De vraies innovations en herbicides céréales et colza
L’arrivée de nouvelles solutions herbicides avec parfois des molécules originales apporte une bouffée d’air frais aux rotations culturales à dominantes céréales et colza. Mais les moyens de lutte agronomiques et mécaniques restent de mise.
L’arrivée de nouvelles solutions herbicides avec parfois des molécules originales apporte une bouffée d’air frais aux rotations culturales à dominantes céréales et colza. Mais les moyens de lutte agronomiques et mécaniques restent de mise.
Se passer de la prélevée en colza ? La commercialisation par Corteva du produit Mozzar (= Belkar, halauxyfen-méthyl + piclorame) autorise cette nouvelle stratégie de désherbage. C’est le premier antidicotylédone à large spectre en post-levée en colza. « On déverrouille la post-levée grâce à ce produit qui est efficace sur gaillet, géranium et diverses autres espèces comme le coquelicot, le bleuet, le chardon-marie, la fumeterre, la mercuriale, l’ammi majus… Il peut permettre de s’affranchir d’un traitement en prélevée sur les dicotylédones et si l’infestation est faible en graminées », observe Frank Duroueix, Terres Inovia. Le produit Mozzar introduit une nouvelle famille chimique d’herbicide (groupe HRAC O) sur colza avec deux molécules qui s’apparentent aux hormones. « L’herbicide apporte un gain à la fois sur le niveau d’efficacité sur des dicotylédones et la régularité d’action, davantage qu’un traitement de prélevée exposé certaines années aux conditions sèches qui rendent aléatoire la performance. En plus, les produits utilisés en prélevée peuvent freiner la vigueur de démarrage des colzas, ce qui les rend plus vulnérables aux attaques d’altises », souligne Frank Duroueix. Les interventions de post-semis et de prélevée représentent entre 80 et 85 % des herbicides utilisés sur colza.
Traiter sur des colzas bien implantés et des adventices identifiables
« La post-levée est un stade où l’on pilote mieux la rentabilité avec un désherbage à vue, souligne Coline Sicaud, Corteva. On investit sur un colza une fois qu’il est bien implanté et l’on traite sur des adventices identifiables. » Mozzar s’utilise à 0,25 l/ha pour un coût de l’ordre de 40 euros. Dans des situations de pression moyenne à forte de graminées et de présence de matricaire et/ou de capselles — points faibles de Mozzar — un traitement de prélevée restera conseillé avec des produits à base de napropamide ou de métazachlore. Terres Inovia préconise une utilisation de Mozzar « pas avant le 1er octobre pour élargir son spectre et toucher le gaillet ainsi que les premières levées de véroniques et de matricaire ». Le produit s’utilise après le stade « 4 feuilles » du colza jusqu’à la reprise de végétation.
Pour la post-levée du colza, un autre nouveau produit est commercialisé : Fox (bifenox à 480 g/l). « Il s’emploie du stade '4-6 feuilles' jusqu’à début novembre. Il est efficace sur les jeunes plantes de mercuriale, fumeterre, moutarde, sisymbre et coquelicot. Il est performant aussi sur pensée ainsi que sur lycopsis et érodium lorsque ces plantes sont très jeunes », précise Frank Duroueix. « Pour compléter le spectre d’action, Fox peut être utilisé en mélange avec des solutions telles que Kerb Flo ou Ielo », indique Romain Tranquart, Adama. Il est utilisable à 1 l/ha pour un coût de 20 euros. Le produit est également autorisé sur céréales.
Du flufenacet à toutes les sauces sur céréales
Outre le colza, les céréales connaissent un regain d’innovations. « Le produit Mateno introduit une nouvelle famille d’herbicide avec l’aclonifen », présente Ludovic Bonin, Arvalis. L’herbicide se compose de trois molécules de familles chimiques différentes : flufenacet à 75 g/l, diflufenican à 60 g/l et aclonifen à 450 g/l. « Mateno n’est autorisé que sur blé tendre d’hiver, précise Éric Dabouineau, ingénieur régional chez Bayer CropScience. Il s’emploie à 2 l/ha en prélevée et post-levée précoce (1-3 feuilles de la céréale). Le positionnement idéal est à 1 feuille. C’est le meilleur produit anti vulpin du marché d’automne, affirme le spécialiste. Contre le ray-grass, il montre une efficacité intéressante. » Mateno présente une DVP de 20 mètres et est interdit sur sols drainés.
