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Jusqu’à 80 % d’herbicides en moins grâce à la pulvé ultralocalisée

La pulvérisation ultralocalisée ciblant uniquement les mauvaises herbes apparaît comme une piste pour réduire de manière drastique les quantités de produits phytosanitaires appliquées.

La pulvérisation ciblée sur l’adventice semble être une des solutions pour diminuer les quantités de bouillie appliquées. Les promesses d’économies sont d’ailleurs très séduisantes, car elles atteignent 80 %. Le procédé présente aussi le grand intérêt de ne pas pénaliser la culture en place, en l’épargnant de tout contact avec le produit phytosanitaire. Il passe par une parfaite identification des plantes grâce à des capteurs ou caméras, dont le niveau de performance varie entre les marques. Amazone, Garford et Trimble utilisent, par exemple, le principe on/off consistant à appliquer l’herbicide sur les adventices détectées sur le sol nu.

D’autres firmes, aux dispositifs plus perfectionnés, à l’instar de l’AICPlus d’Agrifac et de l’I-Spray de Kuhn, ouvrent la voie vers un traitement sélectif des adventices au milieu de la culture. La technologie d’ultralocalisation se valorise également dans différents domaines. Par exemple, le module Weedseeker de Trimble est, lui, surtout employé en viticulture et arboriculture pour les traitements sur le rang et l’interrang, ainsi que pour l’épamprage chimique (détection des gourmands sur les troncs). Ce procédé équipe aussi les exploitations maraîchères pour l’apport localisé d’engrais foliaire. Il se retrouve également sur les trains désherbeurs et, dans ce cas, fait l’objet d’un montage spécifique pour travailler à grande vitesse jusqu’à 40 km/h. La buse est en effet positionnée plusieurs mètres derrière l’unité de détection.

Des principes effectifs uniquement sur sol nu

Amazone fait appel, pour sa solution AmaSpot, à une rampe spécifique, d’une largeur de travail de 24 mètres, pourvue de capteurs GreenSense détectant la végétation et de buses PWM à pulsation électrique. Son procédé, disponible sur les pulvérisateurs traînés UX de 4 200 et 5 200 litres, équipe pour le moment quelques appareils de présérie livrés en Russie et au Kazakhstan. Il utilise des capteurs de fluorescence, développés par la société néerlandaise Rometron, qui émettent des rayons infrarouges pour reconnaitre la chlorophylle et différencier ainsi les adventices du sol nu.

Les buses PWFM à injection d’air à faible dérive, fournies par la firme allemande Agrotop, présentent une fréquence de 50 hertz garantissant une grande réactivité (50 ouvertures et fermetures par seconde). Amazone annonce d’ailleurs une précision centimétrique jusqu’à 20 km/h, même de nuit. Le module Weedseeker de Trimble utilise également des capteurs à infrarouges. Il se caractérise par sa conception monobloc intégrant l’unité de détection des adventices et la buse de pulvérisation. Une fois la plante localisée sur le sol nu, la buse, positionnée 20 cm derrière le capteur, pulvérise le produit phytosanitaire sur la cible. Le gain d’herbicide annoncé peut atteindre 70 %, selon le type d’application, par rapport à un traitement en plein.

Le débit de chantier s’avère intéressant grâce à l’allure maximale de travail de 16 km/h. L’équipement d’un pulvérisateur de grandes cutures demande de monter plusieurs Weedseeker, car chaque module balaye une bande de 30 cm de large. Des ensembles mesurant jusqu’à 40 mètres fonctionnent, par exemple, en Australie, en Amérique du Sud et en Russie. « Dans ces pays aux terres arides et aux vastes plaines, le traitement sélectif permet de réaliser d’importantes économies de bouillie, donc d’eau. La réduction du nombre d’opérations de remplissage est le principal objectif, car il favorise le débit de chantier », indique Séverine Brisset, responsable commerciale chez Trimble.

Identifier les adventices dans la végétation

Les solutions actuellement testées par Agrifac et Kuhn consistent à identifier les adventices dans la végétation, ou sur sol nu, et à les différencier entre elles. Elles élargissent ainsi la plage d’utilisation, gage de plus grandes économies de phytos, et permettront, à terme, d’adapter la molécule à la plante à détruire. Cette pratique révolutionnaire passera certainement par l’utilisation de systèmes d’injection directe, qui demeurent encore à mettre au point pour garantir une parfaite réactivité.

