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Agroforesterie : diversifier les essences d'arbres pour optimiser les effets positifs pour les cultures et l'environnement

Refuges à auxiliaires, production de bois, amélioration du sol… La plantation de lignes d’arbres dans les champs apportera une multitude de services sur la culture et pour la rentabilité de l’exploitation agricole.

Noyers, peupliers, chênes, merisiers, charmes, frênes… Il pousse des arbres dans les champs. Sur 40 de ses 115 hectares, Stéphane Gatti n’a pas hésité à planter des arbres de plus de 20 essences différentes entre 2012 et 2018. Non loin d’Agen, les champs de l’agriculteur à Laplume dans le Lot-et-Garonne présentent de bonnes pentes. Les alignements d’arbres sont espacés de 25,5 mètres, suffisamment pour permettre le passage du pulvérisateur (rampe de 24 mètres) entre les rangs.

Mais pourquoi introduire des arbres au milieu des parcelles ? « Dès le début des années 2000, j’ai été sensibilisé au respect du sol en y intervenant le moins possible avec la pratique du semis direct et en recherchant l’amélioration du taux de matière organique. L’introduction des arbres y participe en plus des couverts végétaux que j’ai introduits entre les cultures, explique Stéphane Gatti. Pour mes premières plantations en 2012 (17,5 hectares), l’objectif était de limiter l’érosion de mes sols. C’était aussi d’apporter de la lignine au sol contribuant à sa meilleure structuration, à sa protection contre l’érosion et à l’amélioration du taux de matière organique. Les parcelles en agroforesterie se montrent moins sensibles à la sécheresse, ajoute l’agriculteur. Et avec la bande enherbée sur la ligne d’arbres, j’ai des auxiliaires gratuitement. Je n’utilise plus d’insecticides depuis 2009 ni de fongicide depuis trois ans. »

Production de bois raméal fragmenté avant le bois d’œuvre

Stéphane Gatti n’augmente pas le rendement de ses cultures sur ses parcelles avec les surfaces retirées pour les alignements d’arbres. « Mais j’augmente le rendement de ma parcelle globalement, par l’amélioration de l’enracinement. » Une partie de ses arbres sont dévolus à la production de bois d’œuvre à terme. Plus immédiatement, l’agriculteur en tire parti pour la production de BRF (bois raméal fragmenté) qu’il épand sur ses parcelles. Le choix de multiples essences réduit les risques sanitaires et permet des utilisations différentes selon les espèces. « Pour le bois d’œuvre, on n’abat qu’une partie des arbres. On ne fait pas table rase. Il restera toujours des arbres à un moment ou un autre sur la parcelle », ajoute Stéphane Gatti.

"Aller chercher des éléments nutritifs en profondeur"

En Champagne crayeuse, pas un arbre ne dépasse dans de nombreux secteurs cultivés. À Houdilcourt au sud des Ardennes, Stéphane Brodeur a commencé ses premières plantations d’arbres en agroforesterie en 2015 avec des essences variées selon les parcelles. « Avant de me lancer, je me suis informé. J’ai suivi quelques formations pour me persuader que je ne perdrai rien avec ces plantations et, qu’au contraire je pourrai y gagner un peu. » L’agriculteur est dans une démarche d’autonomie et il passe son exploitation agricole intégralement en production biologique à compter du 1er mai.
« Le nerf de la guerre en bio est de trouver de l’azote et du carbone. En plus des engrais verts que je cultive, les arbres contribueront à rendre ma ferme autonome en azote." Implanté sur des lignes tous les 30 mètres, Stéphane Brodeur compte sur les arbres « pour aller chercher des éléments nutritifs en profondeur, pour débloquer l’acide phosphorique de la craie, pour produire des mycorhizes qui contribueront à bien redistribuer les éléments dans le sol… » Les arbres doivent servir à la production de bois d’œuvre à terme mais Stéphane Brodeur compte en tirer parti pour la production de BRF restitués au sol. Grâce à diverses essences adaptées aux sols crayeux de la Champagne, il espère obtenir un équilibre sur les populations d’insectes auxiliaires et ravageurs.

