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Nouveaux débouchés
De la farine et du pain bio « made in Île-de-France »

Exploitants en Seine-et-Marne, Éric et Anne Gobard approvisionnent avec leur blé tendre les moulins Bourgeois dans le cadre d’une filière 100 % régionale, rémunératrice et bientôt équitable.

Éric Gobard n’est pas peu fier de produire du blé pour approvisionner une filière bio et locale en Île-de-France. Créée voici dix ans, celle-ci bénéficie depuis 2011 du logo « Mangeons local en Île-de-France bio » (voir ci-contre) et trouve ses acheteurs. Elle réunit quatre agriculteurs, dont l’EARL Gobard, trois coopératives bio locales (Biocer, Cocebi et Acolyance), les moulins Bourgeois et les boulangeries franciliennes Patibio. Au total, l’équivalent de 820 000 baguettes sont produites sous cette appellation chaque année.

Céréalier à la tête de 220 hectares de cultures, aujourd’hui toutes en bio ou en conversion, Éric Gobard a repris la ferme familiale en 2002 à Aulnoy en Seine-et-Marne. Installé en EARL avec sa femme Anne, il produit 375 tonnes de céréales par an (blé tendre, épeautre, sarrasin et seigle). La filière « Mangeons local en Île-de-France bio » ne représente que 20 % de ses volumes, mais c’est un débouché rémunérateur et en accord avec ses valeurs. « Avec les moulins Bourgeois, nous savons où est transformée notre production et qu’elle sera valorisée en Île-de-France, souligne Éric Gobard. Nous vendons également à la coopérative Valfrance, mais on en sait moins sur la destination de nos grains… »

30 euros de plus pour du blé bio francilien

Que ce soit à la coop ou aux moulins Bourgeois, le couple reçoit le même prix de base pour son blé, qui se situe entre 400 et 500 euros par tonne. Il faut dire que, cher à l’achat, le blé bio coûte également cher au meunier lors de la transformation. Le taux d’impureté étant plus important, 5 % en bio contre 2 % en conventionnel, « le temps de nettoyage des céréales et d’écrasement est plus long, constate Luc Peinturier, responsable de la filière bio au sein des moulins Bourgeois. De plus, nous écrasons une partie des céréales sur meules de pierre, une technique appréciée des consommateurs car la qualité des farines est supérieure. Mais avec ce mode d’écrasement plus énergivore, le rendement est moindre : 1,2 t/h de blé moulu contre 18 t/h avec un matériel classique ». Si la marge de la farine bio est moins importante qu’en conventionnel pour le meunier, elle reste néanmoins « toujours lucrative », selon Luc Peinturier. L’industriel en fait profiter l’agriculteur, qui bénéficie d’une prime supplémentaire de 30 euros récompensant la provenance locale de sa production. Deux fois par an, les acteurs de la filière se réunissent pour faire un point et définir les prix. Avec 1 720 euros de marge à l’hectare en moyenne sur cinq ans, l’agriculteur est gagnant. « Depuis notre passage en bio, nous avons dû embaucher un salarié à plein temps et les rendements sont moins importants, souligne-t-il. Cette année, nous étions à 38 q/ha contre 45 q/ha de moyenne quinquennale. Mais je n’ai que 300 euros de charges à l’hectare alors qu’en conventionnel c’était plutôt de l’ordre de 600 euros. »

Un pain bio local bientôt labellisé équitable

Pas en peine de projet, Éric Gobard veut aller plus loin que les baguettes « Mangeons local en Île-de-France bio ». Toujours avec les moulins Bourgeois, il participe au développement d’une filière blé-pain équitable à l’échelle départementale, cette fois-ci. Le projet est né sous l’impulsion du groupe d’action locale (GAL) Terres de Brie qui redistribue des aides issues du Feader (fonds européen de développement rural) pour développer des projets locaux. Il associe Éric Gobard ainsi que trois autres agriculteurs locaux, les moulins Bourgeois et devrait impliquer le fournil Belledonne, situé à moins de 80 km du meunier. Pour l’exploitant, « valoriser la production en contractualisant équitablement, c’est la condition de survie des agriculteurs sur le long terme ». Cet automne, il a donc ensemencé 22,5 hectares de blé en cours de certification équitable. La rémunération fournie par le meunier est vérifiée par l’organisme de certification Ecocert. Concrètement, « celui-ci nous appelle et s’assure que nous sommes satisfaits du prix proposé par le moulin », explique Éric Gobard. Dans les faits, le moulin achète le blé au même prix que pour la filière Île-de-France mais les contrats sont signés pour trois ans et la démarche bénéficie de la certification « Commerce équitable d’Ecocert ». « Nous faisons du commerce équitable Nord-Nord et nous sommes aussi capables de tracer le blé, du champ jusqu’au pain dans la boulangerie ! », se réjouit l’agriculteur.

