Aller au contenu principal

Biostimulants, un marché agricole en quête de références

La gamme des biostimulants s’étend. La législation européenne accompagne ce développement mais quels espoirs placer dans ces produits en grandes cultures ? Actuellement, les références manquent pour garantir les bénéfices apportés par les biostimulants.

Les biostimulants ont le vent en poupe. Activateurs de sols, stimulateurs de croissance, phytostimulants ou biofertilisants : la palette de produits est large et variée. Comment s’y retrouver parmi l’immense variété de produits commercialisés ?

« Les biostimulants sont définis par leurs allégations qui sont les effets agronomiques escomptés, explique Patrick du Jardin, enseignant-chercheur à Gembloux Agro-bio Tech Université de Liège en Belgique et expert européen sur le sujet. La réglementation européenne distingue quatre allégations : amélioration de l’efficience des nutriments par la plante, de la tolérance aux stress abiotiques, de la qualité des produits et enfin amélioration de la disponibilité pour la plante des éléments confinés dans le sol. » Les produits constitués d’extraits d’algue ou d’acide fulvique (fraction de l’humus) dominent le marché. Ils sont souvent complétés par des extraits de plante ou des oligo-éléments. Des composts, digestats de méthanisation ou coproduits de l’industrie devraient enrichir prochainement les gammes. Les fabricants associent généralement plusieurs ingrédients, dans des proportions qui constituent leur secret de fabrication.

Préparer la plante à des stress climatiques ou faciliter sa récupération

La plupart des biostimulants préparent la plante à un stress abiotique, donc comment évaluer l’intérêt et l’efficacité de tels produits s’il n’y a pas d’événement climatique critique dans l’année ? C’est la question centrale dans le domaine des grandes cultures. « La fonction des biostimulants n’est pas nécessairement d’augmenter le rendement, particulièrement dans les contextes de production très favorables, où l'on cherchera davantage une économie en fertilisants ou une meilleure qualité des produits », précise Patrick du Jardin. Dans nos régions, ils sont une solution technique pour préparer la plante à des stress climatiques ou faciliter sa récupération. Ils permettent le maintien d’une activité en période difficile. En ce sens, les biostimulants sécurisent le rendement.

Évaluer la perte de rendement provoquée par tel ou tel facteur de l’environnement et mesurer l’apport du biostimulant s’avère néanmoins compliqué. Conditions d’application, dose, nombre de répétitions et apports d’engrais, eau d’irrigation, coformulation : il existe tellement d’effets cumulés que l’identification d’un seul effet est difficile à mettre en évidence. « Les preuves en laboratoire ne suffisent pas. Le champ doit avoir le dernier mot », rappelle Claude Maumené, ingénieur Arvalis. Or, au champ, les conditions d’essais sont par définition non contrôlées et de nombreux facteurs peuvent interagir.

Jusqu’ici, les essais des instituts techniques n’ont pas permis de mettre en évidence des effets bénéfiques très significatifs. Compte tenu de l’intérêt croissant, les instituts relancent des programmes de recherche pour apprécier plus finement d’éventuels bénéfices.

Des outils sont ainsi en cours de développement, visant à mieux quantifier le stress vécu par une culture. Un projet Casdar associant l’université de Caen, l’Inra de Rennes Igepp et Rittmo bioenvironnement, piloté par Terres Inovia, a été lancé sur le sujet en 2019. Les chercheurs mettent au point une méthode d’évaluation sur colza plus précise et plus complète que les méthodes actuelles, pas toujours adaptées aux particularités des biostimulants. « Nous nous intéressons à la tolérance au stress hydrique et à la température », commente Cécile Legall, ingénieure chez Terres Inovia. L’institut des oléagineux teste depuis la campagne 2018-2019 des produits de biostimulation sur colza et tournesol, en privilégiant des produits qui améliorent la nutrition des plantes, la capacité de germination et l’établissement du système racinaire.

Quelle rentabilité du produit  s'interroge la profession agricole

Du côté d’Arvalis, on teste les produits après sollicitation de la profession agricole, qui souhaite évaluer la rentabilité du produit. « Ce qui compte pour l'agriculteur, c’est davantage le rendement que les effets revendiqués à un moment sur la plante et ce n'est pas ce que nous cherchons à évaluer en priorité dans nos essais », détaille Grégory Vericel, d’Arvalis. "Ce n'est pas parce qu'un produit a un effet positif sur la croissance racinaire, la photosynthèse ou la tolérance à un stress momentané que son utilisation est rentable pour l'agriculteur." Difficile de répondre aujourd’hui : les essais d’Arvalis ont également démarré en 2019. Néanmoins, des biostimulants en traitement de semences, qui favoriseraient le développement racinaire, apparaissent prometteurs sur maïs. « Positionner les biostimulants au plus près de la plante, ça a du sens », précise Grégory Vericel.