La plantation d’arbres nécessite une préparation du sol avec un ou plusieurs passages de sous-soleuse sur la ligne de plantation et le passage d’autres outils pour ameublir le sol plus en surface. L’objectif est d’assurer la bonne implantation des arbres mais aussi de guider leur enracinement en profondeur de manière à concurrencer le moins possible celui des cultures. Les jeunes arbres récupérés généralement en pépinière sont plantés avec piquets et protections antigibiers.

« Pour l’entretien, les tailles de formation prennent d’une à deux heures par hectare et par an les dix premières années, estime Stéphane Gatti de sa propre expérience de plus de vingt ans. Pour la production de bois d’œuvre, il est nécessaire d’obtenir des arbres de haut jet sans nœud ni branche sur le tronc jusqu’à 4-5 mètres de hauteur. » Des études et estimations font état d’une productivité des arbres deux à trois fois supérieure à celle en forêt avec du bois d’œuvre qui peut rapporter de l’ordre de 20 000 euros de l’hectare.

Un impact sur le rendement des cultures

Les intérêts d’une plantation d’arbres sont multiples. « La production de bois d’œuvre montre une rentabilité à long terme assez incertaine, prévient Fabien Balaguer, directeur de l’association française d’agroforesterie. Le système agroforestier doit être pertinent sans cela. Les arbres sont pourvoyeurs de ressources par ailleurs (lire encadré). La profondeur de l’enracinement de l’arbre remet en circulation des éléments du sol inaccessibles pour les cultures et joue le rôle d’une pompe à nutriments. Les apports de racines et de feuilles en litière diffusent la matière organique du sol. L’arbre crée des voies d’infiltration pour l’eau et pour l’air et améliore la réserve utile du sol. »

Inévitablement, les arbres ont un impact sur le rendement des cultures. « L’effet est négatif aux abords d’une ligne d’arbres dans les deux à trois premiers mètres de part et d’autre de la ligne mais il est positif au centre des bandes de cultures et meilleur que s’il n’y avait ce microclimat généré par les arbres », analyse Fabien Balaguer. Mais il faut bien gérer ces alignements. « Un arbre mal géré prend de la place. En système agroforestier dans les champs, un arbre se doit d’être cultivé et entretenu pour être valorisé. »

Le système agroforestier doit être pertinent sans compter sur la production de bois d’œuvre à long terme

Les multiples vertus des arbres dans les champs

Protection et amélioration des sols. L’arbre offre une protection mécanique contre l’érosion liée au vent et au ruissellement. Il apporte au sol de la matière organique grâce à la décomposition de ses feuilles et de ses racines.

Infiltration de l’eau. L’arbre permet une meilleure capacité de stockage des eaux pluviales ainsi qu’une exploitation bonifiée des eaux souterraines. Il joue aussi un rôle épurateur sur une partie des éléments lessivés : nitrates, phytos…

Refuge à auxiliaires. Avec des essences variées, les arbres contribuent à favoriser la biodiversité en agriculture, en particulier en servant de refuges et de ressources alimentaires à des auxiliaires des cultures.

Pourvoyeur de ressources. L’arbre peut être valorisé de diverses manières : bois d’œuvre, bois énergie, bois raméal fragmenté (BRF), fruits…

Climat. La présence d’arbres atténue les extrêmes climatiques et leurs effets (coups de froids ou de chaud, sécheresse) et le stockage de carbone contribue à la lutte contre le réchauffement climatique.

