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La diversification végétale offre de multiples facettes

À l'occasion d'une enquête, près de 200 agriculteurs ont apporté leur perception sur cinq pratiques de diversification végétale : rotation avec plus de trois cultures, introduction de couverts végétaux, cultures associées, infrastructures agro-écologiques et agroforesterie .

Utiliser la diversité végétale pour concevoir des systèmes de culture résilients et économes » : le projet DiVéRE mené par quatre écoles d'ingénieurs en agriculture(1) a consisté à interroger dans cinq régions 196 agriculteurs engagés dans des pratiques de diversification végétale, le plus souvent avec un objectif de réduction des intrants. Comment ces agriculteurs jugent-ils les cinq pratiques de diversification végétale qui ont été identifiées ? Réalisée sous la houlette de Florian Célette, de l'unité agro-écologie et environnement à l'Isara Lyon, la synthèse finale de l'étude donne les réponses.

Rotations diversifiées : longues ou courtes

La diversification végétale peut trouver sa traduction dans la rotation culturale. Dans l'enquête était considérée comme « diversifiée » une rotation avec au moins trois espèces cultivées. Deux grandes stratégies y ont été identifiées. La première consiste à mettre en place une rotation longue, supérieure à six ans avec l'insertion d'une prairie temporaire, luzerne ou autre. La valorisation de la prairie nécessite un élevage de proximité ou sur l'exploitation même. Agronomiquement parlant, une prairie trouve son intérêt dans la limitation de l'enherbement et comme source d'azote pour les cultures suivantes. Le deuxième type de rotation diversifiée comprend des rotations courtes, trois à six ans, sans prairie mais avec souvent une présence augmentée de protéagineux. Pour les deux types de rotation, la diversification des cultures permet de diminuer l'utilisation d'intrants, de mieux répartir les charges de travail dans l'année et de produire des cultures à forte valeur ajoutée.

Couverts d'interculture : des contraintes techniques

Logique : avec l'impact réglementaire du classement de secteurs en zones vulnérables mais aussi pour l'intérêt agronomique qu'ils apportent, les couverts végétaux insérés en interculture représentent la pratique diversifiante la plus répandue parmi les 196 agriculteurs enquêtés. Ils recouvrent une grande diversité de pratiques. Les couverts sont le plus souvent valorisés comme engrais vert ou comme culture dérobée (pour une fauche ou un pâturage), avec un choix d'espèces et de date d'implantation en conséquence. Des contraintes émergent dans la mise en place de cette technique : le temps de travail supplémentaire lié à la gestion de ces couverts et les moyens de leur destruction dans les situations sans labour. Pour seulement 30 % des agriculteurs enquêtés, les couverts apportent un impact positif sur la marge brute de leur système de culture.

Associations de cultures : minoritaires mais rentables

L'association de cultures est appliquée par une minorité d'agriculteurs, même quand ils sont engagés dans la diversification végétale, une dizaine seulement dans les 196 enquêtés. Deux grands types d'associations sont identifiés. Les plantes compagnes (couverts associés) dites aussi associations « en relais » sont perçues comme peu contraignantes sans reconception du système. Mais elles demandent un certain niveau de technicité, notamment dans la maîtrise de l'implantation des cultures associées. Autre type d'association, celle dite « en vrac » ou en simultané qui aboutit à la récolte des deux cultures. Le problème du tri est apparu comme le principal frein à l'introduction de cette technique, à cause du coût élevé du matériel, les collecteurs proposant peu ce service. Ce sont majoritairement les éleveurs qui valorisent la production des cultures associées pour l'alimentation de leur bétail, avec le méteil notamment. Même si elle est peu retenue dans la réalité, l'association de cultures est la pratique diversifiante qui a le meilleur impact perçu sur la marge brute, avec la rotation diversifiée.

Infrastructures agro-écologiques : faible impact positif

Haies, bandes enherbées, jachères fleuries... les infrastructures agro-écologiques (IAE) sont un mode de diversification périphérique aux cultures et elles sont très présentes parmi les 196 exploitations enquêtées. La mise en place de bandes enherbées ou de jachères fleuries est souvent d'ordre réglementaire et les agriculteurs en attendent peu généralement (en dehors de celles cassant les pentes de coteaux pour lutter contre l'érosion) tout en veillant à ce qu'elles soient peu contraignantes techniquement. Elles se positionnent souvent dans des zones peu productives. Quant aux haies, elles sont dans la grande majorité des cas, un « héritage » à entretenir. Peu d'agriculteurs enquêtés les ont plantées eux-mêmes. Les exploitants y voient plusieurs formes de valorisation : engendrer une production complémentaire de bois énergie ou de bois raméal fragmenté, créer un habitat favorable à la biodiversité et en particulier pour les organismes auxiliaires des cultures, participer au patrimoine en conservant ces paysages de haies propres à une région... Pour une grande majorité des agriculteurs, ces IAE ne participent pas à l'amélioration de la marge brute. Seuls 15 % des enquêtés y perçoivent un impact positif.

Agroforesterie : début du développement

La technique de l'agroforesterie est peu représentée dans l'échantillonnage de l'enquête. Les plantations sont souvent récentes. Les agriculteurs qui y ont recours y trouvent leur intérêt, avec par exemple des arbres à valoriser par leur production de fruits ou leur bois. La technique s'inscrit aussi dans une démarche de couverture maximale du sol. La plantation d'arbres peut être l'occasion de mettre en place un système sylvopastoral pour les exploitations comportant un atelier élevage. Dans tous les cas, l'investissement élevé de la plantation des arbres et le temps d'entretien important qu'ils demandent constituent de fortes limites au développement de l'agroforesterie.

1) Étude Fésia, réseau de quatre écoles d'ingénieurs en agriculture : l'ESA (Angers), l'ISA (Lille), Purpan (Toulouse) et l'Isara (Lyon).

 

Voir aussi article " La monoculture de maïs à l'épreuve de la diversification ".

 

Des effets de la diversification végétale rarement négatifs

  • La plupart des agriculteurs perçoivent une diminution ou une stabilisation de leurs apports de fertilisants et de produits phytosanitaires. Précisément, 58 % des agriculteurs enquêtés voient une diminution de leur indice de fréquence de traitement (IFT) et 53 % une baisse de leurs apports d'engrais azotés. Ces apports diminuent en plus avec le degré de diversification végétale.
  • Les rotations allongées et les associations de cultures sont les pratiques diversifiantes qui augmentent le plus la marge brute, selon les agriculteurs enquêtés. Les infrastructures agro-écologiques (IAE) montrent peu d'effets en revanche sur cette marge.

Enquête réalisée auprès de 196 agriculteurs en Nord-Pas-de-Calais, Aquitaine, Midi-Pyrénées, Pays de la Loire et Rhône-Alpes, Source Fésia.

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