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Herbicides totaux
Le glyphosate face à son succès

Le glyphosate est le leader incontestable des produits de traitement dans le monde. Rançon du succès : ce produit est sous le feu des projecteurs avec études et controverses.


Les herbicides à base de glyphosate sont les produits de protection des plantes les plus utilisés dans le monde. Mais le glyphosate se retrouve de façon marquée dans les eaux de surface. Les rapports annuels de l´Ifen(1) sur les pesticides en attestent. Les études en Bretagne se montrent plus précises. « Pour cette molécule, la fréquence de dépassement des 0,1 microgramme par litre sur les 19 bassins versants suivis dans le programme Bretagne Eau Pure est environ de 40 % sur la période 1998-2003 », lit-on dans un rapport de cette organisation. Autre constatation : un produit de dégradation du glyphosate, l´AMPA, se retrouve également fréquemment dans les eaux de surface.
Comment expliquer la présence de ces molécules en quantités importantes ? Selon Bretagne Eau Pure, « les niveaux de transfert de glyphosate restent faibles à l´échelle de la parcelle. Ce n´est pas une source majeure de contamination des eaux ». L´association décèle une source importante de pollution sur les pratiques de traitements réalisés sur les abords de parcelles, « à très forts risques quand il s´agit de traitements au niveau du lit mineur des cours d´eau ou des fossés circulants ». Autre situation à risque : l´entretien des abords d´exploitations sur des surfaces peu perméables comparables à des applications dans le domaine non agricole (zones imperméables bitumées ou enrobées avec évacuation des eaux pluviales sans frein.).
Le glyphosate absent de l´eau de boisson
Il faut noter que la présence de glyphosate est visible surtout après un fort épisode pluvieux, d´autant plus que celui-ci est proche de l´application. Le glyphosate est une molécule assez sensible au ruissellement compte tenu de sa forte solubilité dans l´eau. Mais sa biodégradabilité est jugée rapide même si sa demi-vie peut atteindre quelques dizaines de jours dans certains types de sol.
Premier producteur de glyphosate, la société Monsanto rassure : « Si le glyphosate se retrouve dans des eaux superficielles, on ne le retrouve pas dans l´eau de boisson. » Elle apporte des recommandations pour éviter la présence de glyphosate dans l´eau : ne pas traiter s´il y a des risques de précipitations proches ou par vent fort (plus de 10 km à l´heure), utiliser un matériel en bon état et éventuellement des buses ou adjuvants limitant les dérives de produit.

« Roundup ne doit pas être utilisé pour traiter les fossés en eau et les talus, les bordures de champ ou les pieds de clôture situés le long des points d´eau, ajoute Didier Charrier, directeur marketing et protection des plantes chez Monsanto. D´autre part, il existe des doses définies pour chaque espèce de mauvaise herbe et son stade de développement. Ces informations figurent sur les étiquettes. Il convient de s´y conformer pour éviter les surdosages. »
Des effets sur des cellules placentaires in vitro
Le glyphosate a-t-il un effet sur la santé de l´homme ? Question cruciale. Compte tenu de sa large utilisation, de nombreuses études ont porté sur la molécule pour mesurer ses éventuels effets. Dernière en date, une étude menée par l´équipe du Professeur Gilles-Éric Séralini à l´Université de Caen et publiée dans la revue Environmental Health Perspectives(2). « Nous avons fait trois constatations, résume le professeur. Le produit Roundup peut être toxique sur des cellules dérivées du placenta humain (en culture in vitro), et ce, en une heure à des dilutions de cent à mille fois l´herbicide. A des doses plus faibles (dilution 10 000), nous constatons également des effets perturbateurs de l´activité enzymatique pour la production d´hormones sexuelles. Les effets sont remarqués à des doses où le produit n´est plus herbicide. Ils sont toujours plus forts avec le Roundup (glyphosate avec surfactants) qu´avec le glyphosate seul. La présence d´adjuvants accroît la biodisponibilité du glyphosate mais cela n´a pas été étudié dans le cadre des effets hormonaux du Roundup. »
Cette étude a forcément fait réagir d´autant plus que le Professeur Séralini la relie à des études épidémiologiques de couples d´agriculteurs américains utilisateurs de glyphosate rapportant des problèmes de grossesses. Monsanto juge l´interprétation de l´étude de l´équipe du Professeur Séralini comme « abusive ». « Un effet observé en laboratoire ne permet pas de conclure à un risque pour l´homme. » Monsanto met en avant les nombreuses études sur le glyphosate au titre de son homologation ou de son suivi et les trente ans d´utilisation qui n´ont pas montré de problèmes sur l´homme.
Directeur de la SSM(3), unité coordonnant les travaux d´évaluation de molécules phytosanitaires, Thierry Mercier ne remet pas en cause la validité scientifique de l´étude, tout comme Monsanto d´ailleurs, mais plutôt l´exploitation des résultats. « Telle qu´elle est définie dans la directive européenne, l´évaluation d´un produit ou d´une molécule tient compte de sa dangerosité d´une part et de l´exposition de l´utilisateur d´autre part, » rappelle-t-il.