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Autre produit de Bayer associant le flufenacet à deux autres matières actives de famille différente, Xinia. Le diflufenicanil (171 g/l) fait partie de sa composition, ainsi que la métribuzine (64 g/l). « C’est un très bon produit d’automne anti vulpin et anti ray-grass et il se montre très performant associé au Défi (prosulfocarbe) », remarque Ludovic Bonin. À 0,7 l/ha, il s’utilise en post-levée précoce de la céréale, de 1 feuille à 3 feuilles étalées.
Dans la même veine, Merkur de la société Adama associe le flufenacet et le diflufenicanil à la pendiméthaline. C’est encore un très bon produit, à utiliser en solo ou associé à Défi ou Cortal, selon Ludovic Bonin. Son positionnement est étroit puisqu’il est homologué pour un traitement de post-levée à une feuille de la céréale. « Par rapport au produit Fosbury, il apporte 10 points de plus en efficacité sur ray-grass et 5 points de plus contre le vulpin, souligne Romain Tranquart. Merkur est utilisable sur toutes céréales à paille sauf le blé dur. »
Un cran au-dessus de Fosbury sur les efficacités
De son côté, BASF lance un nouveau produit associant le flufenacet au picolinafen : Pontos. « Il est équivalent à Fosbury, juge Ludovic Bonin. Il fonctionne bien sur ray-grass et vulpin en prélevée et post-levée précoce. » « Par rapport au flufenacet solo, Pontos apporte une efficacité additionnelle de 7 à 11 % sur vulpin et ray-grass, présente Hubert Vincent, BASF. Il fournit aussi un complément d’action sur des dicotylédones comme le coquelicot, le gaillet, la pensée, les véroniques, les repousses de colza… Il s’utilise de la prélevée à la post-levée précoce jusqu’à 3 feuilles des céréales. »
« Cela faisait longtemps qu’il n’y avait pas eu autant de nouveaux produits herbicides d’un coup sur céréales avec, en plus, une bonne valorisation technique, s’enthousiasme Ludovic Bonin. Des produits comme Xinia, Mateno et Merkur sont un cran au-dessus de la référence Fosbury sur les efficacités. En outre, deux herbicides appartenant à de nouvelles familles chimiques devraient arriver dans quelques années avec des actions antigraminées et dicotylédones. » L’horizon s’éclaircit un peu sur le désherbage chimique en céréales et en colza.
Des solutions herbicides pour contrer les résistances
33 % des utilisations d’herbicides en grandes cultures (ou colza + céréales) sont représentées par les inhibiteurs de l’ALS (groupe HRAC B)(1).
Des graminées (vulpins, ray-grass) ainsi que des dicotylédones (coquelicot, matricaire…) ont développé des populations résistantes aux herbicides du groupe HRAC B.
Le groupe HRAC A est représenté par les herbicides inhibiteurs de l’ACCase. Ce sont des antigraminées foliaires sur lesquelles se sont développées des populations résistantes de vulpin, de ray-grass, de folle-avoine…
Pour contrer les résistances aux herbicides des groupes A et B, il reste quelques autres familles chimiques en céréales et en colza, parfois différentes entre les deux cultures. Alterner tous ces modes d’actions permet de réduire les risques d’émergences de nouvelles résistances.
(1) Herbicide Resistance Action Committee.Diversifier les modes de destruction entre colza et céréales
10 à 20 % des colzas reviennent tous les deux ans et 30 à 40 % tous les trois ans en rotation avec des céréales à paille. 95 % des colzas suivent un blé ou une orge. La gestion des adventices est délicate dans ces rotations très tendues.
Avant le semis de colza, il y a très peu de marge de manœuvre pour intervenir agronomiquement contre les adventices. Le colza est semé avant la période préférentielle de levée des graminées comme le ray-grass. Les interventions doivent se faire avant les semis de blé ou d’orge.