Dans cette filière, le rapport direct entre l’exploitant et le premier transformateur est essentiel. « Ce serait difficile à mettre en œuvre avec les coopératives… », avoue Éric Gobard. En janvier 2020, il livrera 100 tonnes de blé aux moulins Bourgeois en connaissant l’issue finale de sa production : du pain issu de son blé sera en vente au fournil Belledonne. Une réelle satisfaction pour le céréalier.

Sophie Thillaye

Le « made in ferme » gourmand en énergie

En quête de valeur ajoutée, Éric et Anne Gobard ont investi il y a dix ans dans un moulin. « Nous voulions nous diversifier tout en valorisant nos produits sur la ferme, explique Éric Gobard. Et Anne cherchait également à travailler, les enfants grandissants… » Dans une grange en face de la maison, Anne écrase 75 tonnes de céréales par an, produisant 50 tonnes de farine et 25 tonnes de sons valorisés en alimentation animale. Si vendre sa propre farine est rémunérateur, le couple se confronte à la dure loi de la distribution : « le nerf de la guerre, c’est la commercialisation », admet Anne Gobard. Qu’ils traitent avec Intermarché ou La vie claire, les problèmes sont les mêmes. « Le système de commande est en flux tendu et on peut perdre des clients à cause des délais de livraison inhérents à notre production, explique-t-elle. Or même si la farine est prête à être conditionnée, il me faut une minute pour ensacher, peser et étiqueter chaque kilo de farine », un temps incompressible compte tenu des outils de production.

En chiffres

Une sole très diversifiée

220 hectares répartis sur 65 ha de blé tendre, 29 ha de luzerne, 17 ha de betterave, 15 ha de féverole, 14 ha de haricot vert, 14 ha de grand épeautre, 12 ha de lin textile, 12 ha de soja, 11 ha de triticale, 7 ha de chanvre, 7 ha de seigle, 7 ha de sarrasin, 7 ha de petit épeautre et 3 ha de prairies.

394 256 euros de chiffre d’affaires global dont 71 500 euros pour le moulin de la ferme

100 % des cultures sont en bio, dont 53 ha sont encore en conversion

450 t de capacité de stockage sur la ferme

Quand des moulins s’adaptent à la demande locale

Il y a dix ans, les moulins Bourgeois situés à Verdelot, en Seine-et-Marne, ont investi dans un nouvel atelier entièrement consacré au bio. « Nous avions constaté que le marché était suffisamment solide pour investir, d’autant plus que nous sommes sur une zone de captage d’eau protégée et qu’il y avait déjà quelques producteurs de céréales bio, indique Luc Peinturier, responsable de la filière bio. Nous sentions également monter une tendance lourde des consommateurs pour les produits bio et locaux et nous voulions tracer nos farines. » L’objectif ? Créer une filière bio régionale. « La difficulté, c’était de trouver une coopérative capable d’alloter en fonction d’une provenance régionale, raconte-t-il. Seule la coopérative Biocert a finalement répondu à notre demande. » Ensemble, ils décident de s’aligner sur les prix du blé bio national en convenant d’une prime supplémentaire pour l’allotement régional entre 5 et 10 euros la tonne.

La hausse des prix du blé tamponnée par le meunier

Aujourd’hui, le moulin se fournit auprès de trois coopératives. Avec elles, « nous sommes engagés sur trois ans et achetons le blé entre 450 et 500 euros la tonne. Les boulangers nous achètent la farine entre 1 100 et 1 200 euros la tonne. C’est très transparent ! », indique le responsable. Pour conserver un prix correct pour le consommateur, le meunier n’a répercuté sur les boulangers que la moitié des 10 % de hausse des prix du blé suite à la mauvaise récolte. « Nous avons fait le choix d’absorber 5 % de cette hausse », explique Luc Peinturier.

En 2011, la filière a intégré le label régional « Mangeons local en Île-de-France bio » mis en place par le Cervia (1). 8 000 tonnes de farine biologique estampillée ainsi sortent chaque année des moulins Bourgeois. Attention toutefois : « ce logo n’impose que 50 % de farine locale, précise le responsable, car pour l’instant il n’y a pas assez de matières premières disponibles. » D’ici trois ans, la région veut arriver à 80 % de blé bio local produit en Île-de-France.

(1) Organisme associé à la région Île-de-France pour le maintien de l’agriculture et des entreprises alimentaires franciliennes, fondé par la région Île-de-France, la chambre régionale d’agriculture et l’Association régionale des industries agroalimentaires (Aria).

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