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Fusariose de l’épi : adapter la lutte sur céréales dans un contexte réglementaire incertain

Mesures agronomiques, choix variétal, optimisation des traitements fongicides : la combinaison des différents leviers est incontournable pour lutter efficacement contre la fusariose.

Maladie des céréales. Fusariose sur blé. Symptômes sur épi. Témoin non traité, n'ayant pas reçu de fongicide pour lutter contre le champignon pathogène.
L’humidité au moment de la floraison favorise le développement de la fusariose sur épi.
© V. Marmuse

Une baisse des rendements et un risque de développement de mycotoxines : la fusariose de l’épi sur céréales peut porter un double préjudice aux cultures de céréales. Les conditions climatiques au moment de la floraison, le précédent cultural ou encore la quantité de résidus de surface, sont des facteurs favorables au développement de la maladie. Plusieurs leviers de lutte s’offrent à l’agriculteur pour limiter les risques de propagation.

Le levier agronomique est le premier moyen à privilégier. « Il n’y a pas de traitement curatif efficace contre la fusariose, et même en préventif, aucun produit fongicide ne permet de complètement protéger les épis en cas d’attaque », avance Samuel Alexandre, conseiller en productions végétales à la chambre d’agriculture du Nord-Pas-de-Calais. En outre, des phénomènes de résistance plus ou moins marqués à l’action des produits sont constatés. D’après Arvalis, les meilleures protections atteignent 60 % à 70 % d’efficacité. La limitation des risques de contamination passe tout d’abord par une bonne gestion des résidus de récolte du précédent et le broyage puis l’incorporation des pailles dans le sol. « Lorsqu’il y a eu un maïs avant la céréale, un travail du sol, voire un labour, est nécessaire », assure Samuel Alexandre.

Abaissement réglementaire des seuils en mycotoxines

Comme bien souvent en matière d’agronomie, l’allongement des rotations est aussi un moyen de se prémunir de la maladie. « Auparavant, je cultivais 120 hectares de maïs sur les 170 que représente la surface totale de mon exploitation, explique Luc Bugnon, agriculteur à Saint-Ciers-sur-Gironde, en Gironde. Ce ratio augmentait le risque de développement de la fusariose sur les céréales. » Pour pallier le problème, il a allongé sa rotation et cultive désormais quatre cultures réparties équitablement (45 ha de soja, 45 ha de blé, 45 ha de maïs, 25 ha de tournesol). Il ne sème plus de blé derrière le maïs mais privilégie le soja en tant que précédent de la céréale.

Le choix variétal représente également un levier efficace dans la lutte contre la fusariose. « Cette année, j’ai choisi la variété de blé tendre KWS Ultim pour son comportement peu sensible à la fusariose mais aussi à la rouille jaune, indique Luc Bugnon. Je suis très vigilant dans mon choix variétal car, en cas de pression importante, le rendement est impacté et la qualité du grain dégradée. Le déclassement de la récolte en blé fourrager a des répercussions financières trop conséquentes pour prendre des risques. » Un enjeu d’autant plus important que les seuils minimaux concernant la quantité de mycotoxines à ne pas dépasser pour les blés destinés à l’alimentation humaine et animale ont été abaissés par la réglementation européenne. Ils passent de 1 250 microgrammes par kilo (µg/kg) à 1 000 µg/kg en blé tendre et de 1 750 µg/kg à 1 250 µg/kg en blé dur.

Une protection fongicide qui reste nécessaire

Toutes les régions de France ne sont pas concernées dans les mêmes proportions. « Dans notre région, les producteurs de blé sont très vigilants, constate Philippe Mouquot, chargé de mission grandes cultures à la chambre d’agriculture de la Gironde. L’influence océanique occasionne des pluies fréquentes, au mois de mai au moment de la période à risque qu’est la floraison. Elle provoque des contaminations régulières des champignons pathogènes notamment des espèces Fusarium graminearum et Michrodochium nivale. » Dans le Nord, la maladie se fait moins fréquente du fait du réchauffement climatique. « Le dernier épisode sévère avec des déclassements de récoltes date de 2016, avance Samuel Alexandre. Pour savoir s’il est judicieux d’intervenir ou non, on base nos préconisations sur la grille d’évaluation proposée par Arvalis. » Il constate que de plus en plus souvent, les pluies surviennent après la période de floraison.

Pour Philippe Mouquot, la protection fongicide reste toutefois un moyen de lutte à ne pas négliger quand le risque est présent à épiaison. « Généralement, un seul passage suffit à contrôler la fusariose, avec un produit qui associe le tébuconazole au prothiocanazole, conseille-t-il. Pour mieux couvrir la période de floraison, qui dure une quinzaine de jours, le fongicide peut être fractionné. Cependant, l’application à la dose pleine homologuée montre une meilleure efficacité du traitement. »

Sur ses parcelles de blé, lorsque les conditions météo justifient un traitement fongicide, Luc Bugnon privilégie pour l’instant une spécialité commerciale à base de tébuconazole pour son rapport qualité/prix. « J’utilise du Tébucur à la dose de 0,8 l/ha, la dose d’homologation étant de 1 l/ha », précise-t-il. Il privilégie en effet les interventions tôt le matin, pour profiter des conditions optimales de pulvérisation. « Cela augmente l’efficacité des produits et me permet de réduire la dose de produit phytosanitaire appliquée », assure l’agriculteur.

Le tébuconazole en sursis

Philippe Mouquot préconise par ailleurs d’utiliser, dans l’idéal, des buses à double fente de manière à couvrir intégralement l’épi. « Il ne faut pas chercher à traiter vite mais plutôt à bien couvrir l’épi, indique Luc Bugnon. Il faut également intervenir au bon moment. Nous réalisons le meilleur gain lorsque le produit est positionné dès la sortie des étamines. »

Reste à savoir jusqu’à quand la molécule de tébuconazole sera autorisée en Europe. S’il est encore possible de l’utiliser en 2023 et probablement en 2024 (l’étude de sa réhomologation au niveau européen est prévue fin juillet), la suite semble incertaine. « Si l’arrêt d’utilisation du tébuconazole se confirme, nous ne serons pas dans une impasse technique tant que nous avons le prothioconazole, qui reste la molécule de référence dans la lutte contre cette maladie de l’épi », rassure Philippe Mouquot.

Cependant, quid de son avenir et de l’apparition de résistances ? « Il n’est pas envisageable de baser la protection sur une seule molécule, rappelle le chargé de mission. C’est pourquoi nous étudions en parallèle différentes solutions de biocontrôle associées à un fongicide qui permettent de réduire la dose d’utilisation. » Des solutions de biocontrôle qui ne suffisent toutefois pas à garantir un blé sans mycotoxine répondant aux cahiers des charges des organismes stockeurs.

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