Le faux-semis est la première chose à faire, avec une préparation du sol assez fine pour que les graminées puissent germer de septembre jusqu’au semis des céréales. Le glyphosate est le meilleur complément du faux-semis pour détruire les levées d’adventices. Sinon, un outil à dent assurera une bonne destruction mécanique.
Le recours au labour sera utile contre les adventices mais pas tous les ans. Un labour tous les quatre ou cinq ans remettra le compteur à zéro du stock semencier des graminées accumulé sur les couches superficielles. Les graines de vulpin et de ray-grass ont une durée de vie relativement courte. Quelques années enfouies en profondeur suffiront à les détruire.
Avec une stratégie d’alternance des modes d’action herbicide pour la gestion des graminées résistantes, le colza reste une culture nettoyante selon Terres Inovia, avec des traitements de prélevée et la propyzamide en post-levée. Cette dernière (Kerb Flo) devra être bien positionnée avec la première quinzaine de novembre comme période idéale.
Le prosulfocarbe en toutes précautions avec Qualicible
Herbicide antigraminée très utilisé en céréales, le prosulfocarbe fait l’objet de restrictions d’emploi spécifiques pour éviter toutes dérives vers des cultures non cibles (arbres fruitiers, légumes…)(1). « Nous avons mis en œuvre l’outil Qualicible avec l’objectif que 100 % des agriculteurs et conseillers soient informés des conditions d’utilisation du prosulfocarbe, informe François-Xavier Bauer, Syngenta. Qualicible est un outil cartographique interactif qui rend disponible une carte des parcelles agricoles d’un territoire pour aider au respect de la condition d’emploi du prosulfocarbe. » En cliquant sur la parcelle de son choix, l’utilisateur sera informé de la présence d’une parcelle à risque à moins d’un kilomètre et des conditions d’emploi du prosulfocarbe qui en découlent. Une partie des données qui construisent Qualicible feront l’objet d’une convention de confidentialité et d’utilisation exclusive pour l’outil.
(1) Voir article page 8 du numéro 335 de notre revue, mai 2019.« Des faux semis plus importants que la chimie »
« D’une rotation culturale classique colza/blé/orge jusqu’en 2015, je suis passé à une succession de cultures plus complexe en diversifiant l’assolement avec des espèces comme le sorgho, le lin, les pois fourragers et protéagineux, la féverole, la prairie temporaire, l’avoine et l’orge de printemps. Mais la recherche de débouché et de rentabilité économique n’est pas évidente. Je souhaitais avant tout moins dépendre du colza comme tête d’assolement, qui est devenu un véritable casse-tête en matière de contrôle des géraniums et des matricaires. Le désherbage chimique y dépasse largement les 100 euros de l’hectare. Sur céréales, j’ai des vulpins résistants à des herbicides. Je ne pratique plus le labour depuis longtemps. Avant le semis d’un blé ou d’une orge, je fais un ou deux faux semis : le premier après la récolte avec destruction des adventices quinze jours plus tard et le second une semaine avant le vrai semis de début octobre où j’utilise un semoir à dents. Je peux choisir de retarder le semis d’une céréale sur la seconde quinzaine d’octobre auquel cas j’effectue un faux semis supplémentaire. Mais mes sols parfois hydromorphes ne le permettent pas toujours. Je remarque une bonne efficacité de la technique qui me paraît plus importante que celle avec la chimie. En herbicide, je continue à utiliser du chlortoluron sur orges à l’automne, suivi d’un Axial Pratic au printemps. Sur blé, l’automne 2018 a été sec et les faux semis n’ont pas été réalisés. J’ai appliqué du Fosbury à 0,6 l/ha à l’automne et Assor Duo à 0,8 l/ha au printemps. Contre les graminées, je profite du colza pour appliquer du Kerb Flo dont l’effet se ressent notamment sur les bromes dans le blé qui suit. La trop forte présence de culture d’hiver dans la rotation est la source de tous les maux. Même si j’ai introduit des cultures de printemps depuis quelques années, je n’en ressens pas trop les effets sur le salissement. »
EARL de Baye avec son fils Louis à la fin de l’année (earldebaye.com).