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Colza : combiner les moyens de lutte contre les altises et charançons à l’automne

Moyens agronomiques, levier variétal, insecticides, auxiliaires… on peut jouer sur plusieurs tableaux pour réduire au maximum l’impact des ravageurs d’automne sur colza, parmi lesquels les altises. Tour d’horizon des moyens de lutte directs ou indirects.

Les colzas sont vulnérables aux attaques de grosse altise jusqu'au stade 4-6 feuilles. © Noriap
Les colzas sont vulnérables aux attaques de grosse altise jusqu'au stade 4-6 feuilles.
© Noriap

« Les coléoptères d’automne sont de très forts accélérateurs de décroissance des surfaces. » Responsable évaluation des intrants chez Terres Inovia, Franck Duroueix ne peut que constater la perte de 30 % des surfaces de colza depuis 2018, à cause de la sécheresse récurrente au moment des semis, mais aussi de la recrudescence d’insectes ravageurs.

Contre les coléoptères d’automne - dont la grosse altise et le charançon du bourgeon terminal sont les principaux représentants -, les insecticides restent une solution disponible et efficace. Mais l’étau réglementaire se resserre nettement sur ces produits, avec le retrait de plusieurs d'entre-eux. La famille des pyréthrinoïdes ne se résume plus qu’à quelques molécules contre lesquelles les coléoptères ont développé des populations résistantes dans plusieurs zones de production du colza. En situation de résistance, une seule substance active reste efficace, le phosmet (produit Boravi WG).

En décembre 2020, la FOP alertait sur la nécessité que la France appuie la ré-autorisation du phosmet au niveau européen, dont la date d’expiration était fixée au 31 juillet 2021. Les signaux étaient au rouge pour cette matière active remise en cause pour son profil toxicologique. « Récemment, la date d’expiration a été repoussée à juillet 2022. Notre produit Boravi reste autorisé tant qu’une décision contraire n’a pas été prise au niveau européen », informe Damien Ronget, responsable technique de Gowan France, société qui soutient le dossier du phosmet. C’est donc un sursis pour Boravi WG, qui sera encore utilisable l’automne prochain. Seules deux applications du produit sont possibles par campagne, à alterner avec des pyréthrinoïdes pour lutter contre l’ensemble des ravageurs.

Une ou deux pistes de nouveaux insecticides

En prévision du retrait du phosmet, d’autres solutions efficaces doivent être trouvées. « Depuis cinq ans, Terres Inovia a testé neuf substances actives sur colza, déjà homologuées sur d’autres cultures. Avec ce screening, une ou deux pistes se dégagent sur ravageurs d’automne avec de nouveaux modes d’action », informe Laurent Ruck, spécialiste des insecticides et du biocontrôle des ravageurs chez Terres Inovia. L’institut a bon espoir de voir une nouvelle molécule homologuée sur colza en France pour 2022, affichant une efficacité proche de celle de Boravi WG sur grosse altise. Il en est de même pour une molécule contre le charançon du bourgeon terminal. Le traitement de semence Lumiposa (cyantraniliprole) pourrait être un candidat intéressant. « Son efficacité est prouvée sur grosses altises à des stades jeunes. Le dossier est en cours. Le produit ne sera pas disponible pour les prochains semis », précise Laurent Ruck.

 

Terres Inovia mène également des essais sur des solutions de biocontrôle : microorganismes, macroorganismes (nématodes), substances naturelles, médiateurs chimiques… Pour le moment, les résultats sont peu concluants mais les recherches continuent en essayant de mettre en œuvre les conditions optimales d’efficacité pour certaines des solutions. Un insecticide utilisé en agriculture biologique montre malgré tout de bons résultats sur de fortes attaques de grosses altises adultes : l’azadirachtine (huile de neem). Mais son coût d’utilisation aux alentours de 100 euros l'hectare rend rédhibitoire son emploi sur colza.

