Aller au contenu principal

Des assurances chiffre d’affaires "made in coops"

Grande volatilité des prix des céréales et oléagineux, aléas climatiques jouant sur les rendements et sur la qualité... ces entraves à la stabilité du revenu des producteurs ont conduit certaines coopératives à proposer des solutions à leurs adhérents. Décryptage.

Et si on vous garantissait un chiffre d’affaires minimum à l’hectare ? C’est le principe même de l’assurance chiffre d’affaires. Il existe déjà l’assurance récolte pour couvrir sa production penseront certains, mais lorsque la fluctuation des prix est plus forte que celle des rendements, cette protection n’est plus suffisante. C’est pourquoi certains acteurs de l’assurance, en concertation avec des coopératives, ont mis au point des offres d’assurance chiffre d’affaires, couplant indirectement une assurance récolte et une assurance prix de vente. Le plus souvent, ces offres sont présentées aux agriculteurs par l’intermédiaire de leur coopérative. Certains opérateurs du secteur, tels que le courtier Aon ou Groupama, ont tenté voici quelques années de distribuer ces contrats en direct aux exploitants mais ont arrêté.

Axéréal, en région Centre, fait partie de ces coops qui ont développé ce type de produits. Elle propose depuis deux ans la « garantie production » à ses agriculteurs, grâce à son partenaire Bessé AssurAgri. « La volonté d’accompagner au mieux nos adhérents nous conduit à rechercher des services innovants à leur proposer », explique Thierry Renard, directeur de la communication d’Axéréal. La coopérative estime avoir "une bonne compréhension des besoins des agriculteurs". « C’est ainsi qu’est venue l’idée d’une garantie permettant d’assurer un certain niveau de chiffre d’affaires rapporté à la culture, et visant à couvrir les coûts de production, précise Nicolas Beaufils, responsable marketing services de la coopérative. L’assurance ne fonctionne pas à la parcelle mais bien à l’ensemble de la sole par culture. Pour autant, l’adhérent reste libre de couvrir tout ou partie de sa surface par culture. »

Des offres qui correspondent aux besoins des producteurs

Le contrat « garantie production » vise à assurer les cultures de blé, colza, orge et maïs. La démarche s’inscrit dans une logique de pérennité. « En cas d’année difficile, la couverture des coûts de production permet au producteur d’avoir une trésorerie préservée et de faire face à la campagne suivante avec sérénité. Dans certains cas, sans cette assurance, l’achat des intrants pourrait s’avérer compliqué l’année suivante », considère le responsable. Cette offre sécurise les coûts de production quel que soit l’aléa : qu’il soit climatique et qu’il joue sur le rendement, qu’il soit économique (baisse des prix), ou qu’il touche à un problème de qualité (comme en 2014 avec les temps de chute d'Hagberg particulièrement bas). Le calcul de l’indemnisation est assez simple, il correspond à la différence entre le chiffre d’affaires garanti et celui effectivement réalisé, sans franchise et sans seuil d’intervention. Une offre qui séduit les adhérents : « Pour les semis d’automne de la récolte 2016, plus de 5000 hectares sont couverts », révèle Nicolas Beaufils. Ce chiffre a été multiplié par trois en un an. L’augmentation attendue pour les cultures de printemps est encore plus forte.

L’assurance prix fait la différence avec l’assurance récolte

Même si elle poursuit un but proche de celui de l’assurance récolte, cette offre s’en différencie : elle a l’inconvénient de ne pas être subventionnable, mais l’avantage d’intégrer une "couverture prix". Pour le responsable marketing, « c’est une offre souple, très simple, sans expertise et sans franchise ». La baisse de chiffre d’affaires est constatée par le comptable, qui certifie aussi le rendement historique de référence (moyenne "olympique" sur cinq ans ne tenant pas compte de la meilleure et de la moins bonne année). La baisse de prix, qu’elle soit liée au marché ou à un problème de qualité, est constatée directement par la coopérative qui dispose de ces données pour chacun de ses adhérents. Le coût de production réel est approché grâce aux données de l’exploitation (charges opérationnelles et de structure). La seule obligation de l’adhérent est d’avoir une conduite culturale "normale" et de déclarer au fur et à mesure les aléas qui surviendraient. Le coût du service est fonction du niveau de chiffre d’affaires garanti. « Il se situe en moyenne à 50 euros par hectare pour le blé, un peu plus pour le colza et un peu moins pour l’orge », poursuit Nicolas Beaufils (voir exemple).

Des options possibles

Une option "resemis" est proposée pour 5 à 6 €/ha. Elle couvre la mise à disposition de la semence et un remboursement forfaitaire de 90 €/ha pour l’intervention matérielle. Concrètement, c’est la coopérative qui est l’interlocuteur car c’est elle qui est souscripteur du contrat et qui propose à ses adhérents de souscrire au contrat groupe. « Sur le maïs en 2015, à cause de la sécheresse, trois dossiers sur quatre vont être indemnisés. Des faits qui vont conforter les adhérents dans leur choix », estime le responsable marketing.

Axéréal n’est pas la seule coopérative à proposer ce type de service. Agora, dans l’Oise, permet aussi à ses adhérents de souscrire une "garantie chiffre d’affaires". 125 agriculteurs ont déjà fait ce choix en couvrant 5 000 hectares. « Sur la forme, nous préférons parler de garantie que d’assurance car nous ne sommes pas en concurrence avec les assureurs agricoles qui ne proposent pas cette couverture », précise Guillaume Paepegaey, responsable céréales chez Agora.

