INTERVIEW
« La dynamique de féminisation de l'agriculture va se poursuivre »
INTERVIEW
La sociologue souligne la démarche de professionnalisation des femmes en agriculture, qui accèdent de plus en plus nombreuses au statut d'exploitante agricole.
La part des femmes chefs d'exploitation est passée de 12% en 1988 à 27% en 2010. Comment expliquez-vous cette évolution ?
Ce phénomène est lié à différents facteurs de changement tels que l'évolution des statuts juridiques des exploitations et la diversification des activités professionnelles dans l'agriculture. C'est aussi à rapprocher du mouvement d'individualisation qui touche le monde agricole. Celui-ci a contribué à recomposer les rapports au sein des familles et des couples pour ce qui concerne l'organisation du travail sur les exploitations. Auparavant, la logique familialiste qui prévalait déterminait une affectation aux différents membres de la famille en fonction de leur statut. Cette logique perd du terrain au profit d'une logique entrepreneuriale. Les femmes ont acquis un statut, les conjointes s'inscrivent dans une démarche de professionnalisation. Les femmes sont de plus en plus nombreuses à exercer une activité hors de l'exploitation, et celles qui restent sont plus nombreuses à exercer en tant qu'exploitante. Les épouses sont de moins en moins des collaboratrices.
On ne devient donc plus exploitante seulement lorsque le mari part à la retraite ?
Non. En 2010, seulement 17 % des exploitantes ont repris l'activité professionnelle de leur conjoint. Dans les nouvelles générations, les femmes sont plus nombreuses à s'installer à titre individuel. Elles aspirent à une carrière agricole au même titre que les hommes et s'inscrivent elles aussi dans une logique d'entreprise et de rentabilité.
Comment les femmes font-elles évoluer le métier ?
Elles impulsent plusieurs dynamiques, à commencer par le surinvestissement professionnel. L'imbrication vie familiale - vie privée est moins marquée chez les agricultrices qui ont créé leur propre entreprise. Il y a aussi des différences au niveau des orientations productives et des formes organisationnelles du travail. Les femmes installées en individuel ont plus recours à la main-d'oeuvre salariée. Chez les hommes dans le même cas, on retrouve plus souvent une main-d'oeuvre sans coût visible, telle que l'entraide familiale ou entre voisins.
Les inégalités homme-femme sont-elles encore une réalité en agriculture ?
Oui, et dès l'entrée en formation. Lorsque les jeunes filles se présentent pour une demande d'admission, elles n'ont pas la priorité. Il arrive qu'au cours des recrutements, on leur propose de s'orienter vers des formations plus traditionnellement réservées aux filles. Elles doivent également présenter des attributs initiaux qui les prédisposent à s'orienter vers l'agriculture, comme avoir un gabarit de type masculin. C'est encore plus difficile pour celles qui ne peuvent pas reprendre l'exploitation familiale ou qui ne sont pas issues du milieu agricole. L'accès aux stages est aussi plus complexe, car le référentiel masculin prévaut chez les exploitants, pour qui les garçons sont davantage légitimes.Mais la formation agricole est celle qui a le plus évolué en termes de mixité, et cette féminisation montre que cette dynamique va se poursuivre avec les générations qui arrivent.
Vous évoquez également des difficultés à l'installation...
Les femmes héritent moins que les hommes de l'exploitation familiale. Il leur faut donc accéder aux terres par voie directe. Sur le marché concurrentiel des ressources foncières, la tendance est à privilégier les jeunes hommes sortant des lycées agricoles. Les femmes se retrouvent avec de plus petites unités de production. Dans ces conditions, avec un apport financier moindre, il existe une certaine méfiance des banquiers à leur égard. L'accès au prêt est plus complexe. Certaines passent par des coopératives de production pour avoir assez de fonds et mener à bien leur installation. Leurs traites étant plus importantes que celles des hommes, cela rend plus fragile économiquement le démarrage de leur activité.
Ce phénomène est lié à différents facteurs de changement tels que l'évolution des statuts juridiques des exploitations et la diversification des activités professionnelles dans l'agriculture. C'est aussi à rapprocher du mouvement d'individualisation qui touche le monde agricole. Celui-ci a contribué à recomposer les rapports au sein des familles et des couples pour ce qui concerne l'organisation du travail sur les exploitations. Auparavant, la logique familialiste qui prévalait déterminait une affectation aux différents membres de la famille en fonction de leur statut. Cette logique perd du terrain au profit d'une logique entrepreneuriale. Les femmes ont acquis un statut, les conjointes s'inscrivent dans une démarche de professionnalisation. Les femmes sont de plus en plus nombreuses à exercer une activité hors de l'exploitation, et celles qui restent sont plus nombreuses à exercer en tant qu'exploitante. Les épouses sont de moins en moins des collaboratrices.
On ne devient donc plus exploitante seulement lorsque le mari part à la retraite ?
Non. En 2010, seulement 17 % des exploitantes ont repris l'activité professionnelle de leur conjoint. Dans les nouvelles générations, les femmes sont plus nombreuses à s'installer à titre individuel. Elles aspirent à une carrière agricole au même titre que les hommes et s'inscrivent elles aussi dans une logique d'entreprise et de rentabilité.
Comment les femmes font-elles évoluer le métier ?
Elles impulsent plusieurs dynamiques, à commencer par le surinvestissement professionnel. L'imbrication vie familiale - vie privée est moins marquée chez les agricultrices qui ont créé leur propre entreprise. Il y a aussi des différences au niveau des orientations productives et des formes organisationnelles du travail. Les femmes installées en individuel ont plus recours à la main-d'oeuvre salariée. Chez les hommes dans le même cas, on retrouve plus souvent une main-d'oeuvre sans coût visible, telle que l'entraide familiale ou entre voisins.
Les inégalités homme-femme sont-elles encore une réalité en agriculture ?
Oui, et dès l'entrée en formation. Lorsque les jeunes filles se présentent pour une demande d'admission, elles n'ont pas la priorité. Il arrive qu'au cours des recrutements, on leur propose de s'orienter vers des formations plus traditionnellement réservées aux filles. Elles doivent également présenter des attributs initiaux qui les prédisposent à s'orienter vers l'agriculture, comme avoir un gabarit de type masculin. C'est encore plus difficile pour celles qui ne peuvent pas reprendre l'exploitation familiale ou qui ne sont pas issues du milieu agricole. L'accès aux stages est aussi plus complexe, car le référentiel masculin prévaut chez les exploitants, pour qui les garçons sont davantage légitimes.Mais la formation agricole est celle qui a le plus évolué en termes de mixité, et cette féminisation montre que cette dynamique va se poursuivre avec les générations qui arrivent.
Vous évoquez également des difficultés à l'installation...
Les femmes héritent moins que les hommes de l'exploitation familiale. Il leur faut donc accéder aux terres par voie directe. Sur le marché concurrentiel des ressources foncières, la tendance est à privilégier les jeunes hommes sortant des lycées agricoles. Les femmes se retrouvent avec de plus petites unités de production. Dans ces conditions, avec un apport financier moindre, il existe une certaine méfiance des banquiers à leur égard. L'accès au prêt est plus complexe. Certaines passent par des coopératives de production pour avoir assez de fonds et mener à bien leur installation. Leurs traites étant plus importantes que celles des hommes, cela rend plus fragile économiquement le démarrage de leur activité.