Amener le colza au stade 4-6 feuilles avant l’arrivée des altises

La nuisibilité est fortement conditionnée par la dynamique de croissance du colza (voir grille de risque des ravageurs). Une fois atteint le stade 4 à 6 feuilles, le colza devient peu vulnérable aux attaques de grosse altise. Une stratégie de lutte consiste à l’amener à ce stade le plus tôt possible, avant les vols importants du ravageur. « Obtenir un colza robuste passe par un semis précoce, de préférence avec un semoir monograine, une fertilisation et l’association avec des légumineuses », énumère Franck Duroueix.

Dans les Hauts-de-France, la coopérative Noriap et les sociétés Agrosolutions et RAGT Semences ont mené des essais en modulant les dates de travail du sol et de semis (entre le 7 août et le 14 septembre 2020), la fertilisation au semis et l’utilisation de plantes compagnes. « Le croisement de ces facteurs permet d’étudier les stratégies de lutte contre les altises, présente Philippe Pluquet, responsable du pôle agronomie chez Noriap. Les semis les plus précoces assurent les meilleures implantations du colza. La fertilisation starter fait gagner en biomasse dès l’automne sur ces semis du mois d’août. Ces éléments concourent à être mieux armés contre les attaques d’altises. La pression de ces dernières a d’ailleurs été très faible sur le semis le plus précoce du 7 août. Par ailleurs, on a pu remarquer une présence de larves d’altises moins importante dans les modalités avec plantes compagnes, constituées par un mélange lentilles-trèfle d’Alexandrie dans l’essai. »

Autre moyen agronomique, le roulage montre un effet indéniable selon des essais Terres Inovia. « En roulant, on nivelle le sol et on détruit des abris (mottes) de la grosse altise qui s’y cache le jour », explique Laurent Ruck. Rendre le milieu défavorable aux ravageurs tout comme restaurer la régulation naturelle par les auxiliaires fait partie des axes de recherche de Terres Inovia avec notamment le projet R2D2.

Le levier variétal : une pièce du puzzle parmi d’autres

Terres Inovia teste les variétés sur leur vigueur depuis 2019, en particulier au départ et à l’automne. « Nous notons des écarts significatifs entre variétés, avec par exemple une différence de 10 à 15 % de couverture du sol au départ, observe Arnaud Van Boxsom, responsable de l’évaluation des variétés chez Terres Inovia. Au travers du projet de recherche Vigo, nous allons mesurer l’efficacité de cette vigueur contre les ravageurs d’automne. »

Par ailleurs, la relation entre variétés et infestations par les altises a été étudiée sur onze dispositifs expérimentaux. « Des différences importantes apparaissent entre variétés sur le nombre de larves de grosses altises, avec entre 3,2 et 5,2 larves par plante. Feliciano KWS se situe en tête dans ce classement. La variété avait déjà été repérée pour sa tolérance aux attaques d’altises, rappelle le spécialiste de Terres Inovia. En pourcentage de plantes saines (sans symptômes), elle montre aussi les meilleurs résultats (avec les variétés RGT Picasso et LG Amplitude), avec 76 % de plantes saines contre moins de 50 % pour les variétés les moins bien classées dans nos essais. Feliciano KWS n’est pourtant pas la variété la plus vigoureuse. Elle tolère les ravageurs grâce à un autre facteur que la vigueur. »

Ces résultats restent à consolider en augmentant le nombre d’essais. À plus long terme, Arnaud Van Boxsom espère l’obtention de variétés de colza non plus tolérantes, mais résistantes aux ravageurs. Pour cela, deux projets de recherche sont en cours, Deluge et Brassican. L’avenir n’est pas complètement bouché pour le colza et son combat contre les ravageurs.

Les effets anti-charançon de l’octaborate de sodium

Terres Inovia a testé l’octaborate de sodium pour lequel des agriculteurs disent obtenir de bons résultats contre le charançon du bourgeon terminal. « Dans les conditions d’essais de 2020, son efficacité s’est révélée insuffisante, mais les traitements avaient été réalisés trop tardivement, reconnaît Laurent Ruck. Nous allons retester le produit dès les premières captures de charançon pour gêner très tôt le ravageur. » À noter que ce produit ne s’utilise pas en tant que spécialité phytosanitaire mais comme engrais.

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