L’intérêt semble plus fort sur maïs que sur céréales à paille en raison de sa rapidité de croissance. La plante serait ainsi mieux armée face à des attaques de taupin car une plante moins sensible à un stress est aussi moins sensible aux ravageurs. « Sur céréales, certains produits revendiquent plutôt une optimisation de la photosynthèse. Nous les testons dans des essais qui comprennent une courbe de réponse à l’azote et cela nous permet de voir si une économie d’engrais est possible », explique l’expert. Un produit à base de levure de bière associé à un engrais fait notamment parler de lui. Au sein des producteurs comme chez les agronomes, beaucoup aimeraient voir ces promesses se confirmer, à l’instar de Claude Maumené : « À ce jour, nous conduisons beaucoup d’essais longs et coûteux pour démontrer, sauf quelques rares cas peu ou pas d’effets sur le rendement. Espérons que de nouveaux produits apporteront rapidement des voies de progrès. »

Une législation qui évolue

Depuis juin dernier, le cadre des biostimulants s’est éclairci. Le règlement européen UE 2019/1009 définit les biostimulants selon leur fonction. Ils ne peuvent plus être confondus avec des produits de protection des plantes. Les uns agissent sur des stress abiotiques subis par les plantes, les autres sur les stress biotiques (insectes, maladies, etc.). Des standards sont en phase de construction.

« Cette évolution réglementaire a trois avantages. D’abord elle rend possible une mise en marché avec un seul process pour tous les pays de l’UE. Ensuite, tous les agriculteurs vont avoir accès aux mêmes biostimulants. Enfin, du point de vue environnemental, des seuils d’innocuité transversaux à toutes les familles sont fixés, ce qui n’était pas le cas auparavant », commente Laurent Largant, secrétaire général de l’Afaia(1).

Le texte harmonise la législation sur les biostimulants, pour une application au 16 juillet. À charge pour un comité européen de publier des normes encadrant les différents types de biostimulants pour 2022.

Cette harmonisation va de pair avec une certification européenne des produits, effectuée par des organismes indépendants. « Cette certification accordera une légitimité et une garantie aux engrais et aux biostimulants, comparable d’un État membre à l’autre », estime Laurent Largant.

(1) L’Afaia est le syndicat professionnel des acteurs de la filière des supports de culture, paillages, amendements organiques, engrais organiques et organominéraux et biostimulants.

Un marché dynamique

Le marché des biostimulants est dynamique. Il affiche un taux de croissance de 10 à 12 % à l’échelle européenne, pour un chiffre d’affaires atteignant le milliard d’euros et 300 millions d’euros en France. Cette croissance attise les appétits des distributeurs, qui voient là un opportun relais de croissance. Dans l’Hexagone, le marché est surtout concentré sur les cultures spécialisées : vigne, arboriculture, maraîchage, pour lesquelles les critères qualitatifs sont extrêmement importants. Le secteur des grandes cultures est lui aussi concerné : jusqu’à 25 % des surfaces de colza reçoivent aujourd’hui un produit de biocontrôle.

Les plus lus

<em class="placeholder">Mathieu Beaudouin est agriculteur à Évry-Grégy-sur-Yerre, en Seine-et-Marne.</em>
Mauvaises récoltes 2024 : « On rogne sur notre rémunération et sur l’entretien du matériel, faute de trésorerie suffisante »
Mathieu Beaudouin est agriculteur à Évry-Grégy-sur-Yerre, en Seine-et-Marne. Il témoigne de ses difficultés depuis un an liées…
<em class="placeholder">Agriculture. Semis de blé. tracteur et outil de travail du sol à l&#039;avant. agriculteur dans la cabine. implantation des céréales. lit de semences. semoir Lemken. ...</em>
Semis tardif de céréales : cinq points clés pour en tirer le meilleur parti

Avec une météo annoncée sans pluie de façon durable, un semis tardif de blés et d'orges dans de bonnes conditions de ressuyage…

[VIDÉO] Dégâts de grand gibier : une clôture bien installée pour protéger le maïs des sangliers

Agriculteur à Saint Fuscien dans la Somme, Valère Ricard a pu recourir aux services de la fédération des chasseurs de son…

<em class="placeholder">Bord de champ inondé après un excès de pluie en bordure d&#039;un champ de céréales. Avril 2024 dans le nord de l&#039;Eure-et-Loir</em>
Difficultés de trésorerie : quelles sont les mesures existantes pour faire face ?

Les mauvaises récoltes pèsent sur les trésoreries. Des mesures ont été annoncées par l’État alors que la MSA, les banques et…

Pierre Devaire, agriculteur en Charente, dans une parcelle.p
Récoltes 2024 : « une campagne traumatisante » pour les céréaliers du Poitou-Charentes

L’heure est au bilan chez les producteurs de céréales, au terme d’une campagne 2024 qui fut difficile du début à la fin. Les…

<em class="placeholder">Moisson du Colza dans les plaines cerealieres de la Marne. Agriculteur moissonnant sa parcelle de Colza avec une moissonneuse bateuse Claas 740 Lexion.  Livraison du Colza a ...</em>
Prix du blé et du colza 2024 : quand vendre votre récolte ?

L’embellie du prix du colza depuis quelques semaines offre quelques opportunités aux producteurs de grandes cultures. C’est…

Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 90€/an
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site Grandes Cultures
Consultez les revues Réussir Grandes Cultures au format numérique sur tous les supports
Ne manquez aucune information grâce à la newsletter Grandes Cultures