Objectif : couvrir ses coûts de production

La coopérative a proposé un premier contrat il y a trois ans mais son partenaire qui assurait la couverture du risque a arrêté l’offre. Depuis l’automne, l'entreprise a signé un contrat groupe, elle aussi avec le cabinet Bessé AssurAgri, et permet à ses adhérents d’y souscrire.  Le fonctionnement de l’offre est proche de celui de l’assurance d’Axéréal, avec une garantie prix, qualité, rendement, sans franchise ni seuil d’intervention. Le coût pour le producteur est évidemment fonction de la valeur de chiffre d’affaires couverte et des cours du marché des céréales. « Pour un hectare de blé, il faut compter entre 60 et 80 euros, mais si les cours montaient fortement, le coût de la garantie pourrait tomber entre 20 et 40 euros de l’hectare », remarque le responsable céréales. Avec un prix de l’offre supérieur dans l’Oise par rapport au Centre, on en déduit que le chiffre d’affaires à assurer à l’hectare est, lui aussi, supérieur dans l’Oise. Là encore l’objectif est bien de couvrir les coûts de production et non la marge de l’agriculteur. « Si c’était le cas, cela risquerait de biaiser le dispositif et de ne pas inciter l’agriculteur à produire », ajoute Guillaume Paepegaey.

Si elles nécessitent un investissement, ces offres permettent indéniablement d’assurer une certaine tranquillité aux producteurs.

" Je n’ai plus besoin ni de l’assurance récolte ni des outils du marché à terme "

Philippe Brohez, gérant d’exploitation de 640 ha à Mouchy-le-Châtel dans l'Oise, témoigne.

" Notre coopérative Agora nous a proposé sa 'garantie chiffre d’affaires' en 2015. J’ai rapidement été séduit par le service. Si je regarde en arrière sur quelques années, les prix fluctuent de plus en plus, les risques économiques sont aujourd’hui plus importants que les risques climatiques, que ce soit en valeur ou en fréquence. Il est vrai que la garantie chiffre d’affaires coûte presque le double de l’assurance récolte, mais ces deux assurances ne sont pas comparables. Auparavant je m’assurais en assurance récolte et en plus je prenais parfois des put ou des call, pour tenter de garantir mon prix de vente. Mais ces deux types de couverture avaient également un coût non négligeable. Je n’avais pas le temps de suivre le marché à terme tous les jours, je loupais les bons coups. Désormais je n’ai plus besoin ni de l’assurance récolte ni des outils du marché à terme. Et je vends tout mon blé à ma coopérative en prix moyen. Mon rendement historique est de 85 quintaux par hectare et j’ai choisi d’assurer 140 euros de la tonne, j’assure donc un chiffre d’affaires de 1190 euros par hectare (€/ha). Le service me coûte 75 (€/ha), soit 30 euros de plus que l’assurance récolte (avec la franchise ramenée à 5 %). C’est beaucoup mais pour assurer un revenu et le paiement des charges fixes, ça me paraît justifié. Cela fait 15 ans que nous réduisons les charges de l’exploitation et il est difficile de trouver de nouvelles sources d’économie. La garantie chiffre d’affaires permet d’assurer la pérennité de l’exploitation."

Les plus lus

<em class="placeholder">Culture de tournesol soufrant de la sécheresse.</em>
Changement climatique en Nouvelle-Aquitaine : « Une ferme charentaise descend de 8 km vers le sud tous les ans »

En 2050, les températures en Charente seront celles du sud de l’Espagne aujourd’hui, mais le volume de précipitation sera…

<em class="placeholder">Sans entretien, des arbres comme les saules marsaults peuvent envahir les fossés. Il faut les enlever pour permettre le bon écoulement de l&#039;eau.</em>
Fossé : comment l'entretenir dans les règles ?
Un fossé doit être entretenu pour permettre le bon écoulement de l’eau et réduire les risques d’inondations des parcelles…
<em class="placeholder">Paysage rural de l&#039;Artois. Parcelles cultivées, haies d&#039;arbres. Maisons au bord des champs. habitat rural. habitations à proximité des parcelles agricoles. maison à ...</em>
Reprise de terres dans l’Yonne : « J’ai dû attendre 8 mois du fait de la loi Sempastous alors que nous étions d’accord avec les cédants »

Romaric Bohajuc est agriculteur à Pacy-sur-Armançon, dans l’Yonne, où il cultive 360 hectares de cultures. Lors de la reprise…

<em class="placeholder">champ de betteraves sucrières avec le feuillage bruni à cause de la cercosporiose</em>
Betterave : les variétés tolérantes à l’assaut de la cercosporiose
La cercosporiose devient un problème majeur dans des situations plus nombreuses chaque année. Des variétés à haut niveau de…
<em class="placeholder">un agriculteur et son apprenti travaillent sur un semoir dans un champ</em>
Main-d’œuvre agricole : renforcer son équipe avec un apprenti
Patrick Mounier est un céréalier qui embauche régulièrement des apprentis. Florian Teillout est un salarié agricole qui a …
<em class="placeholder">Un fossé non entretenu ne joue pas son rôle d&#039;évacuation rapide de l&#039;eau quand une inondation survient.</em>
Entretenir les fossés pour réduire les conséquences des inondations sur les cultures

Le mauvais entretien des fossés a été parfois pointé du doigt pour expliquer les fortes inondations et une décrue trop lente…

Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 96€/an
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site Grandes Cultures
Consultez les revues Réussir Grandes Cultures au format numérique sur tous les supports
Ne manquez aucune information grâce à la newsletter Grandes Cultures