EN CHIFFRES

Régénération des sols en mode TGV (1)

Stéphane Gatti, agriculteur à Laplume, Lot-et-Garonne

115 ha de SAU à 80 % en méteil (blé et féverole) dont 20 % vont être semés en sorgho, 10 % en colza et 10 % en féverole pure

40 ha en agroforesterie

Parcelles de 3 à 25 ha sur des terrains en pente

EN CHIFFRES

Une oasis en Champagne crayeuse (1)

Stéphane Brodeur, agriculteur à Houdilcourt, Ardennes, avec 1 salarié

230 ha : luzerne, tournesol, chanvre, mélange pois-orge, blés d’hiver et de printemps, triticale d’hiver et de printemps, avoine, petit épeautre, miscanthus (5,5 ha)

Passage intégral en bio à partir du 30 avril et adepte du non-labour

21 ha en agroforesterie (+ 23 ha à l’automne 2019)

À l’affût des aides publiques et privées

En contexte de cultures, un hectare en agroforesterie avec 50 à 60 arbres coûte de l’ordre de 1 000 euros à la plantation avec un tiers de fournitures (plants, paillages, protections), un tiers de conseil technique et un tiers dans la mise en place (préparation du sol, plantation) », selon Fabien Balaguer, de l’association française d’agroforesterie (AFA). Les aides financières ne manquent pas pour planter des arbres. Un financement public existe sur le second pilier de la PAC, la mesure 8.2 pour le soutien à l’installation et à l’entretien de système agroforestiers. « Cette mesure est régionalisée et n’est ouverte que dans une partie des treize régions comme l’Occitanie, la Normandie… Le financement couvre 80 % des frais de plantation, à savoir entre 15 et 20 euros par arbre, précise le spécialiste de l’AFA. Dans les régions qui n’ont pas ouvert la mesure PAC, des aides existent malgré tout, émanant de parcs naturels régionaux, de fédération de chasse… Par ailleurs, des fondations ou des mécénats sont susceptibles d’apporter des financements que l’AFA se charge de transformer en programmes d’aides à la plantation et dont le niveau est équivalent. » Fabien Balaguer note cependant que l’aide européenne reçoit peu de retours, entre 500 000 et 600 000 euros depuis 2015 pour une enveloppe de 7 millions d’euros pour la France sur l’ensemble de la période 2014-2020. « La mesure est extrêmement complexe avec des règles d’éligibilité sur les essences, la taille des parcelles, la densité d’arbres… Et l’inertie est énorme dans le traitement des dossiers avec des retards conséquents de paiements. Mais depuis 2015, en plus des aides PAC, 1 million d’euros a été consacré à l’agroforesterie, relève Fabien Balaguer. Il y a de l’argent mais il y a aussi de la demande avec une croissance chaque année. Notre association distribue 300 000 euros par an actuellement via des fondations et des mécènes. En 2015, c’était 120 000 euros. »

De l’argent des régions, fondations, agences de l’eau…

Confirmant cette diversité de sources de financement, Stéphane Gatti, agriculteur du Lot-et-Garonne, a obtenu l’aide PAC pour ses plantations de 2012 puis une aide de la fondation GoodPlanet via les associations Arbres et Paysages 32 et AFA en 2015 avec à chaque fois l’équivalent de 70 à 80 % des frais de plantation. En 2018, c’est la région Nouvelle Aquitaine qui a fourni le financement. « En 2012, j’avais reçu en outre 2 000 euros de la Fondation pour l’agriculture durable en Aquitaine suite à un concours, ce qui avait complété la couverture de mes frais », ajoute l’agriculteur.

Chez Stéphane Brodeur, dans les Ardennes, les deux premiers projets en 2015 et 2016 ont été financés avec l’aide de la région Champagne-Ardenne. Le troisième projet (2017-2018) a reçu un financement du groupe Engie Green au titre de la compensation de l’implantation d’éoliennes avec 100 % des frais de plantation et une indemnité de 2 400 euros par hectare sur dix ans pour compenser l’entretien des arbres et la perte de surface des alignements d’arbres sur la parcelle agricole. Se situant dans une zone de captage, un projet de plantation de 21 hectares à l’automne 2019 recevra le soutien financier de l’Agence de l’eau Seine Normandie.

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