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Accompagner la sortie du désherbage de sortie d’hiver sur blé tendre

L’intérêt du désherbage antigraminée de sortie d’hiver s’amenuise sur blé tendre au fil des années. Diverses stratégies doivent être combinées pour y suppléer. Exemple en Centre-Val de Loire.

Sur les parcelles les plus infestées en région Centre, les populations de vulpins et de ray-grass résistent pour moitié aux herbicides inhibiteurs de l'ALS (sulfonylurées...). © J.-C. Gutner/Archive
Sur les parcelles les plus infestées en région Centre, les populations de vulpins et de ray-grass résistent pour moitié aux herbicides inhibiteurs de l'ALS (sulfonylurées...).
© J.-C. Gutner/Archive

C’est un peu le laboratoire des infestations de graminées adventices sur céréales. La région Centre-Val de Loire a fait l’objet d’un suivi d’une centaine de parcelles de blé tendre en 2018 et 2019 par la coopérative Axéréal avec la collaboration de Bayer CropScience, entre relevés floristiques et observation de l’efficacité des désherbages chimiques.

« Les dicotylédones ne posent pas trop de soucis. Les problèmes se focalisent sur le contrôle des vulpins et ray-grass, relève Jacky Reveillère, du service agronomie d’Axéréal. Nous avons testé en sortie d’hiver l’efficacité du produit Altesse Pro (mésosulfuron-methyl + iodosulfuron-méthyl) à 1,5 l/ha + Actirob 1 l/ha. Sur les deux années, l’efficacité moyenne a été de 88 % sur vulpin et de 73 % sur ray-grass. Le seuil d’efficacité de 95 % jugé comme acceptable pour ces graminées a été atteint dans 47 % des parcelles avec vulpin, mais dans seulement 22 % des champs avec ray-grass. »

Une dose de racinaire en complément des foliaires

Les agriculteurs ont été interrogés sur leur satisfaction de performance d’Altesse Pro. 62 % l’ont jugé suffisamment efficace sur vulpin contre 36 % sur ray-grass. À noter que les parcelles traitées en sortie d’hiver pouvaient déjà avoir reçu un, voire deux traitements à l’automne. « Appliquer des herbicides à l’automne ne garantit pas de retrouver une parcelle propre en février-mars puisque plus d’une parcelle sur deux a nécessité un rattrapage en sortie d’hiver », note Jacky Reveillère.

Les résistances des graminées aux herbicides sont avérées. Bayer CropScience a réalisé des tests de recherche de résistance au cours du printemps 2019 sur 32 échantillons de plantules des deux graminées sur des parcelles très infestées. Des analyses, il est ressorti que la résistance aux inhibiteurs de l’ACCase (herbicides de la famille des fops et dimes) était quasiment généralisée tandis qu’une population sur deux de vulpin ou ray-grass résistait aux inhibiteurs de l’ALS (type sulfonylurées). Cela signifie aussi qu’il reste encore la moitié de ces populations d’adventices sensibles à ces dernières spécialités. La solution de désherbage avec ce type de produit reste valable dans ce cas même si les résistances se développent.

Jacky Reveillère conseille de « remettre une dose de racinaire du type prosulfocarbe avec les spécialités à base de sulfonylurée comme Altesse Pro en parcelles sales (plus de 10 vulpins ou ray-grass au m2). Attention, dans ce cas, il ne faut pas dépasser la dose de 4000 grammes par hectare de prosulfocarbe sur toute la durée de la campagne de culture, prévient le conseiller. Entre l’automne et la sortie d’hiver, il est possible d’appliquer deux herbicides à base de prosulfocarbe présentant des numéros d’AMM différents comme Défi et Roxy, par exemple. Ces herbicides racinaires apportent une persistance d’action dans le sol qui permet de contrôler partiellement les levées tardives de ray-grass. »

L’expert d’Axéréal constate une augmentation de ces cas de levée tardive. « C’est particulièrement vrai sur la Beauce, le nord du Cher. Ces plantes sont moins compétitives vis-à-vis de la culture mais elles produisent des graines après la période de désherbage. »

Prendre en compte le pouvoir couvrant des variétés

Il n’y a pas de nouveautés à prévoir du côté des herbicides pour les traitements de sortie d’hiver ou de printemps sur céréales. Diverses stratégies doivent être mises en œuvre en dehors de cette période pour juguler les graminées.

