe la livraison ?

La plupart des sites travaillent avec des transporteurs traditionnels. Pour les engrais, la norme est la livraison au camion. Les autres produits peuvent être livrés comme n’importe quel bien, en cartons ou en palette. Seul Agrileader.fr assure une livraison par des équipes dédiées. « Nos chauffeurs livrent deux fois par mois sur la quasi-totalité de la France : ils connaissent les exploitations et le monde rural », indique Nicolas Drut, responsable des ventes à distance chez Agrileader. C’est classique, mais dans tous les cas, pensez à vérifier l’état des colis avant de signer le bon de livraison.

Est-on assuré de recevoir les produits commandés ?

Tous les opérateurs s’engagent sur la conformité de la livraison par rapport à la commande passée. Certains produits peuvent toutefois être des produits analogues, mais dans ce cas, cela est indiqué à la commande. Attention, le délai de rétractation ne s’applique pas pour des transactions effectuées entre professionnels et le retour de marchandises n’est souvent prévu que pour les pièces.

Amazon bientôt dans nos fermes ?

20 % des agriculteurs ont déjà effectué un achat en ligne sur leur exploitation et, pour les seuls appros, le chiffre d’affaires cumulé des pureplayers du secteur avoisine les 60 millions d’euros. Une goutte d’eau au regard d’un marché hexagonal évalué à 9 milliards d’euros par an, qui laisse augurer de belles perspectives de développement. « Le web va représenter 20 % des achats dans les années qui viennent, contre 0,8 % aujourd’hui », estime Clément Le Fournis, d’Agriconomie.com.

Dans ce contexte, l’arrivée des Google, Amazon et autres Gafa dans le secteur agricole français semble inéluctable. « L’ensemble des secteurs de l’économie a effectué sa transition digitale, à l’exception de la pharmacie et de l’agriculture, souligne Gaëtan Fleury, de Meshectares.com. Amazon vend des pièces agricoles et des engrais depuis longtemps aux États-Unis et depuis deux ans au Royaume-Uni. Le marché français de la vente agricole est évalué à 40 milliards d’euros par an et 98 % des agriculteurs sont connectés. Nous sommes la troisième puissance agricole mondiale. »

Pour ce spécialiste, la mutation à venir est une « évidence » et invite les grands groupes, coopératives ou négoces, à construire rapidement « un champion français qui devienne un leader » pour contrer les appétits étrangers. « Aussi grosses soient-elles, nos coopératives sont encore très atomisées. »

AVIS D'AGRICULTEUR - Édouard Deceuninck, agriculteur à Bourgtheroulde dans l'Eure

« Deux circuits complémentaires »

« J’ai toujours acheté mes engrais au travers d’appels d’offres et je fais partie d’un groupement d’achat de phytos. J’ai commencé à effectuer des achats en ligne il y a deux ans, d’abord pour les prix proposés. Je travaille à 95 % avec Agriconomie, sur lequel j’achète l’essentiel des pièces d’usure et les fournitures. La différence de prix est toujours importante avec ceux des concessionnaires. Pour les engrais, les sites en ligne permettent de comparer facilement les prix et la livraison se passe toujours bien. La société de transport n’est jamais la même mais à chaque fois elle me prévient par mail. Les petits colis sont déposés à la ferme lorsque je ne suis pas là. Si c’est de l’engrais, on m’appelle avant. Seul bémol : il faut verser un acompte avant la livraison d’engrais. Je n’achète pas de phytos sur Internet : je conserve mon groupement d’achats. Je suis attaché à continuer à faire vivre les fournisseurs locaux, nombreux dans mon secteur et qui se défendent bien. Les deux circuits sont complémentaires et les phytos ne sont pas toujours moins chers en ligne. Par contre, il faut s’attendre à recevoir beaucoup de mails. Le fait de recevoir une facture par commande complique également la saisie comptable. S’il y avait une seule facture par mois, ce serait plus simple. »

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