« Le glyphosate, comme d´autres molécules, a fait l´objet d´une réévaluation au niveau européen par les experts de quinze États-membres. Nous examinons toutes les études menées sur les produits phytosanitaires et nous déterminons si l´une d´entre elles est de nature à remettre en question l´évaluation réalisée dans le cadre communautaire. Pour celle réalisée par l´équipe du Professeur Séralini, ce n´est pas le cas. » Sous-entendu, que « la conclusion sur le danger doit considérer les résultats de l´ensemble des études disponibles. De plus, l´exposition réelle de l´applicateur doit être prise en compte ».
Coordinateur scientifique sur les pesticides et les OGM à l´Afssa, Sophie Gallotti assure : « C´est une étude sur des cellules in vitro avec toutes les limites que cela comporte et, en aucun cas, ce n´est transposable à des effets sur l´homme. Cette étude ne démontre rien. »
Gilles-Éric Séralini exprime le souhait d´une meilleure connaissance des effets in vivo des produits phytosanitaires dans le cadre de leur évaluation et déplore une certaine banalisation autour des usages du Roundup faite au travers d´une campagne de communication.

A utiliser comme n´importe quel produit phytosanitaire
En terme de données toxicologiques, le glyphosate se situe parmi les molécules peu dangereuses : sa toxicité aigüe est faible (DL50 > 2000 mg/kg sur le rat et d´autres animaux) ; il ne s´accumule pas dans les tissus ; il n´est pas cancérogène, ni tératogène, ni mutagène.
Sur le plan toxicologique, il est classé irritant (Xi), dangereux pour l´environnement et toxique pour les organismes aquatiques (phrase de risque R51/53)(4). Les formulations à base de glyphosate (et de sulfosate qui n´est autre qu´une forme voisine du glyphosate) sont à considérer comme des produits phytosanitaires à part entière qui requièrent protection des applicateurs et usage des bonnes pratiques respectueuses de l´environnement lors des applications.

Chiffres clés
 15 millions de litres de glyphosate en équivalent 360 g/litre vendus en France par Monsanto (trois quarts des utilisations sur parcelles de grandes cultures).
 Une dizaine de sociétés (dont Monsanto, Cheminova, Nufarm.) commercialisent
du glyphosate.
 Au 30 juin 2004, 376 spécialités commerciales contenant du glyphosate
ont une autorisation de vente en France.
 Dans le monde, sur 81 millions d´hectares de cultures transgéniques en 2004, 65,3 millions d´hectares sont des cultures avec un gène de résistance à un herbicide, en grande majorité au Roundup.

(1) Institut français de l´environnement.
(2) « Differential effects of glyphosate and Roundup on human placental cells and aromatase », de Sophie Richard et al. (en ligne le 24 février 2005).
(3) Structure scientifique mixte entre Inra et DGAL.
(4) Données Agritox et de la Commission européenne.

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