« Depuis deux ans, nous notons les variétés de céréales sur leur pouvoir couvrant du sol car cette couverture peut être efficace notamment contre les levées tardives. Mais c’est la diversification culturale dans la rotation entre espèces d’hiver et de printemps qui est la stratégie la plus efficace pour le contrôle des adventices, souligne l’expert d’Axéréal. Le retard des semis est très performant également, davantage sur vulpin que ray-grass, à condition que les conditions pédoclimatiques permettent la mise en œuvre de cette technique. L’introduction d’un labour dans les situations sans retournement du sol depuis des années apporte un rôle prophylactique important vis-à-vis du vulpin et du ray-grass. Le désherbage mécanique peut avoir son rôle à jouer contre les mauvaises herbes. Par contre, des essais ont montré que le couvert végétal d’interculture ne constituait pas un levier très exploitable et efficace pour lutter contre les adventices. » Tout n’est pas bon à prendre contre les mauvaises herbes.

CHIFFRES CLES

Vulpin, ray-grass et chardon en tête des préoccupations

47 % de citations jugent le vulpin des champs comme problématique. C’est le résultat d’une étude Inra en 2019 interrogeant agriculteurs, conseillers… et couvrant l’ensemble de la France (1320 réponses) ; 45 % des citations vont au ray-grass et 43 % au chardon des champs : ce sont de loin les 3 adventices les plus citées.

69 % des blés ont été désherbés à l’automne 2018 dans le périmètre Axéréal, en nette progression depuis l’automne 2012 (24 %) (source Bayer CropScience).

81 €/ha de charge herbicide sur céréales en 2018 contre 64 €/ha en 2013. Le désherbage de sortie d’hiver n’a pas diminué dans la même proportion que l’augmentation des interventions d’automne.

Avis d'agriculteur : François Baudron, 265 ha à Saint-Amand-Longpré, Loir-et-Cher

« Perturber le cycle des adventices qui s’habituent à notre travail »

« Certaines zones de mes parcelles sont fortement infestées en vulpins et ray-grass avec parfois un millier de pieds au mètre carré sur 1 ou 2 hectares. Les problèmes de forts salissements ont commencé il y a six ans pour s’amplifier ensuite. Maintenant, la situation est stabilisée mais force est de constater que les antigraminées foliaires ne sont plus efficaces sur ces graminées, notamment ceux de la famille des fops et dimes. Je réserve les sulfonylurées (Atlantis…) aux situations pas trop infestées et pour lutter contre le brome. En dehors de ces traitements, je mène une stratégie se basant sur plusieurs opérations pour contrôler les adventices. J’ai décalé mes semis de blé de début octobre au 15-20 du même mois, ce qui permet de réduire notablement les infestations. Je réalise des faux-semis avec destruction de levées parfois au glyphosate. Je possède une herse étrille qui est un outil d’opportunité. Je l’utilise une dizaine de jours avant les semis si je suis sûr qu’il n’y aura pas de pluie dans les jours qui suivent. J’ai également testé la herse étrille sur des blés semés profond (3-4 cm avec 15 % de densité en plus), cinq à dix jours après le semis quand les grains commencent à germer. L’outil est efficace seulement sur des adventices très jeunes. Depuis deux ans, le désherbage chimique d’automne est devenu systématique avec l’utilisation en prélevée du produit Trooper ou du mélange Défi + Résum, voire, en post-levée précoce, de Fosburi + Carat. Parfois, il est nécessaire de faire une double application à l’automne : Trooper suivi de Fosburi. Mais le désherbage se chiffre à 120-140 euros/hectare dans certaines parcelles de blé. J’interviens sur la rotation culturale contre ces graminées en prenant soin d’introduire des cultures (colza, féverole) où l’on peut utiliser l’herbicide Kerb Flo. La féverole d’hiver ou l’orge de printemps semée à l’automne est ensemencée en novembre, une date de semis qui permet de réduire efficacement les infestations de graminées. Il y a des cultures de printemps dans ma rotation comme le soja récemment. Les mauvaises herbes s’habituent à notre travail. Il faut perturber leur cycle de développement avec ces semis en novembre ou au printemps. Je pratique en outre le labour occasionnel mais, depuis peu, je m’essaie au semis direct dans l’idée que ce non travail du sol ne favorise pas la levée des adventices. »

Martine et François Baudron sont à la tête de l'EARL La Ménarderie : céréales pour les 2/3 (blés tendre et dur, orges d’hiver et de printemps), colza, lin, soja, féverole, pavot ; 150 ha irrigables ; sols argilo-calcaire à argilo-limoneux.

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