L’agriculture numérique s’expose en Île-de-France
Une journée portes ouvertes le 19 juin sur la ferme pilote de la chambre d’agriculture d’Île-de-France a permis de découvrir des innovations qui feront l’agriculture de demain (ou pas) grâce aux nouvelles technologies. Quelques exemples.
Une journée portes ouvertes le 19 juin sur la ferme pilote de la chambre d’agriculture d’Île-de-France a permis de découvrir des innovations qui feront l’agriculture de demain (ou pas) grâce aux nouvelles technologies. Quelques exemples.
Modulation intraparcellaire des apports azotés, stations météo connectées, pilotage de l’irrigation, outils de prévision de maladies, capteurs et OAD divers et variés… la chambre d’agriculture d’Île-de-France a organisé une journée portes ouvertes sur la ferme pilote du Gaec Hottin, à Boutigny-sur-Essonne le 19 juin, pour la présentation d’outils d’agriculture numérique. Cette opération, de même que les essais effectués, bénéficie du soutien à l’innovation mis en place avec la région Île-de-France.
Divers outils de modulation d’apports azotés existent et, parmi eux, la chambre d’agriculture d’Eure-et-Loir propose un service se basant sur des images provenant des satellites européens Sentinel d’observation de la terre. « Notre service est en prélancement en Eure-et-Loir pour un coût de 7 euros de l’hectare (contre 12 euros pour le service Farmstar). Sur blé, il permettra de piloter les apports azotés avec un paramétrage possible par variété. Sur colza, le service pourra remplacer les pesées de biomasse d’entrée et de sortie d’hiver pour le calcul des apports azotés, présente Paul Brillault, conseiller spécialisé grandes cultures à la chambre d’agriculture du département. Avec cet outil, l’objectif est d’aller vers la modulation intraparcellaire des apports azotés. »
Les drones sont toujours proposés pour le même type de service puisqu’ils s’affranchissent de la couverture nuageuse pour la prise de mesures. Mais ils pâtissent du coût de leur mise en œuvre.
Montés sur tracteurs au bout de bras télescopiques, les capteurs Isaria et Green Seeker mesurent la réflectance des feuilles pour estimer le besoin en azote du blé. L’outil Isaria serait développé sur quelques centaines de fermes en Allemagne, Pays-Bas, Ukraine, République tchèque… Commercialisé par la société Fritzmeier, il faut débourser 30 000 euros pour l’acquérir.
Dans la lutte contre les adventices, la gestion du stock semencier peut être une stratégie payante. Les menues pailles à la récolte contiennent quantité de graines. Un broyeur de menues pailles venu d’Australie était en démonstration lors de la journée portes ouvertes. Il n’y a rien de numérique dans ce rotor qui s’adapte à l’arrière de la moissonneuse mais la destruction de graines d’adventices (ray-grass, folles avoines, gaillets…) à la récolte est efficace et répond à la recherche d’agriculture raisonnée moins dépendante des pesticides. Cela fait autant de graines en moins dans le sol à alimenter les infestations les années suivantes. Mais la technique ne marche pas sur toutes les graines, celles de vulpin, par exemple, résistant à la destruction. D’autre part, l’équipement emprunte de la puissance à la moissonneuse-batteuse et nécessite une largeur de coupe réduite avec un débit de chantier ralenti. À Auverneaux, dans l'Essonne, l’ETA Galpin propose l’utilisation du dispositif comme prestation avec un surcoût de l’ordre de 30 euros de l’hectare pour la moisson. Les retombées du broyage de menues pailles se font ressentir au bout de quelques années sur les infestations d’adventices. Une expérimentation est en cours avec la chambre d’agriculture.
L’entreprise Javelot propose une sonde connectée de relevés de température du stockage de grains. L’autonomie de la sonde est de cinq ans avec une mise à disposition pour 149 euros par an et par sonde. L’entreprise conseille l’utilisation d’une sonde toutes les 100 à 300 tonnes de stockage.
Idée séduisante au départ, le boîtier Keyfield est présenté comme facilitant la gestion de ses stocks de produits phytosanitaires, avec une mesure des quantités de produits utilisées à chaque traitement. Mais les essais réalisés mettent en évidence des dysfonctionnements importants du boîtier, rendant encore problématique son utilisation sur le terrain. Les nouvelles technologies nécessitent parfois un certain laps de temps de mise au point avant de répondre utilement aux agriculteurs.
Météoprec pour valider les services de météo connectée
Les stations météo connectées se multiplient. Arvalis les testent, en connexion avec des outils d’aide à la décision. Quelle fiabilité et valorisation attendre de ces données météo dans les outils d’aide à la décision ? Porté par l’Acta, le projet Météoprec doit répondre à ces questions avec des résultats courant 2021. Pour ce faire, des cas d’étude ont été choisis comme la prévision de phénomène pilotée par la température (phénologie du blé tendre), la prévision de risques bioagresseurs sous influences de la pluie et de la température (mildiou de la pomme de terre, septoriose du blé, limaces) et la prévision de l’état hydrique des sols pilotée par la pluie et l’ETP (pilotage irrigation en maïs). Le projet Météoprec étudie les outils basés sur une météorologie issue des technologies les plus récentes et doit en évaluer la plus-value.
« Des économies de temps et une meilleure efficacité de travail »
« Divers outils d’agriculture numérique sont en test sur notre exploitation, par exemple pour la modulation intraparcellaire d’apports azotés en grandes parcelles. C’est le type de service d’agriculture raisonnée qui peut générer des gains économiques et nous rendre plus crédibles sur le plan environnemental. Mais nous utilisons déjà des outils d’agriculture de précision, comme le guidage RTK depuis 2006 pour les semis et le binage. J’estime à 10 % le gain en carburant et en temps de travail permis par ce guidage. Nous avons 150 hectares de surface irrigable sur notre exploitation. Depuis cette année, j’utilise l’outil Orcatrack qui permet de suivre et localiser les rampes d’irrigation à distance sans devoir se déplacer. Il mesure en même temps les apports d’eau permettant ainsi une traçabilité de l’irrigation. Cet outil fait gagner en temps de surveillance de l’irrigation. Nous stockons nos récoltes et, pour cela, nous disposons de sondes de mesure de températures connectées pour des déclenchements automatiques de ventilation. Depuis peu, nous avons aussi une station météo et des sondes tensiométriques couplées à des outils d’aide à la décision (Mileos, OptiProtect, pour l’irrigation). C’est ce qui me paraît le plus prometteur avec un retour financier potentiellement important. Ces outils nous rendent plus efficients sur les interventions. Enfin, avec nos sols très hétérogènes, je vais tester cet automne la modulation de densité de semis avec l’aide d’une carte de potentiel de nos sols obtenue par mesure de résistivité. »
Gaec à Boutigny-sur-Essonne, avec Nicolas et Clotilde Hottin ; cultures de blé tendre, betterave, colza, orge de printemps, pomme de terre (plants), orge hybride (semences), chanvre et quinoa.