Afin d’atteindre ce niveau de performance, les deux constructeurs retiennent des caméras dont les images sont traitées par des logiciels à intelligence artificielle. Les analyses instantanées permettent d’appliquer la bouillie uniquement sur les adventices et de cartographier simultanément leur présence dans la parcelle. La pulvérisation ultralocalisée est, quant à elle, assurée par des buses à pulsation (technologie PWM) à pilotage électrique individuel par solénoïde (électroaimant). Le procédé AICPlus d’Agrifac est aujourd’hui en test sur trois appareils, dont un aux Pays-Bas et deux en Australie. Sa commercialisation est prévue dans deux ans et son montage sera possible sur des automoteurs Condor déjà en service. L’objectif du constructeur néerlandais est d’intégrer cinq modules d’injection directe, afin d’utiliser la molécule appropriée à chaque mauvaise herbe rencontrée.

Un passage supplémentaire à prévoir

L’AICPlus d’Agrifac s’appuie sur des caméras RVB fournies par la société française Bilberry. Celles-ci, de type industriel, voient la lumière en trois bandes (rouge, vert et bleu), comme l’œil humain. « Notre solution est capable de détecter les mauvaises herbes dans la culture à une allure de 25 km/h. Cette vitesse peut paraître importante en France, mais elle est indispensable en Australie où nos matériels fonctionnent sur des milliers d’hectares », indique Guillaume Jourdain, co-fondateur et PDG de Bilberry. Le chef d’entreprise annonce, qu’au pays des kangourous, les économies de phytos dépassent les 80 % avec la pulvérisation ultralocalisée. Il reconnaît cependant qu’en moyenne trois passages sont nécessaires quand deux suffiraient avec un traitement sur l’intégralité de la surface. Heureusement, le gain en produits finance largement l’intervention supplémentaire.

Autre concept, l’I-Spray de Kuhn résulte d’un partenariat avec la société française Carbon Bee. Celle-ci fournit les capteurs hyperspectraux surveillant en permanence la végétation. Ces composants, dénommés AQiT-Sensor, identifient les adventices parmi la biomasse et les différencient entre elles. Les caméras utilisées, à 256 longueurs d’ondes (du proche infrarouge jusqu’à l’ultraviolet), sont réparties sur la rampe avec un écartement de trois mètres et autorisent une allure de travail de 18 km/h. Pour la partie pulvérisation, Kuhn s’appuie notamment sur son nouveau dispositif Autospray composé de buses PWM (fréquence de 20 hertz). L’i-Spray, dévoilé au Sima 2019, va poursuivre ses différentes phases de tests sur le terrain avant toute annonce de date commercialisation. Le prochain acteur français dans le domaine de la pulvérisation ultralocalisée sera certainement Berthoud, avec qui Bilberry vient de signer un partenariat.

Caméra double action chez Garford

Chez Garford, la rampe de pulvérisation ultrasélective Robocrop SpotSpray est conçue pour éradiquer les repousses de pommes de terre dans les cultures d’oignons et de carottes, notamment. Elle permet, selon la firme britannique, de n’utiliser qu’un pour cent de la dose normalement appliquée en plein (à relativiser en fonction du niveau d’infestation). Les caméras utilisées jouent deux rôles. Elles servent en effet au guidage automatique, ainsi qu’à la détection des adventices au feuillage plus large. Dès qu’elles identifient une repousse de pommes de terre, elle déclenche l’ouverture et la fermeture des buses concernées pour réaliser un traitement ultralocalisé avec un herbicide non-sélectif, comme le glyphosate. L’unité Robocrop SpotSpray peut également s’utiliser pour un apport localisé d’engrais foliaire. Elle s’attelle sur le relevage avant du tracteur et autorise une vitesse de travail de 7 km/h. À cette allure, il suffit de 80 litres de bouillie pour une journée de 7 heures de pulvérisation localisée en cas d’enherbement normal, selon Vincent Burens de la société Novaxi, importateur exclusif de Garford en France.

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